La Maison Blanche a confirmé lundi qu’un amiral américain avait donné, début septembre, l’ordre de bombarder une deuxième fois un bateau supposément chargé de drogue dans les Caraïbes, afin de tuer les survivants de la première frappe. Une décision qui soulève de graves doutes juridiques à Washington.
Depuis août, les Etats-Unis ont renforcé leur présence militaire dans la région, officiellement pour lutter contre le narcotrafic. L’administration du président Donald Trump accuse Nicolas Maduro de diriger un «cartel de la drogue», ce que Caracas dément fermement, qualifiant ces opérations d’«exécutions extrajudiciaires» destinées selon elle à renverser M. Maduro et à s’emparer du pétrole vénézuélien.
Début septembre, 11 personnes ont péri dans une double frappe menée en eaux internationales contre un bateau suspecté de transporter des stupéfiants. Cette attaque est la première d’une série d’une vingtaine d’opérations ayant fait au total 83 morts.
La semaine dernière, plusieurs médias américains avaient révélé que deux survivants, agrippés à leur embarcation en flammes, avaient été délibérément visés lors d’une seconde frappe autorisée par le ministre de la Défense Pete Hegseth, malgré un premier démenti du Pentagone.
Lundi, la Maison Blanche a finalement confirmé que Pete Hegseth avait autorisé l’amiral Frank Bradley, commandant des opérations spéciales, «à mener ces frappes cinétiques». Selon la porte-parole Karoline Leavitt, l’amiral «a agi dans le cadre de ses fonctions» afin de garantir la destruction du bateau et «l’élimination de la menace pesant sur les Etats-Unis».
De son côté, M. Hegseth a affirmé sur le réseau X soutenir pleinement l’amiral Bradley, qualifié de «héros américain» et de «professionnel exemplaire».
Mais au Congrès, les critiques se multiplient. «Les républicains comme les démocrates en viennent à la conclusion qu’il s’agissait d’un acte illégal et profondément immoral», a déclaré le sénateur démocrate Chris Murphy sur CNN. Son collègue républicain Mike Turner estime que «la manière dont ces frappes ont été menées» suscite une forte inquiétude.
Pourtant, M. Hegseth assure que l’ensemble de l’offensive américaine dans les Caraïbes et le Pacifique est «conforme au droit des conflits armés». Un argument difficile à défendre selon plusieurs juristes, car le manuel du Pentagone précise clairement que «les ordres de tirer sur des naufragés seraient illégaux».
Le sénateur démocrate Mark Kelly a appelé lundi à l’ouverture d’une enquête parlementaire, jugeant que la mort de survivants accrochés à une épave «pourrait dépasser les limites».
Alors que Donald Trump réunit son Conseil de sécurité nationale, il a annoncé ce week-end que l’espace aérien du Venezuela devait être considéré comme «totalement fermé». Il avait déjà prévenu que les Etats-Unis allaient «très bientôt» cibler des «trafiquants de drogue vénézuéliens» lors d’opérations «sur terre».
À Caracas, Nicolas Maduro a assuré devant des milliers de partisans qu’il ne céderait pas à la pression américaine. «Nous voulons la paix, mais une paix avec souveraineté, égalité, liberté! Pas la paix des esclaves ni celle des colonies!», a-t-il lancé, dénonçant «22 semaines d’une agression assimilable à du terrorisme psychologique».
Au Sénat, le chef de la minorité démocrate, Chuck Schumer, a menacé de relancer une résolution visant à interdire à la Maison Blanche toute action militaire dans la région sans approbation préalable du Congrès.
Par Robin LEGRAND/AFP



Commentaires