À Bkerké, le pape Léon XIV exhorte les jeunes Libanais à devenir des «artisans de paix»
Le pape Léon XIV.

Le pape Léon XIV a prononcé lundi soir un discours à Bkerké, lors de la rencontre avec les jeunes, l’une des étapes majeures de sa visite de trois jours au Liban.

Chers jeunes du Liban, « assalamu lakum ! » (que la paix soit avec vous !)

Cette salutation de Jésus ressuscité (cf. Jn 20,19) nourrit la joie de notre rencontre. L’enthousiasme que nous ressentons dans nos cœurs exprime la proximité aimante de Dieu, qui nous rassemble comme frères et sœurs pour partager notre foi en lui et notre communion les uns avec les autres. Je vous remercie tous pour votre accueil chaleureux, ainsi que Sa Béatitude pour ses paroles de bienvenue. J’adresse aussi un salut particulier aux jeunes venus de Syrie et d’Irak, ainsi qu’aux Libanais revenus de l’étranger.

Nous sommes réunis — moi y compris — pour nous écouter mutuellement et demander au Seigneur d’inspirer nos décisions à venir. À cet égard, les témoignages qu’Anthony, Maria, Élie et Joelle ont partagés ouvrent réellement nos cœurs et nos esprits.

Leurs récits parlent de courage au milieu de la souffrance, d’espérance face à la déception, et de paix intérieure au temps de la guerre. Ils sont comme des étoiles brillantes dans le ciel nocturne, nous offrant un aperçu des premières lueurs de l’aube. Dans ces conflits, beaucoup d’entre nous peuvent reconnaître leurs propres expériences, heureuses ou douloureuses. L’histoire du Liban est entrelacée de moments glorieux, mais aussi marquée de blessures profondes, lentes à guérir. Ces blessures ont des causes qui dépassent les frontières nationales et qui sont liées à des dynamiques sociales et politiques très complexes.

Chers jeunes, peut-être regrettez-vous d’hériter d’un monde déchiré par les guerres et défiguré par l’injustice sociale. Pourtant, il y a en vous une espérance, un don que nous, adultes, semblons parfois avoir perdu. Vous avez du temps ! Plus de temps pour rêver, pour bâtir et pour faire le bien. Vous êtes le présent, et l’avenir prend déjà forme entre vos mains ! Vous avez l’enthousiasme nécessaire pour changer le cours de l’histoire !

La véritable opposition au mal n’est pas le mal, mais l’amour — un amour capable de guérir ses propres blessures tout en soignant celles des autres. Le dévouement d’Anthony et de Maria envers les plus vulnérables, la persévérance d’Élie et la générosité de Joelle sont les prophéties d’un avenir nouveau, façonné par la réconciliation et l’entraide. Les paroles de Jésus s’accomplissent ainsi : « Heureux les doux, car ils posséderont la terre », et « Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu » (Mt 5,5.9).

Chers jeunes, vivez à la lumière de l’Évangile et vous serez bénis aux yeux du Seigneur ! Votre patrie, le Liban, refleurira à nouveau, belle et vigoureuse comme le cèdre, symbole de l’unité et de la fécondité de son peuple. Nous savons que la force du cèdre réside dans ses racines, qui sont généralement aussi vastes que ses branches.

Le nombre et la solidité des branches correspondent au nombre et à la force des racines. De même, les nombreuses bonnes choses que nous voyons aujourd’hui dans la société libanaise sont les fruits du travail humble, caché et honnête de tant de personnes de bonne volonté – de tant de « bonnes racines » – qui ne cherchent pas à faire pousser une seule branche du cèdre libanais, mais bien l’arbre entier, dans toute sa beauté.

Puisez à ces bonnes racines : celles de tous ceux qui servent la société sans l’instrumentaliser pour leurs intérêts personnels. Avec un engagement généreux envers la justice, bâtissez ensemble un avenir de paix et de développement. Soyez la source d’espérance que le pays attend ! Vos questions nous permettent d’ailleurs de tracer une feuille de route exigeante, mais enthousiasmante. Vous m’avez demandé où trouver un fondement solide pour persévérer dans l’engagement pour la paix.

Mes amis, ce fondement ne peut être une simple idée, un contrat ou un principe moral. Le vrai principe de la vie nouvelle est l’espérance qui vient d’en haut : c’est le Christ lui-même ! Il est mort et ressuscité pour le salut de tous. Lui, le Vivant, est le fondement de notre confiance ; il est le témoin de la miséricorde qui délivre le monde de tout mal. Comme le rappelait saint Augustin en évoquant l’apôtre Paul : « En lui est notre paix, et c’est de lui que nous tirons notre paix » (Commentaire sur l’Évangile de Jean, LXXVII, 3).

La paix n’est pas authentique lorsqu’elle est le produit d’intérêts partisans. Elle est sincère seulement lorsque je fais aux autres ce que je voudrais qu’ils me fassent (cf. Mt 7,12). Saint Jean-Paul II l’avait exprimé de manière lumineuse : « Il n’y a pas de paix sans justice, pas de justice sans pardon » (message pour la 35ᵉ Journée mondiale de la paix, 1ᵉʳ janvier 2002). C’est vrai : le pardon conduit à la justice, qui fonde la paix. Votre deuxième question trouve la même réponse.

