L’accord de Charm el-Cheikh suscite une adhésion mondiale rare
Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, le président égyptien, Abdel Fattah al-Sisi, le président américain, Donald Trump, l'émir du Qatar, Cheikh Tamim ben Hamad al-Thani, et d'autres dirigeants posent pour une «photo de famille» lors du sommet de Gaza à Charm el-Cheikh, le 13 octobre 2025. ©Evan Vucci / Pool / AFP

À travers le monde, de nombreux dirigeants ont salué l’accord de cessez-le-feu conclu entre Israël et le Hamas et formalisé lors d’un sommet à Charm el-Cheikh, en Égypte, le 13 octobre 2025, sous l’impulsion du président américain, Donald Trump, et avec la signature conjointe des médiateurs égyptien, qatari et turc. L’entente prévoit l’arrêt des hostilités, la libération des vingt derniers otages israéliens encore en vie, l’échange d’environ 2.000 prisonniers et détenus palestiniens, ainsi qu’un afflux massif d’aide humanitaire.

Washington: soutien bipartisan rare

Au lendemain de son passage à Charm el-Cheikh, Donald Trump revendique un rôle d’architecte de la trêve entre Israël et le Hamas. Le président américain a salué un «accord historique» et remercié les médiateurs régionaux pour «leur engagement courageux en faveur de la paix».

De son côté, son prédécesseur, Joe Biden, s’est dit «profondément reconnaissant et soulagé» que ce jour soit arrivé «pour les vingt derniers otages encore en vie et pour les civils de Gaza». Tout en rappelant que son administration avait «œuvré sans relâche» à ces objectifs, il a félicité l’équipe Trump pour avoir mené «l’accord de cessez-le-feu à son terme».  

Israël: appui du gouvernement et de l’opposition

À Jérusalem, Benjamin Netanyahou a salué un «tournant décisif» et remercié Donald Trump pour son «leadership». Il a présenté l’accord comme une victoire diplomatique, adossée aux opérations menées à Gaza. M. Netanyahou a salué le président américain comme le «plus grand ami» qu’Israël ait jamais eu, alors que le Hamas libérait les vingt derniers otages encore en vie dans le cadre du nouvel accord de paix, le 13 octobre.

S’adressant à M. Trump, à la Knesset, le chef de l’opposition, Yaïr Lapid, a salué le dirigeant américain pour avoir «sauvé des millions de personnes des horreurs de la guerre», affirmant qu’il avait «accompli l’inimaginable».

Les voix palestiniennes, entre opportunité et lignes rouges

Le Hamas a annoncé un accord «destiné à mettre fin à la guerre», prévoyant le retrait de l’armée israélienne, l’entrée de l’aide humanitaire et l’échange de prisonniers. Le mouvement a remercié le Qatar, l’Égypte et la Turquie pour leurs efforts de médiation, tout en appelant les garants à contraindre Israël à respecter ses engagements. Sur le terrain, des forces du Hamas ont été redéployées à Gaza pour asseoir l’ordre, une dynamique qui suscite déjà des interrogations sur la durabilité de la trêve.

Le président de l’Autorité palestinienne (AP), Mahmoud Abbas, présent au sommet de Charm el-Cheikh, a soutenu les efforts de médiation en cours. L’AP s’est ensuite déclarée disposée à participer à une administration transitoire sous supervision internationale – une perspective particulièrement sensible, au cœur des tensions à régler, notamment face à l’opposition du Hamas à tout désarmement imposé.

Médiateurs au premier rang: Égypte, Qatar, Turquie

Pays hôte, l’Égypte a réaffirmé son rôle de médiateur central. Le Caire veut ainsi garantir l’application du cessez-le-feu, sécuriser des corridors humanitaires et piloter les discussions sur la stabilisation et la reconstruction, avec un mécanisme de suivi international.

