Humiliée 4-1 à San Siro par une Norvège emmenée par un Haaland en mode bulldozer, l’Italie finit deuxième de son groupe et devra passer par les barrages, les 26 et 31 mars, pour espérer voir la Coupe du monde 2026. Après 2018 et 2022, le spectre d’un troisième Mondial d’affilée sans la Nazionale n’a jamais été aussi proche.
Non, l’Angleterre n’est pas le pays du foot, même si elle en a inventé les règles.
Non, le Brésil n’est pas non plus le pays du foot, même si ses joueurs en sont les artistes absolus.
Le pays qui vit et respire le foot, c’est l’Italie : il suffit d’assister à un match de Calcio pour s’en convaincre. Des virages qui se vident des familles pour se remplir de fumigènes, des foyers qui se calent sur l’horaire de la Serie A, des passions qui débordent jusque dans les trattorie, les taxis, les bureaux. À Milan, dimanche soir, San Siro ressemblait à un théâtre prêt pour lemiracle. Il a finalement servi de décor à une nouvelle tragédie nationale.
Missione impossibile, version Gattuso
Le scénario, tout le monde le connaissait par cœur avant même le coup d’envoi. Pour se qualifier directement au Mondial 2026, l’Italie devait battre la Norvège… par neuf buts d’écart. 9-0.
Un score de console, transformé en gimmick de plateau télé, en blague de bar, en running gag sur les réseaux. Gennaro Gattuso lui-même avait prévenu : « impensable ». Mais en Italie, on sait que le foot sert justement à croire à ce qui est impensable.
Sous la pluie de San Siro, la Nazionale entre pourtant comme si le script avait une chance de se réaliser. Pressing haut, tacles qui claquent, tribunes en mode volcan. Et puis à la 11e minute, le frisson : Francesco Pio Esposito se retourne dans la surface, frappe, 1-0. Le gamin exulte, Federico Dimarco va chercher le ballon au fond des filets pour le ramener vite au rond central. Dans les gradins, on ne compte pas encore les buts, mais on commence à compter les “et si”.
L’Italie pousse, Esposito n’est pas loin du doublé, Haaland recule presque en latéral pour aider à défendre, Gattuso gesticule sur la touche comme s’il pouvait mordre les mollets norvégiens lui-même. Pendant une demi-heure, la Nazionale joue à se faire peur… et à y croire un peu. À la mi-temps, le tableau d’affichage ne dit que 1-0, mais les tifosi, eux, voient encore des buts partout.
Retour sur terre : Nusa, Haaland et la gifle
Puis la seconde période arrive, et la réalité frappe aussi fort que le tir d’Antonio Nusa au premier poteau. En quelques dizaines de minutes, la Norvège renverse tout : égalisation, panique italienne, bloc qui recule, lignes qui se disloquent. Haaland signe un doublé, Strand Larsen termine le travail dans le temps additionnel. Le tableau final résume la soirée mieux que n’importe quel discours : 4-1, San Siro se vide, la Nazionale a pris une leçon chez elle.
La nuit des titres assassins
Lundi les journaux transalpins ne font pas dans la poésie. Le mot « humiliation » revient partout, accompagné de « débâcle », « naufrage », « catastrophe ». On rappelle que Gattuso avait parlé d’un 9-0 « impossible », mais qu’entre ne pas marquer neuf buts et en encaisser quatre à la maison, il y a un gouffre. On insiste sur cette deuxième mi-temps « illusoire » qui devient cauchemar, sur le fait que la Norvège a planté quatre fois une Nazionale censée jouer sa survie.
Les commentateurs, eux, comptent les fantômes : celui de la Suède, en 2017, quand l’Italie a raté la Russie 2018. Celui de la Macédoine du Nord, en 2022, quand la Nazionale, championne d’Europe, a vu le Qatar à la télé. Désormais, on évoque aussi la Norvège comme un traumatisme de plus, après le 0-3 d’Oslo en juin et ce 1-4 de San Siro. Même pas le luxe d’une petite vengeance, juste la sensation d’avoir servi de tremplin à un pays qui n’avait plus vu de Coupe du monde depuis 1998.
Pendant ce temps, Gennaro Gattuso fait ce que les entraîneurs italiens savent encore faire mieux que la plupart : assumer. «On demande pardon aux tifosi, 4-1 c’est un résultat trop lourd», lâche-t-il à la télévision. Il reconnaît « une belle première mi-temps » et « une deuxième catastrophique », avoue que c’est « inquiétant », promet qu’il faudra repartir « de ce qu’on a fait de bien ». Mais personne n’est vraiment dupe : à ce niveau, on ne pardonne pas facilement une claque pareille à domicile.
Gigio Donnarumma, brassard au bras et sourcils froncés, parle de « leçon énorme », de « colère » et de « déception ». Il rappelle que « en mars, on joue quelque chose de gros » et qu’il « faut absolument aller au Mondial ». Tout le monde le sait. Justement, c’est ça qui fait peur.
26 et 31 mars : la Nazionale joue sa peau
Les barrages, en Italie, ne sont plus un simple tour supplémentaire. Ce sont désormais des dates maudites, des anniversaires de défaites qui ne passent pas. En mars prochain, la Nazionale aura deux matches pour éviter de rater une troisième Coupe du monde d’affilée. Douze ans sans Mondial, pour un pays qui considère le foot comme un droit fondamental, ce serait plus qu’un échec : une crise d’identité.
On dit souvent que la Nazionale est la meilleure quand elle a le dos au mur, quand tout le monde la croit morte, quand les unes des journaux ressemblent à des avis de décès footballistiques. C’est vrai… jusqu’au jour où ça ne l’est plus.
En mars, l’Italie devra choisir : redevenir le pays qui transforme la souffrance en étoiles sur le maillot, ou celui qui regarde le Mondial sur le canapé pour la troisième fois de suite. Pour une nation qui a construit sa légende sur la « bella figura », ce serait peut-être ça, le vrai drame : découvrir que, désormais, le monde peut très bien vivre une Coupe du monde… senza di lei.




Commentaires