Il est vrai que nous vivons une époque où les relations humaines sont fragiles et consommées comme des objets. Même parmi les jeunes, les intérêts personnels peuvent parfois prendre le pas sur la confiance mutuelle, et l’attention aux autres être remplacée par la recherche du profit individuel. Ces attitudes transforment même des réalités magnifiques comme l’amitié ou l’amour en quelque chose de superficiel, les réduisant à une satisfaction égoïste. Si notre ego est au centre d’une relation, elle ne peut porter de fruits. Ce n’est pas non plus un véritable amour s’il ne dure que tant que dure le sentiment : si l’amour a une date d’expiration, ce n’est pas de l’amour. Au contraire, l’amitié est authentique lorsqu’elle place le « tu » avant le « je ».

Cette manière respectueuse et accueillante de regarder l’autre nous permet de bâtir un « nous » plus grand, ouvert à la société tout entière et à l’humanité. L’amour est authentique et durable lorsqu’il reflète la splendeur éternelle de Dieu, qui est amour (cf. 1 Jn 4,8). Des relations solides et fécondes se construisent sur la confiance mutuelle, sur ce « pour toujours » qui est le cœur battant de toute vocation familiale ou consacrée.

Chers jeunes, qu’est-ce qui exprime le plus la présence de Dieu dans le monde ? L’amour, la charité ! La charité parle un langage universel, parce qu’elle parle au cœur de chacun. Ce n’est pas une idée abstraite, mais une histoire révélée dans la vie de Jésus et des saints, qui nous accompagnent dans nos épreuves.

Pensez à tous les jeunes qui, comme vous, ne se sont pas laissés décourager par les injustices ou les mauvais exemples, y compris ceux trouvés au sein de l’Église. Au contraire, ils ont cherché à tracer de nouveaux chemins pour le Royaume de Dieu et sa justice.

Forts de la force que vous recevez du Christ, construisez un monde meilleur que celui que vous avez hérité ! En tant que jeunes, vous êtes capables de tisser plus facilement des relations, même avec des personnes d’horizons culturels et religieux différents.

Le vrai renouveau que désire un cœur jeune commence par des gestes quotidiens : accueillir les proches comme les étrangers, tendre la main aux amis comme aux réfugiés, et pardonner aux ennemis — une tâche difficile, mais nécessaire. Regardons les merveilleux exemples des saints ! Pensez à Pier Giorgio Frassati et Carlo Acutis, canonisés durant cette Année jubilaire.

Pensez aussi aux saints libanais. Quelle beauté dans la vie de sainte Rafqa, qui a enduré des années de souffrance avec force et douceur ! Combien d’actes de compassion accomplis par le bienheureux Jacques Haddad auprès des oubliés et des abandonnés ! Quelle lumière puissante jaillit de l’obscurité dans laquelle saint Charbel s’est retiré, devenant l’un des symboles du Liban à travers le monde. Ses yeux sont toujours représentés clos, comme pour voiler un mystère infiniment plus grand. À travers les yeux de saint Charbel, qui se sont fermés pour voir Dieu plus clairement, nous percevons encore mieux la lumière divine.

Le chant qui lui est dédié est magnifique : « Ô toi qui dors, et dont les yeux sont lumière pour les nôtres, sur tes paupières a fleuri un grain d’encens. » Chers jeunes, que la lumière divine illumine aussi vos yeux et que l’encens de la prière s’épanouisse. Dans un monde de distractions et de vanité, prenez chaque jour le temps de fermer les yeux et de ne regarder que Dieu. Il semble parfois silencieux ou absent, mais il se révèle à ceux qui le cherchent dans le silence.

Dans vos efforts pour faire le bien, je vous invite à être des contemplatifs, à l’exemple de saint Charbel, par la prière, la lecture des Écritures, la participation à la messe et l’adoration. Le pape Benoît XVI disait aux chrétiens du Levant : « Je vous encourage à cultiver une amitié vraie et durable avec Jésus par la force de la prière » (Ecclesia in Medio Oriente, 63). Chers amis, Marie, Mère de Dieu et notre Mère, resplendit parmi tous les saints comme la Très Sainte. Beaucoup de jeunes portent un chapelet sur eux — dans la poche, au poignet ou autour du cou. Comme il est beau de regarder Jésus à travers les yeux du cœur de Marie !

Depuis ici même, comme il est doux de lever les yeux avec confiance vers Notre-Dame du Liban ! Chers jeunes, je voudrais vous laisser une prière simple et belle, attribuée à saint François d’Assise : « Seigneur, fais de moi un instrument de ta paix : là où est la haine, que je mette l’amour ; là où est l’offense, que je mette le pardon ; là où est la discorde, que je mette l’unité ; là où est le doute, que je mette la foi ; là où est l’erreur, que je mette la vérité ; là où est le désespoir, que je mette l’espérance ; là où est la tristesse, que je mette la joie ; là où sont les ténèbres, que je mette la lumière. »

Que cette prière garde vive en vos cœurs la joie de l’Évangile et l’enthousiasme chrétien. « Enthousiasme » signifie « avoir Dieu dans son âme ». Quand le Seigneur habite en nous, l’espérance qu’il nous donne porte du fruit dans le monde. En réalité, l’espérance est une vertu « pauvre », car elle se présente les mains vides : des mains toujours libres pour ouvrir des portes que la fatigue, la souffrance ou la déception semblent avoir fermées.

Le Seigneur sera toujours avec vous, et vous pouvez être assurés du soutien de toute l’Église face aux défis décisifs de vos vies et de l’histoire de votre pays bien-aimé. Je vous confie à la protection de la Mère de Dieu, Notre-Dame, qui du sommet de cette montagne veille sur cette nouvelle floraison. Jeunes du Liban, devenez forts comme les cèdres et faites fleurir le monde d’espérance !

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