La Première ministre britannique Liz Truss.
La scène politique britannique est de nouveau en ébullition. Le ministre des Finances Kwasi Kwarteng a été remercié vendredi par la Première ministre Liz Truss, donnant suite aux nombreuses contestations et critiques observées après l’annonce du budget. Dans une conférence de presse à Downing Street, Truss s’est contentée de revenir sur sa décision controversée concernant les baisses des taxes sur les sociétés et promet qu’elle rassurera les marchés, alarmés par l’instabilité économique dominante. Pour rappel, avec l’annonce du « minibudget » du gouvernement Truss, la livre sterling avait chuté de 1,12$ à 1,035$ en quelques heures, une première depuis 1985. Les choix économiques désastreux de la nouvelle cheffe de l’exécutif ouvrent la voie à sa remise en cause à l’échelle nationale ainsi que, plus étonnement, au sein même de son parti. Sans compter la mise à l’écart du chancelier de l’Échiquier, qui rend la nouvelle administration encore plus vulnérable. Liz Truss pourra-t-elle maintenir son poste? et pour combien de temps?
Le ministre des Finances Kwasi Kwarteng a été remercié vendredi par la Première ministre.
Le 23 septembre dernier, la dégringolade de la livre sterling inquiétait considérablement les économistes. Le coûteux plan de relance budgétaire annoncé par le chancelier de l'Échiquier, Kwasi Kwarteng, a fait plonger la monnaie britannique au niveau le plus bas depuis 1985 face au dollar.
En fait, la Première ministre Liz Truss vise une croissance annuelle de 2,5% en abaissant les impôts, surtout pour les plus riches, un peu moins pour la classe moyenne, tout en refusant d’alourdir les taxes pour les entreprises afin de favoriser l’investissement.
C’est une inspiration de la politique fiscale de Margaret Thatcher, mais dans le cadre d’une inflation annuelle de 10%: ce détail qu’ignore Liz Truss modifie intégralement la donne.
Le « minibudget » annoncé par M. Kwarteng repose sur deux volets principaux: les factures énergétiques et l’abaissement des taxes. Tout d’abord, le gouvernement a décidé le gel des dépenses énergétiques à une moyenne de 2500£ annuellement par ménage.
Liz Truss a annoncé la nomination aux Finances de Jeremy Hunt, ancien candidat dans la course pour Downing Street. Âgé de 55 ans, il a été ministre des Affaires étrangères en 2018-2019, après avoir dirigé celui de la Santé.
Le coût astronomique d’une telle mesure s'élève à environ 100 milliards de dollars sous forme de subventions publiques. La sphère politique ne conteste pas ces mesures, car d'aucuns insistent sur la nécessité d’intervenir pour arrêter la hausse incontrôlée des prix de l’énergie. Ensuite, au sujet de la réduction des taxes à un niveau équivalent à 1,5% du PIB, de fortes contestations se sont fait entendre.
Ce sont surtout la baisse du taux d’imposition pour les ménages appartenant à la tranche la plus favorisée et plus récemment l’abaissement des impôts sur les sociétés, qui ont provoqué une vague de critiques et semé la panique sur les marchés. Face à la détérioration de la situation, le gouvernement Truss a décidé de faire marche arrière sur les deux mesures controversées. Cette volte-face ainsi que l’écartement de Kwasi Kwarteng ont entamé la crédibilité d'une Première ministre aux ambitions économiques irréalistes.
Après l'échec des tentatives entreprises par la cheffe de l’exécutif et son ex-ministre des Finances pour apaiser la situation, le gouvernement s'était contenté d'affirmer qu'il y avait eu une mauvaise communication. Pour réparer les dégâts commis par le gouvernement, la Banque d’Angleterre a considérablement haussé les taux d’intérêt, allant de 2,25% à 4,25%.
Parallèlement, la Banque Centrale a acheté massivement des obligations britanniques (les bons du trésor) en promettant de poursuivre « autant que nécessaire » cette politique afin d'éviter l’effondrement.
Cette manœuvre désespérée se distingue cette fois par ses causes: c’est la première fois que la Banque Centrale agit de la sorte pour remédier aux fragilités économiques provoquées par la gestion gouvernementale. Normalement de telles mesures sont décidées dans le cadre d'une crise globale, comme celle de 1929 ou de 2008.
Les mesures décidées par Truss ont fortement assombri les perspectives économiques pour 2023. Un déficit budgétaire élevé de 7% et une chute des prix de l’immobilier de 15% sont attendus. C’est dans le contexte de pressions inflationnistes très élevées que le FMI, de façon extrêmement inhabituelle, a mis en garde Londres contre « de larges plans de soutien budgétaires qui ne soient pas ciblés ».
Le communiqué précise aussi que « le 23 novembre (date à laquelle le nouveau ministre des Finances devra détailler son budget et ses propositions économiques), le gouvernement aura l’occasion d’envisager un soutien davantage ciblé et de réévaluer ses mesures fiscales, particulièrement celles qui bénéficient aux plus hauts revenus ».