Le porte-parole du ministère qatari des Affaires étrangères, Majed Al Ansari, a confirmé une entente sur les modalités de la première phase: cessation des hostilités, libération des captifs israéliens et des prisonniers palestiniens, ainsi que l’acheminement de l’aide humanitaire, des précisions opérationnelles devant être communiquées ultérieurement.
La Turquie a salué un pas «profondément réjouissant». Le président, Recep Tayyip Erdoğan, a remercié Washington, promettant une surveillance étroite de l’exécution du plan et plaidant pour un accès humanitaire immédiat et une reconstruction sans délai. Ankara a réaffirmé son cap: une solution à deux États et une contribution active à toutes les étapes de l’accord.

Monde arabe: une adhésion vigilante

L’Arabie saoudite, représentée par son chef de la diplomatie, le prince Faisal bin Farhan Al Saud, a salué l’accord et le rôle des facilitateurs, réclamant toutefois des garanties concrètes sur les engagements humanitaires pour éviter une rechute.

Quant aux Émirats arabes unis (EAU), dont une délégation, conduite par Cheikh Mansour bin Zayed Al Nahyan, était présente au sommet, ils ont exprimé leur soutien à l’accord de trêve comme «premier pas positif» vers l’apaisement, tout en appelant à la mise en œuvre effective des engagements et au renforcement de l’aide humanitaire à Gaza.

Le roi Abdallah II de Jordanie, également présent à Charm el-Cheikh, a appelé à une coordination régionale renforcée en vue de la reconstruction, en soulignant l’importance de la souveraineté palestinienne et d’une représentation légitime dans la gouvernance post-conflit. Les capitales régionales attendent désormais des mesures concrètes – financements, corridors, institutions – au-delà des déclarations.

 

L’Europe, soutien et leviers financiers

Le président français, Emmanuel Macron, présent à Charm el-Cheikh aux côtés du Premier ministre britannique, Keir Starmer, de la cheffe du gouvenement italien, Giorgia Meloni, et du chancelier allemand, Friedrich Merz, a réaffirmé la volonté de la France de «jouer un rôle actif» dans la stabilisation et la reconstruction de Gaza. Il a également souligné la nécessité d’un contrôle rigoureux du respect des droits humains et de garanties politiques durables, notamment à travers la relance de la perspective d’une solution à deux États. Paris a par ailleurs proposé d’examiner sa participation à une éventuelle force internationale de stabilisation.

Au Royaume-Uni, le Premier ministre, Keir Starmer, a évoqué un «moment de profond soulagement» pour les otages et les civils de Gaza, à la suite de l’annonce de l’accord, le 9 octobre. Londres a parallèlement annoncé un paquet d’aide humanitaire ciblé, axé sur l’eau, l’assainissement et l’hygiène, tout en proposant l’organisation d’une conférence internationale consacrée à la reconstruction de Gaza, écartant explicitement toute participation du Hamas à la future administration de ce processus.

La conférence s’est ouverte le 13 octobre à Wilton Park, près de Londres, en présence de représentants de l’Autorité palestinienne (AP) et de plusieurs donateurs internationaux. Selon Downing Street, la rencontre réunit «divers partenaires internationaux», parmi lesquels l’Allemagne, l’Italie, l’Arabie saoudite et la Jordanie, ainsi que des acteurs du secteur privé et de grands bailleurs de fonds, dont la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) et la Banque mondiale.

L’objectif de la conférence est de coordonner et de planifier les efforts de reconstruction de Gaza pour la période post-conflit, un processus qui sera «dirigé par les Palestiniens», a précisé Londres.

Côté Allemand, le chancelier Merz a jugé les premières étapes «encourageantes» et promis un appui «ferme» au processus.

En Italie, la cheffe du gouvernement, Giorgia Meloni, a salué une «nouvelle extraordinaire» et affirmé que Rome était prête à contribuer à la stabilisation et à la reconstruction.

Par ailleurs, Bruxelles et plusieurs autres capitales européennes ont conditionné un soutien massif à la mise en place de mécanismes de supervision transparents ainsi qu’à des garanties sur l’utilisation des fonds et la protection des civils.

