Après une nuit de liesse consécutive à la reconnaissance de leur pays par Israël, des habitants du Somaliland ont confié samedi à l'AFP vivre «un rêve», quand plusieurs pays musulmans, des organisations panafricaines et les islamistes shebab ont catégoriquement refusé l'initiative israélienne.
Israël a annoncé vendredi la reconnaissance officielle du Somaliland, une première pour cette république autoproclamée qui a fait sécession de la Somalie en 1991.
Alors qu'une foule, drapeau national en mains, a dans la nuit envahi les rues de la capitale Hargueisa, Sagal Hussein, une étudiante de 21 ans, a loué une reconnaissance «qui n'est pas venue facilement».
«Le Somaliland a attendu ce jour depuis sa naissance», s'est-elle félicitée. Le pays «mérite cette reconnaissance», a poursuivi l'étudiante.
Mohamed Kariye, un habitant d'Hargueisa, a loué «un rêve impossible devenant réalité pour le peuple du Somaliland», qui fait que «les gens fêtent et se félicitent pour cette reconnaissance historique» dont il espère qu'elle «ouvrira le chemin à d'autres pays».
«Nous n'étions pas de bons amis d'Israël, mais maintenant qu'ils nous ont reconnu comme un pays souverain, nous le sommes devenus», a-t-il poursuivi.
Mogadiscio a immédiatement dénoncé une «attaque délibérée» contre sa souveraineté, rejoint par l'Union africaine (UA) et l'Igad, un bloc de pays d'Afrique de l'Est.
«Toute tentative visant à saper l'unité, la souveraineté et l'intégrité territoriale de la Somalie (...) risque de créer un dangereux précédent» sur l'ensemble du continent, a averti le Président de la Commission de l'UA Mahmoud Ali Youssouf.
«Humiliation»
Cette «reconnaissance unilatérale va à l'encontre de la charte de l'ONU», a réagi samedi l'Igad, dont la Somalie fait partie.
Les shebab, groupe islamiste armé lié à Al-Qaïda qui se bat depuis 2006 contre le gouvernement somalien, ont affirmé samedi qu'ils «combattraient» toute tentative d'Israël d'«utiliser» le Somaliland.
Les shebab «rejettent l'ambition des Israéliens de revendiquer ou d'utiliser des parties de nos territoires. Nous ne l'accepterons pas et nous la combattrons, si Dieu le veut», a déclaré leur porte-parole Ali Dheere, dans un communiqué.
«C'est une humiliation du plus haut degré aujourd'hui de voir certains Somaliens célébrer une reconnaissance par le Premier ministre israélien (Benjamin) Netanyahou», quand Israël est «le plus grand ennemi de la société islamique», a-t-il poursuivi.
L'Égypte, la Turquie, Djibouti, ainsi que plusieurs organisations multilatérales, dont le Conseil de coopération du Golfe (CCG), et la Ligue arabe, ont également rejeté l'annonce israélienne.
Samedi, Téhéran a dénoncé une «manœuvre malveillante du régime sioniste» et un «complot visant à désintégrer» la Somalie.
Des analystes régionaux ont estimé qu'un rapprochement avec le Somaliland, qui a déclaré unilatéralement son indépendance en 1991, pourrait permettre à Israël de sécuriser son accès à la mer Rouge.
Le Somaliland faisait aussi partie d'une poignée d’États africains susceptibles d'accueillir des Palestiniens de Gaza expulsés par Israël, selon des rapports de presse datant d'il y a quelques mois, que ni les autorités du Somaliland ni le gouvernement israéliens n'avaient commenté.
Avec les retombées géopolitiques qu'un tel rapprochement peut entraîner, l'annonce israélienne a provoqué un concert de condamnations dans la région et jusqu'à un désaccord de Donald Trump.
«Partenaire clef»
Ces derniers mois, plusieurs sénateurs républicains avaient appelé à la reconnaissance du Somaliland par les États-Unis.
Le Texan Ted Cruz avait notamment loué en août «un partenaire clef en matière de sécurité et de diplomatie», qui «a cherché à renforcer ses liens avec Israël et a exprimé son soutien aux accords d’Abraham».
Le territoire du Somaliland (175.000 km2 soit près du tiers de la France), qui correspond peu ou prou à l'ancienne Somalie britannique, est situé à la pointe nord-ouest de la Somalie.
Il a déclaré son indépendance en 1991, alors que la République de Somalie sombrait dans le chaos après la chute du régime militaire de l'autocrate Siad Barre.
La république autoproclamée fonctionne depuis en autonomie, avec ses propres monnaie, armée et police, et se distingue par sa relative stabilité comparée à la Somalie, minée par l'insurrection islamiste des shebab et les conflits politiques chroniques.
Mais elle n'était jusqu'alors reconnue publiquement par aucun pays, ce qui la maintient dans un certain isolement politique et économique malgré sa situation à l'entrée du détroit de Bab-el-Mandeb, sur l'une des routes commerciales les plus fréquentées au monde reliant l'océan Indien au canal de Suez.
AFP
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