Crise du carburant au Mali: quand la panne d’essence paralyse tout un pays
©Ici Beyrouth

Le Mali traverse une crise du carburant d’une ampleur inédite. Entre attaques de convois, stations-service à sec, inflation record et usines au ralenti, le pays paie le prix fort d’une économie trop dépendante des importations d’énergie et d’un contexte sécuritaire explosif.

Depuis début septembre, les files d’attente devant les stations-service de Bamako s’allongent sans fin. Le groupe jihadiste Jnim (Jamaʿat Nuṣrat al-Islam wal-Muslimin) a bloqué les convois de carburant en provenance du Sénégal et de la Côte d’Ivoire, détruisant près de 100 camions-citernes, selon Associated Press (AP).

Le Mali, pays enclavé, dépend à plus de 90% des importations pour ses produits pétroliers, indique la Banque mondiale. Résultat: une rupture d’approvisionnement quasi totale, alors que 100 à 120 camions entraient quotidiennement sur le territoire avant la crise.

Transport paralysé, écoles fermées

Les conséquences se font sentir immédiatement. À Bamako, le prix du litre d’essence a triplé, passant de 900 à 2.700 francs CFA (1,47$ à 4,41$) sur le marché noir, indique Reuters. Les transports publics tournent au ralenti: les taxis-motos ont doublé leurs tarifs, forçant de nombreux habitants à marcher ou à rester chez eux.

Le gouvernement a annoncé la fermeture temporaire de plusieurs écoles et universités faute de carburant pour les déplacements et la production d’électricité. Certains habitants parcourent plus de 20 km à la recherche d’une station encore approvisionnée, indique AP.

Industries et services à l’arrêt

Les effets économiques sont ravageurs. Les coupures d’électricité se multiplient car 40% de la production énergétique malienne repose sur des centrales thermiques fonctionnant au fioul. Les usines de la zone industrielle de Bamako tournent à moins de 50% de leur capacité, selon la Chambre de commerce et d’industrie du Mali (CCIM, octobre 2025).

La hausse des coûts de production touche aussi les prix à la consommation: l’inflation annuelle a atteint 11,3% en septembre, contre 8,6% en juin selon un rapport Afrique subsaharienne 2025 du FMI.

Un choc social durable

Les ménages, déjà fragilisés par la flambée du coût de la vie, subissent de plein fouet cette nouvelle crise. Selon l’Institut national de la statistique, près de 60% des Maliens vivent sous le seuil de pauvreté et le panier alimentaire moyen a augmenté de 18% depuis août. Le commerce intérieur s’effondre: les denrées ne circulent plus, les marchés régionaux sont désertés.

Le gouvernement tente de négocier un approvisionnement d’urgence avec la Russie pour 50.000 tonnes de carburant, selon Reuters, mais les délais logistiques risquent d’être longs.

À court terme, la crise pourrait s’aggraver si les routes commerciales restent bloquées. À moyen terme, le Mali doit repenser sa dépendance énergétique. Les experts de la Banque mondiale plaident pour la diversification vers le solaire, qui ne représente encore que 6% du mix énergétique du pays. Mais sans stabilité politique ni sécurité sur les axes, toute solution durable reste hypothétique.

La crise de l’essence dépasse le simple manque de carburant: elle illustre la vulnérabilité d’un pays dépendant des importations et miné par l’insécurité. Tant que les routes seront fermées et la peur omniprésente, les moteurs économiques du Mali tourneront à vide.

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