Le plastique, une «bombe à retardement» qui risque de modifier en profondeur les écosystèmes marins
Une bombe à retardement – Pour la chercheuse Ika Paul-Pont, le plastique menace gravement les écosystèmes marins et la santé humaine. ©Shutterstock

«Une bombe à retardement»: pour Ika Paul-Pont, écotoxicologue au Laboratoire des sciences de l'environnement marin (Lemar), entre sa «production exponentielle», «l'absence de gestion de fin de vie des déchets» et «sa haute toxicité», le plastique fait peser de gros risques sur l'environnement et les écosystèmes marins.

«Nous ne mesurons pas encore l'étendue des dégâts de ce matériau et de sa toxicité, liée à ses composants chimiques, une boîte noire, avec 16.000 additifs dont environ un quart sont considérés comme préoccupants», développe auprès de l'AFP la directrice de recherche au CNRS qui, depuis 12 ans, étudie au sein de l'université de Brest les effets du plastique sur les invertébrés marins, et plus spécialement les mollusques bivalves comme les huîtres.

«Quand nous avons commencé il y a une quinzaine d'années, nous pensions que c'était un matériau assez simple, que le seul problème était l'ingestion ou l'étranglement mais plus on l'étudie et plus on se rend compte de sa complexité, de son hétérogénéité et de sa puissance toxique», relate-t-elle.

À l'instar de ses pairs réunis au sein de la Coalition de scientifiques pour un traité efficace sur les plastiques, un réseau international composé de plus de 400 scientifiques et experts indépendants, elle pose la question de «l'essentialité»: «tel additif est-il vraiment indispensable dans l'usage de ce plastique-là?».

Ce sujet des additifs est au cœur des débats sur le traité plastique en cours de discussion sous l'égide des Nations unies, dont la dernière session de négociations à Genève, cet été, n'a pas abouti. Tout comme celui de la réduction de la production mondiale de plastique, qui dépasse annuellement 400 millions de tonnes selon l’OCDE.

Risques en cascade 

Ce sont les deux principales pierres d'achoppement entre un camp dit d'«ambitieux», dont l'Union européenne, le Canada, l'Australie, beaucoup de pays d'Amérique latine, d'Afrique et d'îles, qui veulent réduire la production et bannir les additifs toxiques, et un deuxième groupe, pour l'essentiel des pays pétroliers, qui refusent ces contraintes.

Au cours de ses recherches, Ika Paul-Pont a constaté «les effets toxiques du plastique sur les grandes fonctions comme la croissance, la nutrition, la reproduction, le développement» des espèces étudiées.

Ses travaux sont conduits dans des bassins géants recréant des écosystèmes complets avec du plancton et des poissons.

Les animaux y sont exposés aux plastiques et à leur vieillissement et la liste des dégâts observés est longue: «perturbation de la prise alimentaire, de l'assimilation de la nourriture et donc dégradation du métabolisme énergétique des animaux exposés au plastique avec des conséquences sur la reproduction, la croissance», détaille-t-elle.

«À long terme, le risque est vraiment celui d'une modification de la structure des écosystèmes marins avec un changement de la composition d'espèces et peut-être des disparitions d'espèces, en particulier les oiseaux marins très exposés à cette pollution» et «du fait d'une qualité d'eau insuffisante, une efficacité de pêche réduite».

«Les plastiques qui se fragmentent touchent toute la chaîne alimentaire jusqu'au phyto et zooplancton», note-t-elle aussi, «et donc en cascade reviennent jusqu'aux humains».

Réfléchir aux usages 

Elle «doute de l'efficacité des opérations de nettoyage en mer» comme celles conduites dans le Pacifique pour répêcher les plastiques concentrés au cœur des grands tourbillons marins appelés gyres, qui ont «toutefois le mérite de sensibiliser au problème et d'apporter des données».

La solution est surtout à terre pour «collecter le déchet plastique avant qu'il se fragmente et arrive en mer», selon la chercheuse.

Mais «il faut surtout absolument un traité mondial, contraignant, avec du suivi et des contrôles», plaide Ika Paul-Pont.

Et d'ajouter: «Il n'est pas réaliste d'imaginer éradiquer le plastique, donc il faut faire en sorte de réfléchir à nos usages et de produire des matériaux qui soient beaucoup moins dangereux pour l'environnement et la santé humaine».

avec AFP

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