Looksmaxxing: l’obsession beauté au masculin
©Ici Beyrouth

Né sur des forums masculinistes avant d’envahir TikTok, le mot looksmaxxing désigne la volonté d’«optimiser» son apparence à tout prix. Derrière cette tendance virale se joue bien plus qu’une mode: la montée d’une culture du corps façonnée par les algorithmes, la comparaison permanente et les codes de la virilité numérique.

Sur TikTok et d’innombrables forums, une nouvelle quête obsède: le «looksmaxxing», cette tendance chez certains jeunes, majoritairement masculins, qui cherchent à «maximiser leur apparence». Autrement dit se conformer aux diktats esthétiques via des techniques extrêmes, au prix d’une véritable marchandisation du corps.

Ce terme, issu de l’argot numérique, occupe aujourd’hui une place centrale dans les discours sur le corps, le genre et l’esthétique. Quelle est son origine? Quel lexique digital a-t-il engendré? Pose-t-il des dangers pour les jeunes générations?

Un mot né des réseaux

«Looksmaxxing» est un mot-valise, formé de la combinaison de looks, apparence, et maxxing, forme argotique de maximizing (améliorer au maximum). Le double x est souvent un clin d’œil aux codes et usages d'Internet.

Entré récemment dans les dictionnaires anglais, il désigne, dans le langage des forums et des réseaux sociaux, les pratiques visant à «maximiser son attractivité physique», souvent au prix de méthodes extrêmes.

Né dans les communautés masculines en ligne obsédées par le statut, la virilité et l’apparence – des espaces désignés sous le nom de «manosphère» –, le concept s’est popularisé sur TikTok. Les contenus prônent un culte du visage «parfait»: mâchoire carrée, traits symétriques, peau sans défaut. Certains adeptes vont jusqu’à expérimenter le «bone smashing», une pratique dangereuse consistant à frapper volontairement certaines zones du visage pour modifier la structure osseuse.

Le mot traduit ainsi une idéologie du corps performé: l’apparence est un capital à exploiter, à optimiser, à l’image d’un profil numérique.


 

Une esthétique algorithmique

À l’instar de la pression esthétique longtemps infligée aux femmes, ce phénomène touche à présent les hommes. Le «looksmaxxing» prône des standards de beauté inaccessibles.

Les vidéos diffusées sur les réseaux sociaux, souvent rythmées par des transformations spectaculaires (avant/après), créent un récit visuel de la métamorphose. L’apparence devient un indicateur de réussite, validé par les «likes» et les vues.

Les influenceurs du mouvement – autoproclamés alpha males ou self-improvement coaches – prônent des routines strictes: musculation, chirurgie esthétique, correction de la posture, soins de peau et stratégies de séduction codifiées.

Du corps augmenté au corps marchandisé

Sous couvert d’«optimisation», le «looksmaxxing» s’inscrit dans une logique économique. La viralité du terme nourrit un marché florissant: cosmétiques masculins, chirurgies express, coachings payants, filtres de beauté.

Le phénomène s’inscrit donc dans une vision de la valeur humaine où la beauté est assimilée à la puissance, au succès et à la domination. Cette obsession traduit une anxiété de reconnaissance: la beauté ne sert plus seulement à séduire, mais à exister dans l’espace numérique. Le corps est ainsi transformé en produit calibré pour capter l’attention en ligne.

Peut-être faudra-t-il bientôt inventer le contraire: un «mindmaxxing, qui consisterait à cultiver ce que les filtres ne peuvent pas lisser.

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