- Accueil
- Multimédia
- Yitzhak Rabin: architecte des accords d’Oslo, assassiné il y a 30 ans
Le 4 novembre 1995, à Tel-Aviv, trois coups de feu mettent fin à la vie de l’ancien Premier ministre israélien Yitzhak Rabin. En quelques secondes, c’est tout un pays qui bascule. Sur la place des Rois d’Israël, devenue depuis la place Rabin, l’artisan du processus de paix d’Oslo s’effondre, touché par les tirs d’un juif ultranationaliste. L’assassin, Yigal Amir, étudiant israélien d’extrême droite, estime que les concessions faites aux Palestiniens menacent l’avenir du pays. Rabin est transporté d’urgence à l’hôpital Ichilov, où il succombera à ses blessures une heure plus tard, à 73 ans.
Arrêté sur les lieux, Amir revendique aussitôt son acte, expliquant avoir voulu «arrêter la trahison d’Oslo». Condamné à la prison à perpétuité, il purge toujours sa peine. Ce meurtre politique a profondément marqué la société israélienne, révélant ses fractures et ses peurs.
De la guerre à la diplomatie
Yitzhak Rabin incarne d’abord la rigueur et la force d’une génération née avec l’État d’Israël. Né à Jérusalem en 1922, il rejoint très jeune le Palmach, la force d’élite de la Haganah (organisation paramilitaire clandestine), et consacre sa vie à la défense de son pays. En 1967, en tant que chef d’état-major, il conduit l’armée israélienne à la victoire éclatante de la guerre des Six Jours, consolidant la sécurité d’Israël et sa propre réputation de héros national.
De 1968 à 1973, Rabin est ambassadeur à Washington où il tisse des liens solides avec les États-Unis et intègre le monde de la diplomatie. En 1974, il devient Premier ministre, succédant à Golda Meir, avant de quitter le pouvoir deux ans plus tard. Lorsqu’il revient à la tête du gouvernement en 1992, son regard a changé. Le militaire aguerri comprend que la sécurité de l’État hébreu ne pourra plus reposer uniquement sur la force. C’est désormais la paix qui doit devenir la nouvelle stratégie nationale.
Les accords d’Oslo: la main tendue à Arafat
En 1993, après des mois de négociations secrètes à Oslo, en Norvège, Israéliens et Palestiniens concluent un accord inédit. Pour la première fois, Israël reconnaît l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) comme représentante légitime du peuple palestinien, tandis que l’OLP reconnaît le droit d’Israël à exister en paix et en sécurité. Ces accords prévoient la création d’une Autorité palestinienne chargée d’administrer progressivement certaines parties de la Cisjordanie et de Gaza, ainsi qu’un retrait partiel de l’armée israélienne. Ils ouvrent également la voie à de futures négociations sur les sujets les plus sensibles: Jérusalem, les réfugiés, les colonies et les frontières définitives.
Le 13 septembre 1993, sur la pelouse de la Maison-Blanche, Rabin serre la main de Yasser Arafat, sous le regard de Bill Clinton. Ce geste, qui semblait impossible quelques années plus tôt, devient le symbole d’un tournant historique. En 1994, Rabin reçoit le prix Nobel de la paix, partagé avec Arafat et Shimon Peres. Mais dans les rues d’Israël, la contestation monte. Les attaques du Hamas ensanglantent le pays et les extrémistes de droite dénoncent Rabin comme un traître qui «vend la Terre d’Israël». La haine, attisée dans les meetings et sur les affiches, finit par se transformer en balle.
Un héritage suspendu
Trente ans après son assassinat, la main que Rabin avait tendue à Arafat reste suspendue dans l’histoire. Les colonies se sont multipliées, la méfiance s’est intensifiée de part et d’autre et le rapport de force prévaut. La paix semble au point mort.
Dans un Proche-Orient à nouveau fracturé, alors que la peur et la violence reprennent le dessus, une question persiste: le courage de Rabin, celui de croire que la paix vaut tous les risques, peut-il encore trouver sa place?

Commentaires