Ce qu'il faut savoir de la situation au Mali après deux mois de blocus jihadistes
Les jihadistes du JNIM, affiliés à Al-Qaïda, mènent une stratégie d'étranglement économique du Mali, perturbant l'électricité, le transport et les écoles, tandis que les convois de carburant arrivent de manière sporadique et que la communauté internationale alerte sur la situation. ©Issouf Sanogo / AFP

Depuis le mois de septembre, les jihadistes du Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (JNIM), affilié à Al-Qaïda, mènent une stratégie d'étranglement de l'économie du Mali, en imposant des blocus sur plusieurs localités et sur les convois de carburant.

Voici ce que l'on sait de la situation qui fragilise la junte au pouvoir dans ce pays sahélien enclavé qui dépend largement des importations.

Axes routiers sous contrôle du JNIM

Le JNIM s'attaque aux convois de carburant sur les principaux axes routiers qui mènent au Sénégal et à la Côte d'Ivoire, d'où viennent la plupart des biens importés par le Mali.

Dans une vidéo publiée fin octobre, les jihadistes ont annoncé que «tous les axes autour de Bamako» sont considérés comme des «zones de guerre» et imposent la séparation entre hommes et femmes dans les transports.

Toutefois, plusieurs convois de carburant sous escorte militaire ont été acheminés vers la capitale et certaines localités du pays.

Les armateurs de porte-conteneurs, l'italo-suisse MSC et le français CMA-CGM, qui avaient annoncé suspendre leurs opérations au Mali, sont revenus sur leurs décisions grâce à des accords avec le gouvernement.

Situation à Bamako

Dans la capitale Bamako, la situation s'est améliorée même si les files d'attente dans les stations-service perdurent.

Après plusieurs semaines de pénuries de carburant qui ont affecté tous les secteurs de l'économie, la pression semble se réduire grâce à l'arrivée des convois.

Les écoles et les universités ont rouvert après deux semaines de fermeture ordonnée par les autorités en raison de la pénurie.

Toutefois, les transports en commun ne sont pas toujours totalement rétablis et l'accès à l'électricité s'est considérablement dégradé depuis le début du blocus.

D'après une source sécuritaire consultée par l'AFP, «environ 110 stations-service sur plus de 700 fonctionnent de façon aléatoire dans la capitale».

Aujourd'hui, «de vastes espaces sont hors de contrôle effectif de l'Etat», qui «concentre ses forces autour de Bamako pour sécuriser le régime», a souligné auprès de l'AFP Bakary Sambe, du groupe d'études Timbuktu Institute, basé à Dakar au Sénégal.

Dans le reste du pays

La situation reste plus difficile dans le reste du pays où plusieurs localités du sud et du centre sont sous blocus jihadiste et où les convois de carburant tardent à arriver.

Selon Studio Tamani, radio financée par une fondation suisse, «Mopti et Bandiagara (centre) sont sans électricité depuis un mois».

Dans la ville de Dioïla, à 160 km à l'est de Bamako, «aucune station ne dispose de carburant pour l'instant» selon L'Essor, le quotidien d'Etat.

Des citernes de carburant viennent d'arriver à Ségou (centre) et Sikasso (sud-est) pour la première fois depuis plusieurs semaines. Mais la ville de Mopti n'a pas été approvisionnée depuis début septembre.

«Il y a beaucoup de solidarité», témoigne auprès de l'AFP un habitant de Ségou qui espère que «la situation va s'améliorer avec l'arrivée de plusieurs citernes».

Il note toutefois que «la fourniture de l'électricité s'est dégradée depuis que le blocus a commencé. Nous avons au maximum 8 heures de courant par jour».

Le nord du pays n'est pas affecté par les blocus et la région est ravitaillée par les convois qui viennent du Niger.

Réactions internationales

Face à la dégradation de la situation, les Etats-Unis et le Royaume-Uni ont annoncé le retrait de leur personnel non essentiel du Mali, et plusieurs ambassades, dont la France, ont demandé à leurs ressortissants de quitter le territoire.

Le président de la Commission de l'Union africaine (UA) Mahmoud Ali Youssouf a fait part le 9 novembre de sa «profonde préoccupation» face à la dégradation de la sécurité au Mali et appelé à une «action internationale urgente».

À l'aéroport Modibo Keïta de Bamako, les étrangers sont «de plus en plus nombreux» à quitter le pays, selon un chef d'escale d'une compagnie aérienne africaine.

Toutefois, il n'y a pas d'affluence massive ou de mouvement de panique, a constaté un journaliste de l'AFP.

«On assiste à beaucoup de départs de Chinois qui étaient nombreux dans les petites localités», explique à l'AFP un agent d'une compagnie internationale.

«Les expatriés au Mali, surtout occidentaux, se comptent sur le bout des doigts. Il n'y a pas de départs massifs, puisqu'il n'y en a plus beaucoup», poursuit l'agent.

Selon le porte-parole du ministère des Affaires étrangères français, Pascal Confavreux, 4.300 Français sont inscrits sur la liste consulaire. «Leur sécurité est prioritaire», a-t-il insisté.

Prise de Bamako peu crédible

L'hypothèse d'une prise de Bamako par le JNIM semble peu probable à ce stade, selon les observateurs, les jihadistes n'en ayant pas les capacités militaires ou de gouvernance.

Toutefois, leur objectif est bien «la chute de la junte» afin d'installer «un califat», a estimé récemment le chef des services de renseignements extérieurs français Nicolas Lerner, interrogé sur la radio France Inter.

AFP

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