©© Dalati et Nohra
Quatre jours avant la fin de son mandat, dimanche, le président Michel Aoun s’est employé à régler ses comptes avec ses adversaires politiques pour défendre son sexennat qui a été un échec sur toute la ligne.
Le président Michel Aoun a annoncé jeudi soir qu’il est «prêt à signer le décret de démission du gouvernement», alors que le pays s’oriente vers un vide au niveau de l’Exécutif, en raison de l’incapacité du Parlement à élire un nouveau chef de l’État dans les délais constitutionnels. Il a tiré à boulets rouges sur le Premier ministre désigné, Najib Mikati, l’accusant de «vouloir exercer une tutelle sur le nouveau cabinet».
Au cours d’une interview qu’il a accordée à la LBCI et qu’il a voulu comme un bilan d’un sexennat particulièrement pénible, le chef de l’État s’est employé à régler ses comptes avec ses détracteurs et s’est posé comme un chantre de la réforme et de la lutte contre la corruption, faisant assumer à ses adversaires politiques, judiciaires ou administratifs, toute la responsabilité des dysfonctionnements et de la mauvaise gouvernance qui ont plongé le Liban dans des crises inextricables.
Il a accusé Najib Mikati de ne pas vouloir mettre en place un gouvernement, «pour pouvoir exercer une tutelle» sur la nouvelle équipe ministérielle. C’est dans ce cadre qu’il a situé «le refus du Premier ministre désigné d’appliquer des critères unifiés pour la formation de son équipe». «Certaines parties nomment leurs propres ministres sans qu’elles ne soient embêtées et d’autres cherchent à imposer aux autres une répartition des postes ministériels, notamment ceux appelés à être confiés au Courant patriotique libre. On m’accuse de prendre le parti du CPL alors que j’essaie de remédier à des lacunes. Au cours de notre dernière rencontre (mercredi), nous lui avons demandé (à Najib Mikati) de nous laisser nommer nos ministres au gouvernement et lui avons donné un délai jusqu’au soir pour revenir avec une nouvelle mouture gouvernementale, mais il est parti sans demander son reste», a dit le président, avant d’ajouter, sarcastique: «Il est probablement parti sur son yacht.» Il n'en demeure pas moins qu'il s'est dit prêt à accueillir favorablement, «même au téléphone, une réponse positive du Premier ministre désigné», pour un déblocage du dossier gouvernemental, avant la fin de son mandat.
Michel Aoun s’est dit persuadé qu’il n’y aura pas de nouveau gouvernement alors que son mandat se termine à la fin d’octobre. Il a insisté dans ce cadre sur le fait que le cabinet d’expédition des affaires courantes ne peut pas assumer les prérogatives présidentielles, avant d’annoncer qu’il est sur le point de signer le décret de démission du gouvernement et qu’il est déterminé à «faire respecter la Constitution».
L’initiative Berry
Dans le même ordre d’idées, Michel Aoun a aussi reproché à Nabih Berry de ne pas «assumer ses responsabilités» pour faciliter la naissance d’un gouvernement. Plusieurs fois au cours de l’interview, il a critiqué le président de la Chambre, l’accusant entre autres de «ne pas l’avoir laissé gouverner».
Michel Aoun a dénoncé «une mauvaise gouvernance» qui se manifeste selon lui par un «non-respect de la Constitution». Dans ce contexte, il a jugé «anticonstitutionnelle» l’initiative de M. Berry d’appeler, la semaine prochaine, à un dialogue autour de la présidentielle. «Le président de la Chambre n’a pas le droit de convoquer un dialogue national qui relève de la compétence du chef de l’État. Il peut convoquer des concertations parlementaires qui seront de loin plus utiles» au niveau d’un éventuel déblocage de la présidentielle, a-t-il commenté.
M. Aoun a rejeté les accusations selon lesquelles le CPL qu’il a fondé fait partie des forces politiques qui votent blanc et qui empêchent ainsi l’élection d’un président. Il a donné l’explication suivante du comportement de ce parti: «Personne n’est venu parler avec Gebran (Bassil, son gendre et chef actuel du CPL). Ce dernier a défini les qualités qu’un président devrait avoir et les a consignées dans un document qu’il a remis à tous les blocs parlementaires. Il a effectué son devoir national.»
Le chef de l’État a ensuite préconisé un amendement limité de l’accord de Taëf, afin que des délais soient imposés à un Premier ministre désigné pour la formation de son équipe. «Il n’est pas normal non plus qu’un Premier ministre demeure en place au cas où le mandat du président prendrait fin sans qu’il ne soit possible d’élire son successeur», a-t-il indiqué.
