Le plan Trump pour Gaza: cap sur la phase 2
Le président américain Donald Trump (à gauche) accueille le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu à son arrivée à la Maison Blanche, le 29 septembre 2025, à Washington, DC. © ALEX WONG VIA AFP

Après la trêve d’octobre et la libération des derniers otages israéliens, Washington enclenche la deuxième étape du plan Trump pour Gaza. Objectif: démilitariser le Hamas, sécuriser la bande côtière et démarrer la reconstruction. Mais le processus s’annonce périlleux.

Un mois après le cessez-le-feu du 10 octobre, censé tourner la page de deux années de guerre à Gaza, les États-Unis peinent à transformer la trêve en véritable processus politique.
La « phase 2 » du plan de paix voulu par Donald Trump – son ambitieux « 20 Point Plan » – devait marquer le passage d’un arrêt des combats à la reconstruction. Mais des documents internes obtenus par Politico montrent qu’au sein même de l’administration américaine, le doute s’installe : le lien entre les deux phases du plan est littéralement représenté par un point d’interrogation sur les diapositives présentées à un symposium du Commandement central américain.

Les responsables militaires et civils réunis à cette occasion ont évoqué des obstacles majeurs : lenteur du retrait israélien, flou sur la gouvernance future, résistance du Hamas et incertitude sur le déploiement d’une Force internationale de stabilisation (ISF) censée sécuriser Gaza.

Une transition à hauts risques

La première phase, conclue en octobre, a permis la libération de 44 otages et d’environ 2 000 détenus palestiniens, ainsi qu’une augmentation de l’aide humanitaire. Mais sur le terrain, la situation reste explosive. Le Hamas, loin d’avoir disparu, a redéployé plus de 7 000 hommes dans les zones évacuées par Israël, comblant le vide sécuritaire.

Le passage à la phase suivante – désarmement du Hamas, retrait israélien jusqu’au périmètre et mise en place d’une gouvernance palestinienne transitoire – reste hypothétique.
Une diapositive présentée à la conférence évoque un « vide institutionnel total » : le Board of Peace, censé superviser la transition, n’a toujours pas de personnel ; la future force de police palestinienne n’existe que sur le papier. « Tout le monde plane à 40 000 pieds, mais personne ne parle tactique », confie un participant cité par Politico.

Trump sous pression

Le président Trump, qui avait proclamé en octobre à la Knesset « le début d’une ère de concorde et d’harmonie durable », se heurte à la complexité d’un terrain qu’il connaît mal.
L’initiative, perçue à Washington comme un pari politique avant les élections américaines, menace de se transformer en bourbier. Même au sein de son administration, certains redoutent que Gaza devienne une implication à long terme contraire à son agenda “America First”.

Son entourage tente pourtant de maintenir la dynamique. Son gendre et émissaire spécial Jared Kushner est revenu à Jérusalem cette semaine pour relancer les négociations sur la phase 2. L’un des principaux blocages concerne les combattants du Hamas retranchés dans les tunnels de Rafah, au sud de Gaza : Israël refuse toute évacuation, tandis que le Hamas exige un passage sûr.

Une coalition introuvable

Le déploiement de la Force internationale de stabilisation reste un casse-tête. Les États-Unis ont commencé à préparer une résolution au Conseil de sécurité de l’ONU, mais les volontaires se font rares. L’Indonésie, l’Azerbaïdjan et le Pakistan ont proposé d’envoyer des troupes ; la Turquie aussi, mais Israël s’y oppose fermement.
« Plusieurs pays sont prêts à financer, mais pas à envoyer d’hommes », reconnaît un haut responsable américain. Sans mandat clair, le risque d’un enlisement est réel.

En parallèle, les pays arabes craignent une partition de facto de Gaza entre zones israéliennes et enclaves contrôlées par le Hamas. Le plan Trump, qui ne mentionne aucun horizon de souveraineté palestinienne, alimente cette inquiétude.

Les « Trump whisperers » en action

Selon un rapport du think tank britannique Chatham House, le succès du plan dépend désormais d’une diplomatie de couloir menée par les dirigeants du Golfe et plusieurs Européens, devenus de véritables « Trump whisperers ».
Les présidents Mohammed ben Zayed (Émirats), Mohammed ben Salman (Arabie saoudite), l’émir Tamim du Qatar ou encore Emmanuel Macron jouent de leur proximité personnelle avec le président américain pour garder son attention sur Gaza.

Le prince héritier saoudien est attendu à Washington le 18 novembre pour tenter de réancrer Trump dans le processus, promouvoir la phase 2 et plaider pour une perspective politique incluant, à terme, la reconnaissance d’un État palestinien. Mais cette influence, souligne Chatham House, « reste éphémère, dépendant du rapport personnel avec Trump plus que d’un changement structurel de la politique américaine ».

Une paix sous respirateur

Entre les hésitations américaines, la méfiance israélienne et la défiance du Hamas, la « phase 2 » du plan Trump ressemble davantage à une accalmie suspendue qu’à une paix durable.
Les diplomates s’inquiètent déjà d’une reprise des affrontements. « Sans volonté politique réelle et sans horizon de souveraineté pour les Palestiniens, tout cela n’est qu’un sursis », résume un diplomate européen à Tel-Aviv.

Pour Washington, le pari de Gaza reste entier : transformer une trêve fragile en un accord historique, sans replonger dans l’un des plus vieux pièges du Moyen-Orient.

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