«Wasafoulna El Saber»: femmes en scène!
Donner voix aux femmes. C’est ce que Darine Chamseddine décide de faire dans sa pièce Wasafoulna El Saber. Actrices et/ou metteuses en scène confirmées, avec plus d’une couleur dans leur sac, Lina Abiad, Josyane Boulos, Dareen Chams Aldin, Lama Meraachly, Maya Habli et Salma Chalabi témoignent chacune de leur voie et s’en donnent à cœur joie. Six actrices, six monologues.

Une pièce à découvrir, ne serait-ce que pour tendre une oreille complice à ce que les femmes font de mieux quand elles perdent patience: parler, parler et parler encore! Des mots qui trouveront leur écho auprès d'un public avide d’histoires sans retenue, sans non-dits.



Josyane Boulos, directrice du théâtre Le Monnot, celle qui met la main à la pâte, de la production jusqu'aux planches, invite ses partenaires de scène à partager leurs expériences respectives et nous fait également part de la sienne avec son enthousiasme habituel.

C’est Lina Abyad qui prend la parole la première: «Je pars du fait qu’elle demande que ce soient des souvenirs drôles et légers et je me rends compte que: premièrement, je n’ai pas de mémoire, et deuxièmement, j’ai très peu de souvenirs drôles et légers  parce que finalement, c’est difficile, cette vie à Beyrouth!»
«Tu préfères diriger ou jouer?» lui demande Josyane Boulos. «J’aime beaucoup jouer! Mais comme j’ai peu de mémoire, c’est difficile quand même… disons que c’est laborieux.», répond-elle.

De son côté, Maya Habli partage le thème des souvenirs dans la pièce: «Je ne parle pas de souvenirs en tant que tels, mais de la réalité, comme la ménopause, qui est le lot des femmes, par exemple, ce par quoi elles passent; en partant des souvenirs qu’elles construisent pour aboutir à la période post-ménopause.»


«Tu dis dans ton texte qu’on ne parle pas de la ménopause et que dans notre société le sujet est tabou», ajoute Josyane. «C’est très vrai. Chaque fois que je pose la question autour de moi, aucune femme n’avoue qu’elle a atteint l’âge de la ménopause; elles ont toutes arrêté d’avancer en âge dès 40 ans. J’aurais vraiment voulu savoir comment se passent les relations sexuelles durant cette période, comment gérer cette période sans dégâts et sans uniquement blâmer les hommes de traverser la crise de la cinquantaine.»

Quant à Salma Chalabi, l’histoire qu’elle raconte est en rapport avec sa mère: «Je parle de la patience avec ma propre mère et comment j’ai grandi avec une personne dont la mentalité est complètement différente de la mienne. Il y a eu donc un «clash culturel» entre nous. Toute ma vie, elle a voulu me persuader que j’étais une reine; elle m’a bombardée de pensées positives... Sauf qu’en grandissant, je ne parvenais pas à les voir aussi positives. Pour moi, elle me mentait; je n’étais pas du tout une reine… Jusqu’au moment où j’ai grandi et suis devenue une version de ma mère. J'ai alors été persuadée de ce qu’elle répétait tout le temps: «Je me fie à mon cœur». J’ai adopté sa phrase: «de toute façon, ma mère se fie à son cœur.» J’ai fini par lui faire confiance et par réaliser qu’elle avait raison.

Et Josyane Boulos de conclure: «C’est une expérience très sympathique que de jouer avec cinq autres actrices de ce calibre. Quand Darine Chamseddine m’a demandé de participer à l’aventure, j’ai tout de suite dit oui, surtout qu’elle nous a aussi donné la chance d'écrire chacune son propre texte, et moi, j’adore écrire… J’ai donc écrit un premier texte, puis j’ai radicalement changé d’avis et j’en ai écrit un autre. Comme je venais de terminer La fille qui aimait Julio, je ne savais plus lesquels de mes souvenirs intimes je devais partager. J’ai donc écrit sur le trafic, puis, du jour au lendemain, ou plutôt d’une minute à l’autre, j’ai changé de texte et j’ai parlé de mes premières expériences culinaires en tant que femme mariée. Comme le proverbe libanais le dit si bien: «la clé de l’homme, c’est son ventre» (littéralement). J’ai donc parlé de cela et de tous les problèmes qu’une jeune mariée peut avoir dans la cuisine quand elle y fait ses premiers pas».

*Suite au succès des 28 et 29 novembre, la pièce reprend les 13 et 14 décembre. À vos billets!

Marie-Christine Tayah
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