Michel Aoun s’est défendu d’être, avec son camp, responsable de l’effondrement économique et financier. Il en a fait assumer la responsabilité «aux gouvernements successifs, notamment aux ministres des Finances et au gouverneur de la banque centrale, Riad Salamé, ainsi qu’à ceux qui le protègent». Il a expressément nommé Nabih Berry, Najib Mikati et Saad Hariri. Selon lui, c’est sa «lutte contre la corruption qui (lui) a causé des ennemis». «Il est impossible que des réformes puissent avoir lieu tant que ces personnes sont au pouvoir», a martelé Michel Aoun.
Il a aussi accusé ses détracteurs d’avoir refusé de débloquer des fonds pour financer la construction de centrales électriques, limitant toute la problématique de l’effondrement du secteur de l’énergie à «l’absence de fonds».
Il a ensuite justifié son blocage du train de nominations judiciaires par le fait que le décret qui lui avait été présenté à cette fin «consacre le confessionnalisme ainsi qu’une répartition des juges en fonction d’intérêts politiques». Dans ce même contexte, M. Aoun a reproché au président du Conseil supérieur de la magistrature, Souheil Abboud, de «ne pas avoir honoré les engagements» qu’il aurait pris devant lui, pour ce qui est des conditions de changement de poste de la procureure générale près la cour d’appel du Mont-Liban, Ghada Aoun, de la nomination d’un remplaçant et de la soumission du décret de nominations qu'il avait demandé à voir.
«Éviter une guerre»
Pour ce qui est de l’accord libano-israélien sur la démarcation de la frontière maritime, scellé jeudi à Ras Naqoura, Michel Aoun a indiqué qu’il s’agit de son «cadeau de départ aux Libanais, dans l’espoir d’un avenir meilleur». «Le Liban a signé un accord avec Israël sur la frontière maritime pour éviter une guerre», a-t-il ajouté.
Le chef de l’État s’est dit confiant dans une reprise des négociations avec la Syrie au sujet de la frontière maritime, faisant état d’un «report technique». Il a répondu au commentaire du chef du PSP, Walid Joumblatt, qui a jugé «suspect» le fait que les autorités n’aient pas créé un fonds souverain et une compagnie nationale pour le gaz, affirmant redouter une dilapidation des fonds que générerait l’exploitation des ressources gazières en Méditerranée. «C’est de lui que nous devons avoir peur», a-t-il lancé.
Réponse de Mikati
Najib Mikati n'a pas tardé à répondre aux propos de M. Aoun le concernant. Dans un communiqué publié par son bureau de presse, il a affirmé partager ses propos au sujet de la primauté de la Constitution. Commentant cependant ses déclarations au sujet du blocage du gouvernement, il a affirmé: «Parfois, la mémoire trahit nos aînés. Les faits sont alors confondus avec les souhaits, et les vérités avec les illusions.»
Le président Michel Aoun a annoncé jeudi soir qu’il est «prêt à signer le décret de démission du gouvernement», alors que le pays s’oriente vers un vide au niveau de l’Exécutif, en raison de l’incapacité du Parlement à élire un nouveau chef de l’État dans les délais constitutionnels. Il a tiré à boulets rouges sur le Premier ministre désigné, Najib Mikati, l’accusant de «vouloir exercer une tutelle sur le nouveau cabinet».
Au cours d’une interview qu’il a accordée à la LBCI et qu’il a voulu comme un bilan d’un sexennat particulièrement pénible, le chef de l’État s’est employé à régler ses comptes avec ses détracteurs et s’est posé comme un chantre de la réforme et de la lutte contre la corruption, faisant assumer à ses adversaires politiques, judiciaires ou administratifs, toute la responsabilité des dysfonctionnements et de la mauvaise gouvernance qui ont plongé le Liban dans des crises inextricables.
Il a accusé Najib Mikati de ne pas vouloir mettre en place un gouvernement, «pour pouvoir exercer une tutelle» sur la nouvelle équipe ministérielle. C’est dans ce cadre qu’il a situé «le refus du Premier ministre désigné d’appliquer des critères unifiés pour la formation de son équipe». «Certaines parties nomment leurs propres ministres sans qu’elles ne soient embêtées et d’autres cherchent à imposer aux autres une répartition des postes ministériels, notamment ceux appelés à être confiés au Courant patriotique libre. On m’accuse de prendre le parti du CPL alors que j’essaie de remédier à des lacunes. Au cours de notre dernière rencontre (mercredi), nous lui avons demandé (à Najib Mikati) de nous laisser nommer nos ministres au gouvernement et lui avons donné un délai jusqu’au soir pour revenir avec une nouvelle mouture gouvernementale, mais il est parti sans demander son reste», a dit le président, avant d’ajouter, sarcastique: «Il est probablement parti sur son yacht.» Il n'en demeure pas moins qu'il s'est dit prêt à accueillir favorablement, «même au téléphone, une réponse positive du Premier ministre désigné», pour un déblocage du dossier gouvernemental, avant la fin de son mandat.
