Lettres à Beyrouth, juste après - (25) Nomades dans le sang.
Où que l’on soit. On revient de.
Du pays de notre enfance. Des quatre coins du monde. De notre place, glorieuse ou déchirée, en ruines ou ruinée, toujours belle aux yeux du cœur, ceux qui ne voient pas trouble. En nous, pleurent ou rient ces instants de gloire ou d’angoisse. Et tout ce qu’on ne peut pas étreindre. Les bras collés à nos guidons, accoudés à nos fenêtres, levés au ciel, on fait le plein. D’essence ou de tous les vides. De nos souvenirs à l’odeur de sueur ou de parfum d’été. De bonnets en laine ou du jasmin. Et dans notre âme de passionnés ou d’écorchés vifs, nos montagnes, nos forêts, ces espaces mi-clos, ce grand œuf écorché -dont on se dispute aussi l’apparence... qu’importe ! Puisque l’on a la même appartenance... ces maisons où l’on s’est tant de fois arrêté, de passage, tous ces endroits qui gardent en eux la trace de nos pas et tout ce qui nous connaît si bien.
Les larmes au bord du cœur, le sourire au coin des lèvres, on continue. Le teint un peu plus pâle... on garde nos bouées de secours, nos coins fami-liers... et le rêve.
On continue. Indépendamment des formes. Des couleurs. Des odeurs. On avance mille fois encore et mille fois on refait ce chemin du retour. On connaît par cœur ces portes fermées qui nous accueillent à bras ouverts... On n’a plus peur de la route. Quels que soient les temps. On n’est jamais en manque d’essence.
Dans la terre où l’on est né, tout reste.
Nos escales de mi-chemin.
La voix au bout du fil.
Les regards qui nous retiennent.
La capitale de nos racines.

Enfouie. Enfuie.

Nos étreintes silencieuses.

Nos élans d’une seconde.
... Et puis les sacs que l’on porte.
À deux mains.
Ces mêmes sacs.
Ce même supermarché du coin.
Et la caissière qui sourit en libanais.
Demain sera meilleur.
Dans chaque escale, germe un brin d’espérance.
Dans chaque endroit, le même sang nomade coule dans nos veines.
Et l’on reviendra.
Parce que l’on revient toujours.
Beyrouth.
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