L'Irak à l'heure incertaine de la formation d'un gouvernement
Après les législatives irakiennes, le pays s’engage dans une période d’incertitude politique. Le Premier ministre sortant Mohamed Chia al-Soudani revendique la victoire mais doit rallier d’autres factions chiites pour conserver le pouvoir, dans un équilibre fragile entre Téhéran et Washington. ©AFP

Après l’élection d’un nouveau Parlement en Irak, les partis politiques vont entamer de complexes et incertaines tractations pour désigner un Premier ministre. Que va-t-il se passer?

Le Premier ministre irakien sortant, Mohamed Chia al-Soudani, a certes revendiqué mercredi soir la victoire de sa liste aux élections législatives, mais il ne dispose pas d’une majorité absolue.

Il doit donc obtenir le soutien d’autres factions chiites pour décrocher un deuxième mandat.

Les grandes formations politiques pourraient passer des semaines, voire des mois, à négocier des alliances avant d’arrêter le nom du futur Premier ministre.

M. Soudani s’est imposé sur la scène politique après avoir été porté au pouvoir en 2022 grâce au soutien d’une alliance regroupant des partis et factions chiites tous liés à l’Iran, le Cadre de coordination.

Les résultats préliminaires du dépouillement des votes pour chaque liste ont été publiés par province, mais la répartition des sièges au Parlement sera annoncée plus tard.

Les élections législatives ouvrent la voie à la désignation des nouveaux dirigeants. Dans ce pays multiethnique et multiconfessionnel, la vie politique est régie par un partage du pouvoir entre les différentes communautés: le poste largement honorifique de président revient traditionnellement aux Kurdes, celui de Premier ministre aux chiites, tandis que la communauté sunnite est représentée par le président du Parlement.

Comment se forme un gouvernement?

Dans les législatures précédentes, la désignation d’un Premier ministre et d’un gouvernement ont été ardues, passant par la conclusion d’alliances entre partis de la majorité chiite.

Aucune coalition ne pouvant de fait prétendre à une majorité absolue, en raison de la composition communautaire du pays, le prochain dirigeant sera élu par celle qui pourra former, avec des alliés, le bloc le plus important.

Les députés nouvellement élus peuvent changer de camp.

Depuis les premières élections tenues deux ans après l’invasion menée par les États-Unis en 2003 qui a renversé Saddam Hussein, un seul Premier ministre, Nouri al-Maliki, a exercé deux mandats de suite (2006-2014).

Quels sont les scénarios possibles? 

Pour l’instant, aucun nom de candidat sérieux ne se profile pour concurrencer M. Soudani.

Mais le Cadre de coordination serait divisé quant au soutien à apporter à M. Soudani, tandis que l’ex-Premier ministre Nouri al-Maliki semblerait enclin à s’opposer à lui, avait expliqué le mois dernier à l’AFP un haut responsable politique.

Certains estiment que M. Soudani a accumulé trop de pouvoirs durant son premier mandat, ce qui les rend réticents à le laisser conserver son poste.

Il a en outre fait l’objet d’allégations selon lesquelles des membres de son bureau auraient été responsables de la mise sur écoute téléphonique de personnalités politiques.

Que s’est-il passé lors des scrutins précédents? 

Lors des élections de 2010, le Mouvement national irakien, emmené par le laïc Iyad Allawi, détesté par l’Iran, l’avait emporté avec 91 sièges, mais faute d’avoir pu constituer une coalition ayant la majorité au Parlement, c’était finalement une alliance entre deux listes conservatrices chiites, l’Alliance nationale irakienne et l’État de Droit du Premier ministre Nouri al-Maliki, qui avait réussi à obtenir 159 sièges.

Lors des dernières législatives en 2021, le courant du leader chiite Moqtada Sadr avait remporté le plus grand nombre de sièges (73) avant de se retirer du Parlement à la suite d’un différend avec les partis chiites qui ne soutenaient pas sa tentative de former un gouvernement et qui s’étaient regroupés entre eux.

La rupture avait culminé avec des combats meurtriers dans la capitale irakienne.

Quid des alliés, Téhéran et Washington? 

Le prochain Premier ministre devra maintenir l’équilibre délicat avec les alliés de l’Irak, l’Iran et les États-Unis, eux-mêmes ennemis.

Depuis l’invasion menée par les États-Unis, l’Iran exerce une influence considérable sur la politique irakienne après avoir vu ses alliés chiites s’installer au pouvoir à Bagdad.

Téhéran soutient non seulement des personnalités politiques puissantes, mais aussi des groupes armés.

Washington souhaite de son côté affaiblir l’influence de Téhéran et fait pression sur Bagdad pour qu’il désarme les factions soutenues par l’Iran, dont beaucoup ont été désignées comme des groupes «terroristes».

Mais certains de ces groupes auront des sièges au Parlement et peut-être même au gouvernement.

Par Roba EL HUSSEINI / AFP

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