Michel Aoun s’est dit persuadé qu’il n’y aura pas de nouveau gouvernement alors que son mandat se termine à la fin d’octobre. Il a insisté dans ce cadre sur le fait que le cabinet d’expédition des affaires courantes ne peut pas assumer les prérogatives présidentielles, avant d’annoncer qu’il est sur le point de signer le décret de démission du gouvernement et qu’il est déterminé à «faire respecter la Constitution».
L’initiative Berry
Dans le même ordre d’idées, Michel Aoun a aussi reproché à Nabih Berry de ne pas «assumer ses responsabilités» pour faciliter la naissance d’un gouvernement. Plusieurs fois au cours de l’interview, il a critiqué le président de la Chambre, l’accusant entre autres de «ne pas l’avoir laissé gouverner».
Michel Aoun a dénoncé «une mauvaise gouvernance» qui se manifeste selon lui par un «non-respect de la Constitution». Dans ce contexte, il a jugé «anticonstitutionnelle» l’initiative de M. Berry d’appeler, la semaine prochaine, à un dialogue autour de la présidentielle. «Le président de la Chambre n’a pas le droit de convoquer un dialogue national qui relève de la compétence du chef de l’État. Il peut convoquer des concertations parlementaires qui seront de loin plus utiles» au niveau d’un éventuel déblocage de la présidentielle, a-t-il commenté.
M. Aoun a rejeté les accusations selon lesquelles le CPL qu’il a fondé fait partie des forces politiques qui votent blanc et qui empêchent ainsi l’élection d’un président. Il a donné l’explication suivante du comportement de ce parti: «Personne n’est venu parler avec Gebran (Bassil, son gendre et chef actuel du CPL). Ce dernier a défini les qualités qu’un président devrait avoir et les a consignées dans un document qu’il a remis à tous les blocs parlementaires. Il a effectué son devoir national.»
Le chef de l’État a ensuite préconisé un amendement limité de l’accord de Taëf, afin que des délais soient imposés à un Premier ministre désigné pour la formation de son équipe. «Il n’est pas normal non plus qu’un Premier ministre demeure en place au cas où le mandat du président prendrait fin sans qu’il ne soit possible d’élire son successeur», a-t-il indiqué.
Michel Aoun s’est défendu d’être, avec son camp, responsable de l’effondrement économique et financier. Il en a fait assumer la responsabilité «aux gouvernements successifs, notamment aux ministres des Finances et au gouverneur de la banque centrale, Riad Salamé, ainsi qu’à ceux qui le protègent». Il a expressément nommé Nabih Berry, Najib Mikati et Saad Hariri. Selon lui, c’est sa «lutte contre la corruption qui (lui) a causé des ennemis». «Il est impossible que des réformes puissent avoir lieu tant que ces personnes sont au pouvoir», a martelé Michel Aoun.
Il a aussi accusé ses détracteurs d’avoir refusé de débloquer des fonds pour financer la construction de centrales électriques, limitant toute la problématique de l’effondrement du secteur de l’énergie à «l’absence de fonds».
Il a ensuite justifié son blocage du train de nominations judiciaires par le fait que le décret qui lui avait été présenté à cette fin «consacre le confessionnalisme ainsi qu’une répartition des juges en fonction d’intérêts politiques». Dans ce même contexte, M. Aoun a reproché au président du Conseil supérieur de la magistrature, Souheil Abboud, de «ne pas avoir honoré les engagements» qu’il aurait pris devant lui, pour ce qui est des conditions de changement de poste de la procureure générale près la cour d’appel du Mont-Liban, Ghada Aoun, de la nomination d’un remplaçant et de la soumission du décret de nominations qu'il avait demandé à voir.
«Éviter une guerre»
Pour ce qui est de l’accord libano-israélien sur la démarcation de la frontière maritime, scellé jeudi à Ras Naqoura, Michel Aoun a indiqué qu’il s’agit de son «cadeau de départ aux Libanais, dans l’espoir d’un avenir meilleur». «Le Liban a signé un accord avec Israël sur la frontière maritime pour éviter une guerre», a-t-il ajouté.
Le chef de l’État s’est dit confiant dans une reprise des négociations avec la Syrie au sujet de la frontière maritime, faisant état d’un «report technique». Il a répondu au commentaire du chef du PSP, Walid Joumblatt, qui a jugé «suspect» le fait que les autorités n’aient pas créé un fonds souverain et une compagnie nationale pour le gaz, affirmant redouter une dilapidation des fonds que générerait l’exploitation des ressources gazières en Méditerranée. «C’est de lui que nous devons avoir peur», a-t-il lancé.
Réponse de Mikati
Najib Mikati n'a pas tardé à répondre aux propos de M. Aoun le concernant. Dans un communiqué publié par son bureau de presse, il a affirmé partager ses propos au sujet de la primauté de la Constitution. Commentant cependant ses déclarations au sujet du blocage du gouvernement, il a affirmé: «Parfois, la mémoire trahit nos aînés. Les faits sont alors confondus avec les souhaits, et les vérités avec les illusions.»
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