Cette déclaration est habituellement réservée aux pays émergents, le fait qu’elle soit adressée au Royaume-Uni montre la gravité de la situation et entame la réputation du gouvernement Truss.
Entre-temps, Mme Truss voit sa popularité s'effondrer, les sondages montrent que 51% des Britanniques souhaitent sa démission et une grande partie des conservateurs ne lui font plus confiance quant aux élections législatives de 2024.
À en croire le Sunday Times, au moins 20 députés tories auraient déjà envoyé des lettres de défiance au comité 1922 (un club qui fixe les règles de désignation des chefs de file du parti). Les observateurs préconisent alors prochainement un vote de défiance, ce qui pourrait écarter Liz Truss de la tête de l’exécutif britannique.
Parallèlement, un vent d’optimisme saisit l’opposition travailliste désormais largement en tête des sondages et favorite pour les prochaines élections. Si la gauche britannique s’écharpait encore récemment en public, toujours pas remise de la présidence mouvementée de Jeremy Corbyn et de sa cuisante défaite de 2019 face aux conservateurs, c’est la tempête monétaire provoquée par le gouvernement actuel qui ravive les espoirs.
D’ailleurs, le chef de l’opposition Keir Starmer bénéficie d’un profil sérieux et adapté pour remporter les élections de 2024 et présider un gouvernement de sauvetage, selon les sondages.
Au terme d’un mois chaotique au pouvoir, la dirigeante conservatrice considérablement affaiblie, a profité le 5 octobre dernier du congrès de son parti pour tenter, tant bien que mal, de défendre les priorités de son mandat devant des élus et militants parfois hostiles.
Le congrès de Birmingham est un échec de plus à la Première ministre, surtout qu’il a été miné par des dissensions internes sur la politique à mener pour sortir le Royaume-Uni de sa crise.
Il est à présent très probable que le mandat de Liz Truss, n’ayant pas bénéficié d’un état de grâce, pourrait être le plus court de l’histoire de la Grande Bretagne, surtout après l’aveu de faiblesse qui s’est dévoilé avec l’écartement de Kwasi Kwarteng du gouvernement.
Aujourd’hui, la question qui se pose n’est plus de savoir si Liz Truss pourra mener le Parti conservateur vers une victoire en 2024, mais plutôt de savoir qui sera le chef du Parti pour les prochaines élections.
La scène politique britannique est de nouveau en ébullition. Le ministre des Finances Kwasi Kwarteng a été remercié vendredi par la Première ministre Liz Truss, donnant suite aux nombreuses contestations et critiques observées après l’annonce du budget. Dans une conférence de presse à Downing Street, Truss s’est contentée de revenir sur sa décision controversée concernant les baisses des taxes sur les sociétés et promet qu’elle rassurera les marchés, alarmés par l’instabilité économique dominante. Pour rappel, avec l’annonce du « minibudget » du gouvernement Truss, la livre sterling avait chuté de 1,12$ à 1,035$ en quelques heures, une première depuis 1985. Les choix économiques désastreux de la nouvelle cheffe de l’exécutif ouvrent la voie à sa remise en cause à l’échelle nationale ainsi que, plus étonnement, au sein même de son parti. Sans compter la mise à l’écart du chancelier de l’Échiquier, qui rend la nouvelle administration encore plus vulnérable. Liz Truss pourra-t-elle maintenir son poste? et pour combien de temps?
Le ministre des Finances Kwasi Kwarteng a été remercié vendredi par la Première ministre.
Le 23 septembre dernier, la dégringolade de la livre sterling inquiétait considérablement les économistes. Le coûteux plan de relance budgétaire annoncé par le chancelier de l'Échiquier, Kwasi Kwarteng, a fait plonger la monnaie britannique au niveau le plus bas depuis 1985 face au dollar.
En fait, la Première ministre Liz Truss vise une croissance annuelle de 2,5% en abaissant les impôts, surtout pour les plus riches, un peu moins pour la classe moyenne, tout en refusant d’alourdir les taxes pour les entreprises afin de favoriser l’investissement.
C’est une inspiration de la politique fiscale de Margaret Thatcher, mais dans le cadre d’une inflation annuelle de 10%: ce détail qu’ignore Liz Truss modifie intégralement la donne.
Le « minibudget » annoncé par M. Kwarteng repose sur deux volets principaux: les factures énergétiques et l’abaissement des taxes. Tout d’abord, le gouvernement a décidé le gel des dépenses énergétiques à une moyenne de 2500£ annuellement par ménage.
Liz Truss a annoncé la nomination aux Finances de Jeremy Hunt, ancien candidat dans la course pour Downing Street. Âgé de 55 ans, il a été ministre des Affaires étrangères en 2018-2019, après avoir dirigé celui de la Santé.
