"Mon chat n'est pas dangereux !" Mostafa ne décolère pas depuis que des députés ultraconservateurs iraniens ont déposé il y a un mois une proposition de loi interdisant les animaux domestiques en raison notamment de leur caractère "nuisible".
Ce phénomène, mettent-ils en garde, pourrait "changer progressivement le mode de vie iranien et islamique" en "remplaçant des relations humaines et familiales par des relations émotionnelles avec les animaux".
La proposition de loi interdit notamment "d'élever, d'acheter ou de vendre, de transporter, de promener à bord d'un véhicule ou à pied et de garder chez soi des animaux sauvages, exotiques, nuisibles et dangereux".
Figurent sur la liste "les crocodiles, les tortues, les serpents, les lézards, les chats, les souris, les lapins, les chiens et autres animaux impurs (selon la religion musulmane) ainsi que les singes".
Dans la loi musulmane, le chien comme le porc sont considérés comme impurs.
Tout contrevenant risque une amende équivalant de 10 à 30 fois le "salaire mensuel minimal ouvrier" (87 euros) et la "confiscation" de l'animal.
La proposition de loi suscite des critiques dans la presse, des moqueries sur les réseaux sociaux et la colère chez des habitants de Téhéran.
"Ce projet provoquera le chaos, la corruption et la désobéissance collective car (...) vivre avec les animaux est aujourd'hui un phénomène culturel", avertit le quotidien réformateur Shargh.
De plus en plus d'Iraniens issus des classes moyenne ou supérieure possèdent des animaux domestiques, et nombre d'entre eux promènent leur chien le soir dans les parcs et rues des quartiers huppés de la capitale.
Au-delà de la colère, certains internautes ont recours à l'humour. "Combien de fois des chats ont essayé de vous dévorer?", ironise sur Twitter une journaliste, Yeganeh Khodami.
"J'ai rebaptisé mon chat +assassin+ depuis que j'ai entendu cette proposition de loi", écrit un autre en postant la photo de son chaton.
Une actrice, impliquée dans la cause animale, mais qui demande à rester anonyme, confie avoir renoncé, en raison des pressions, à organiser une manifestation devant le Parlement.
Face à cette levée de boucliers, peu de parlementaires défendent ouvertement le texte. "Je suis d'accord avec le projet en général, mais en désaccord avec certaines clauses", explique à l'AFP le chef de la commission judiciaire au Parlement Moussa Ghazanfarabadi, qui a signé le texte.
"C'est juste une proposition de loi. Qu'elle aboutisse est une autre affaire", dit-il.
Une députée écologiste de Téhéran, Somayeh Rifieï, pense qu'il faut une loi. "Personne ne peut nier les services que les animaux rendent à l'homme mais ce domaine doit être réglementé", selon elle.
Elle estime néanmoins préférer mettre à l'ordre du jour un projet de loi du gouvernement qui, lui, "accorde une attention particulière à la biodiversité et à la faune" et "traite à la fois des droits des animaux et des droits des humains". Et de déplorer que la proposition de loi "se focalise uniquement sur la criminalisation".
Dans la rue Eskandari, où se concentrent les magasins spécialisés dans les accessoires pour animaux, les vendeurs craignent les conséquences de la proposition de loi. "Cela risque de détruire des milliers d'emplois", déplore Mohsen, 34 ans.
Pour son épouse Mina, hors de question de se séparer de leur chien. "A une époque, ils ont interdit le satellite, pourtant les gens ont continué à l'utiliser, même s'ils avaient peur. Les gens vont garder leurs animaux à la maison pour les protéger", dit-elle.
Les députés "supposent probablement que les jeunes couples d'aujourd'hui n'ont pas d'enfants parce qu'ils ont un chien de compagnie, mais c'est stupide", a indiqué Mina.
"Ce ne sont pas les chiens mais les conditions économiques qui ne nous permettent pas d'avoir des enfants", a-t-elle ajouté, en allusion notamment aux sanctions américaines qui pèsent lourdement sur l'économie du pays.
AFP
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