©De gauche à droite : Dmitry Popov, Artyom Sakov, Igor Losik, Vladimir Tsyganovich, Sergei Tikhanovsky et Mikola Statkevich dans la cage d'accusés lors de l'audience de verdict de leur procès. Le chef de l'opposition Sergueï Tikhanovsky est condamné à 18 ans de prison après avoir galvanisé un mouvement de protestation sans précédent contre le chef fort Alexandre Loukachenko. (AFP)
Un tribunal bélarusse a condamné mardi à de lourdes peines de prison plusieurs opposants au président Alexandre Loukachenko, notamment Sergueï Tikhanovski, mari de la pasionaria de l'opposition Svetlana Tikhanovskaïa.
Autre figure majeure de l'opposition, Mikola Statkevitch, 65 ans, candidat à la présidentielle de 2010 ayant déjà passé plusieurs années en prison, a lui été condamné à 14 ans de détention.
Autres coaccusés, Artiom Sakov et Dmitri Popov, qui travaillaient pour M. Tikhanovski, ont été condamnés à 16 ans de prison. Vladimir Tsyganovitch, Youtubeur critique du pouvoir, et Igor Lossik, journaliste d'opposition, sont condamnés à 15 ans.
"Le dictateur (M. Loukachenko) se venge publiquement de ses opposants les plus forts", a réagi sur Twitter Svetlana Tikhanovskaïa, 39 ans, contrainte à l'exil depuis l'été 2020 pour avoir inspiré une vague de contestation historique au Bélarus.
"Nous ne nous arrêterons pas", a-t-elle prévenu, relevant que "le monde entier regarde" la répression au Bélarus.
Interrogée par l'AFP à Bruxelles, l'opposante s'est dite déterminée à poursuivre le combat pour la démocratie dans son pays, proclamant aussi sa confiance en l'unité de l'Europe face au "dictateur" Loukachenko.
"Nous n'avons pas le temps de pleurer, ni de trop y penser", a-t-elle déclaré à propos de la condamnation de son mari, avec lequel elle assure ne pouvoir communiquer que via de courts messages transmis par son avocat.
"Mon mari, un homme courageux, exceptionnel, est devenu un ennemi personnel de Loukachneko", a-telle affirmé, se disant persuadée qu'il ne purgerait pas la totalité de sa peine.
La nouvelle ministre allemande des Affaires étrangères Annalena Baerbock a dénoncé mardi des "verdicts scandaleux" contre ces opposants, qui "déshonorent l'Etat de droit et les obligations internationales du Bélarus".
L'Union européenne a elle dénoncé les condamnations "infondées" et "sévères" infligées aux figures de l'opposition, ajoutant qu'elle enviageait de nouvelles sanctions contre le Bélarus. Washington a de son côté exigé la fin de la "dure répression" dans ce pays.
Sergueï Tikhanovski était un Youtubeur connu pour ses vidéos éreintant Alexandre Loukachenko. Il a été arrêté en mai 2020 alors qu'il projetait de se présenter à la présidentielle du mois d'août.
Sa femme Svetlana, sans expérience politique, l'avait remplacé au pied levé, mobilisant à la surprise générale des foules jamais vues contre Alexandre Loukachenko, une contestation que le régime a durement réprimée.
M. Tikhanovski et ses coaccusés étaient jugés depuis juin à huis clos. Presque aucune information n'a filtré sur ce procès. Les avocats de la défense ont été interdits de s'exprimer sous peine de perdre le droit d'exercer.
"J'estime que (ces accusations) sont imaginaires et ont des motifs politiques", avait indiqué M. Tikhanovski dans une lettre fin mai au média allemand Deutsche Welle.
"J'ai refusé de participer à ce +procès+ me visant", a déclaré Mikola Statkevitch dans un courrier envoyé à sa femme Marina Adamovitch. Cette dernière a raconté mardi sur Radio Liberty que les condamnés n'avaient pas parlé lors du procès et s'est dite confiante "que ce verdict ne sera pas appliqué".
En 2021, la justice bélarusse avait déjà condamné l'ex-banquier et candidat à la présidentielle Viktor Babaryko et sa directrice de campagne, Maria Kolesnikova, à respectivement 14 et 11 ans de prison.
Parmi les figures de l'opposition de premier plan, M. Tikhanovski a donc été condamné à la plus lourde peine.
Selon l'ONG Viasna, le Bélarus compte actuellement 912 prisonniers politiques. Mais selon Svetlana Tikhanovskaïa, il y en aurait "beaucoup plus".
Après sa campagne contre M. Loukachenko, le régime a forcé l'opposante à l'exil et, depuis, elle sillonne le monde, reçue par les leaders occidentaux, pour accroître la pression sur le président bélarusse.
Pour dénoncer la répression, l'UE, les Etats-Unis et d'autres pays occidentaux ont adopté plusieurs séries de sanctions contre des personnalités et entreprises liées au régime, qui s'est rapproché en contrepartie de Moscou, son principal allié.
Début décembre, les Occidentaux ont à nouveau sanctionné Minsk, accusé malgré ses dénégations d'avoir orchestré une crise migratoire à sa frontière avec la Pologne pour se venger et tenter de déstabiliser l'Union européenne.
M. Loukachenko peut compter, lui, sur le soutien de son homologue russe Vladimir Poutine.
AFP
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