Le coût astronomique d’une telle mesure s'élève à environ 100 milliards de dollars sous forme de subventions publiques. La sphère politique ne conteste pas ces mesures, car d'aucuns insistent sur la nécessité d’intervenir pour arrêter la hausse incontrôlée des prix de l’énergie. Ensuite, au sujet de la réduction des taxes à un niveau équivalent à 1,5% du PIB, de fortes contestations se sont fait entendre.
Ce sont surtout la baisse du taux d’imposition pour les ménages appartenant à la tranche la plus favorisée et plus récemment l’abaissement des impôts sur les sociétés, qui ont provoqué une vague de critiques et semé la panique sur les marchés. Face à la détérioration de la situation, le gouvernement Truss a décidé de faire marche arrière sur les deux mesures controversées. Cette volte-face ainsi que l’écartement de Kwasi Kwarteng ont entamé la crédibilité d'une Première ministre aux ambitions économiques irréalistes.
Après l'échec des tentatives entreprises par la cheffe de l’exécutif et son ex-ministre des Finances pour apaiser la situation, le gouvernement s'était contenté d'affirmer qu'il y avait eu une mauvaise communication. Pour réparer les dégâts commis par le gouvernement, la Banque d’Angleterre a considérablement haussé les taux d’intérêt, allant de 2,25% à 4,25%.
Parallèlement, la Banque Centrale a acheté massivement des obligations britanniques (les bons du trésor) en promettant de poursuivre « autant que nécessaire » cette politique afin d'éviter l’effondrement.
Cette manœuvre désespérée se distingue cette fois par ses causes: c’est la première fois que la Banque Centrale agit de la sorte pour remédier aux fragilités économiques provoquées par la gestion gouvernementale. Normalement de telles mesures sont décidées dans le cadre d'une crise globale, comme celle de 1929 ou de 2008.
Les mesures décidées par Truss ont fortement assombri les perspectives économiques pour 2023. Un déficit budgétaire élevé de 7% et une chute des prix de l’immobilier de 15% sont attendus. C’est dans le contexte de pressions inflationnistes très élevées que le FMI, de façon extrêmement inhabituelle, a mis en garde Londres contre « de larges plans de soutien budgétaires qui ne soient pas ciblés ».
Le communiqué précise aussi que « le 23 novembre (date à laquelle le nouveau ministre des Finances devra détailler son budget et ses propositions économiques), le gouvernement aura l’occasion d’envisager un soutien davantage ciblé et de réévaluer ses mesures fiscales, particulièrement celles qui bénéficient aux plus hauts revenus ».
Cette déclaration est habituellement réservée aux pays émergents, le fait qu’elle soit adressée au Royaume-Uni montre la gravité de la situation et entame la réputation du gouvernement Truss.
Entre-temps, Mme Truss voit sa popularité s'effondrer, les sondages montrent que 51% des Britanniques souhaitent sa démission et une grande partie des conservateurs ne lui font plus confiance quant aux élections législatives de 2024.
À en croire le Sunday Times, au moins 20 députés tories auraient déjà envoyé des lettres de défiance au comité 1922 (un club qui fixe les règles de désignation des chefs de file du parti). Les observateurs préconisent alors prochainement un vote de défiance, ce qui pourrait écarter Liz Truss de la tête de l’exécutif britannique.
Parallèlement, un vent d’optimisme saisit l’opposition travailliste désormais largement en tête des sondages et favorite pour les prochaines élections. Si la gauche britannique s’écharpait encore récemment en public, toujours pas remise de la présidence mouvementée de Jeremy Corbyn et de sa cuisante défaite de 2019 face aux conservateurs, c’est la tempête monétaire provoquée par le gouvernement actuel qui ravive les espoirs.
D’ailleurs, le chef de l’opposition Keir Starmer bénéficie d’un profil sérieux et adapté pour remporter les élections de 2024 et présider un gouvernement de sauvetage, selon les sondages.
Au terme d’un mois chaotique au pouvoir, la dirigeante conservatrice considérablement affaiblie, a profité le 5 octobre dernier du congrès de son parti pour tenter, tant bien que mal, de défendre les priorités de son mandat devant des élus et militants parfois hostiles.
Le congrès de Birmingham est un échec de plus à la Première ministre, surtout qu’il a été miné par des dissensions internes sur la politique à mener pour sortir le Royaume-Uni de sa crise.
Il est à présent très probable que le mandat de Liz Truss, n’ayant pas bénéficié d’un état de grâce, pourrait être le plus court de l’histoire de la Grande Bretagne, surtout après l’aveu de faiblesse qui s’est dévoilé avec l’écartement de Kwasi Kwarteng du gouvernement.
Aujourd’hui, la question qui se pose n’est plus de savoir si Liz Truss pourra mener le Parti conservateur vers une victoire en 2024, mais plutôt de savoir qui sera le chef du Parti pour les prochaines élections.
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