Iran: pragmatisme stratégique

Bien que l’Iran  soit un soutien de longue date des mouvements de résistance dans la région, notamment du Hamas, les plus hauts responsables politiques à Téhéran sont restés silencieux sur l’accord de paix entre Gaza et Israël. Dans un communiqué publié le 9 octobre, le ministère iranien des Affaires étrangères a néanmoins réaffirmé son appui à la fin de ce qu’il qualifie de «génocide à Gaza», tout en s’abstenant de commenter directement la trêve conclue au Caire.

Dans son communiqué, l’Iran a appelé au retrait des forces israéliennes, à un accès humanitaire sans entrave et au respect des droits du peuple palestinien. Le ministère exhorte également à une vigilance internationale face aux agissements d’Israël, soulignant que la fin des hostilités ne saurait exonérer la communauté internationale de son devoir de justice, ni de la nécessité de poursuivre les responsables de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité commis à Gaza.

ONU et OMS

Le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a salué l’annonce du cessez-le-feu et d’un accord sur la libération des otages. Il a rendu hommage aux médiateurs, exigé le respect intégral des engagements, l’entrée immédiate de l’aide humanitaire à Gaza, et a inscrit l’effort onusien dans une trajectoire politique crédible vers la solution à deux États.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) s’est déclarée prête à intensifier ses opérations à Gaza. Son directeur général, Tedros Adhanom Ghebreyesus, considère l’annonce comme «un grand pas» si toutes les parties respectent l’accord, avec la perspective de soins d’urgence renforcés et la réhabilitation d’un système de santé exsangue.

La Chine soigne son image de médiateur

La Chine a salué l’annonce de la trêve, tout en appelant à un «cessez-le-feu global et permanent» à Gaza. Pékin se présente comme un acteur de stabilité et un défenseur du dialogue multilatéral dans la région.

La Chine «soutient le principe selon lequel les Palestiniens doivent gouverner la Palestine» et défend la «solution à deux États» comme unique voie vers une paix durable, a déclaré le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Guo Jiakun, lors d’un point de presse à Pékin. «Nous sommes prêts à collaborer avec la communauté internationale pour œuvrer à une solution globale, juste et durable à la question palestinienne, et à un Moyen-Orient pacifique et stable», a-t-il ajouté.

Et ailleurs…

Le Kremlin a salué l’accord, jugeant que l’essentiel sera son application, tout en liant ce succès diplomatique à d’autres dossiers régionaux. «Nous soutenons assurément ces efforts. On ne peut que se réjouir qu’un cessez-le-feu à Gaza soit en train de se mettre en place», a déclaré le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.

En Inde, le Premier ministre, Narendra Modi, a accueilli «favorablement» l’accord, espérant que la libération des otages et l’accès renforcé à l’aide humanitaire ouvriront la voie à une paix durable.

Au Pakistan, Shehbaz Sharif a salué une «opportunité historique» pour mettre fin au «génocide à Gaza», félicitant les médiateurs et rendant hommage aux souffrances du peuple palestinien.

Au Japon, le porte-parole gouvernemental, Yoshimasa Hayashi, a qualifié l’accord d’«étape importante» vers la désescalade et la solution à deux États, Tokyo promettant de contribuer à l’aide humanitaire et à la reconstruction.

En Australie, Anthony Albanese a applaudi une avancée «indispensable» après «plus de deux années» de guerre, remerciant les médiateurs et réaffirmant l’objectif d’une solution à deux États.

Au Canada, le Premier ministre, Mark Carney, s’est dit soulagé pour les familles des otages et a appelé à la mise en œuvre rapide des termes convenus, en vue d’une paix durable.

Finalement, alors que la plupart des acteurs régionaux et internationaux ont salué l’accord, une voix demeure absente: celle du Hezbollah. Au Liban, la milice chiite pro-iranienne, pourtant habituellement prompte à commenter toute évolution liée au conflit israélo-palestinien, est restée silencieuse, soulignant ainsi sa position d’isolement dans le paysage régional.

 

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