Du latin advenire, qui désigne le fait d’« advenir », d’« arriver », l’Avent est une période d’environ 4 semaines, 24 jours plus exactement, précédant Noël, temps liturgique décidé, au VIe siècle, par le pape Grégoire Ier, au cours duquel les chrétiens sont invités à célébrer à la fois la volonté de s’incarner de Dieu, la naissance de Jésus à Bethléem et son retour à la fin des Temps. L’Avent serait donc, d’une certaine manière, une période de gratitude, de souvenir et d’attente.
Comment le calendrier en question est-il advenu ?
C’est au XIXe siècle, en Finlande, que l’on eut l’idée de concevoir un calendrier de l’Avent dont les destinataires seraient, en fait, les enfants. On pensa les faire patienter de la sorte jusqu’à l’arrivée de Noël en bonne et due forme et la distribution des cadeaux qu’ils attendaient fébrilement. Initialement, dans le cadre de cette tradition finlandaise, il ne s’agissait pas vraiment de calendrier physique, mais bien plutôt de remettre aux enfants tous les matins une image pieuse inspirée des Évangiles, 24 au total, dont l’enjeu, pédagogique en réalité, était de leur apprendre à attendre, la notion du temps qui passe et du temps à venir étant considérée comme difficile à appréhender en bas âge.
En 1908, en Allemagne, à Munich, apparaît, grâce aux efforts imaginatifs de l’éditeur Gerhard Lang, le premier calendrier de l’Avent sous deux formes : une première avec une échelle prédécoupée dans du carton et élevée vers le ciel sur laquelle un ange est à déplacer chaque jour sur une marche supérieure, jusqu’à l’accession à la plus haute marche, jour de la naissance du Christ ; une seconde, qui eut bien plus de succès, avec 24 petites fenêtres à ouvrir ou à percer, accordées à un support en carton, chacune contenant la représentation d’un personnage biblique, assortie d’un verset des Évangiles.
Bientôt, le calendrier de l’Avent se dissémine dans toute l’Europe, tout l’Occident et, dès les années 50, une surprise en chocolat se cache derrière chacune des fenêtres, invitant l’enfant à la manger jour après jour jusqu’au jour de Noël. Question de faire ressentir aux enfants que leur patience est récompensée au quotidien.
Apparemment, selon certains historiographes, lorsqu’Adolphe Hitler arrive au pouvoir, non seulement l’étoile au sommet du sapin se retrouve remplacée par la croix gammée, mais le calendrier de l’Avent lui-même se vide de sa substance chrétienne, se désacralise littéralement pour se remplir de l’idéologie aryenne et la servir. Dans ce sillage, le calendrier cesse d’être « asexué » et son achat se retrouve lié à l’enfant à qui il sera offert : en ouvrant les fenêtres, les petits garçons découvrent un mini char, un mini sous-marin, les petites filles de petites croix gammées avec des fleurs, un petit collier de croix gammées, sans oublier pour tous des poèmes à la gloire des soldats morts pour la patrie, ainsi que des chants à apprendre en vue d’intégrer plus tard la Jeunesse Hitlérienne.
Si le calendrier de l’Avent aryen cesse d’exister dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, la désacralisation du calendrier de l’Avent, elle, est désormais devenue la mode la plus répandue.
Évolution et créativité
Depuis, le calendrier de l’Avent devient en effet plus ludique, plus créatif, voire cesse le plus souvent d’être un « calendrier » au sens littéral et visuel du terme. Les concepteurs s’évertuent à rivaliser en originalité, en ingéniosité. Le calendrier se met alors à prendre la forme de guirlandes, de boîtes, de chaussettes, de coffrets, de maisonnettes, de petits tiroirs, de boules, etc. Il épouse le plus souvent des enjeux pédagogico ludiques, proposant aux enfants, jour après jour, en plus des confiseries, des activités, des jeux de société, des devinettes, etc. Il y en a aussi qui s’adressent, désormais, aux adultes : un calendrier ou toutes autres formes avec des cases, ou toutes autres formes tout autant, offrant jour après jour des produits de beauté en miniature, des flacons de parfum en miniature avec toute une collection d’essences, des mini-bouteilles de vin, de liqueur…
Le calendrier de l’Avent a même inspiré l’activité de l’« ange gardien », dont l’objectif est de développer les liens sociaux, la sympathie, l’altruisme : dans ce cas, le calendrier cède la place à un comportement convivial et aimant, chacun, chacune devenant, de manière anonyme, l’ange gardien de quelqu’un, lui offrant quotidiennement un tout petit cadeau, quel qu’il soit, un sourire, une écoute bienveillante, des encouragements, etc., jusqu’à la veille de Noël où on lui révèlera son identité.
Sans prétendre à quelque exhaustivité que ce soit, disons enfin qu’à l’instigation d’un entrepreneur, du nom de Julien Dorra, le calendrier de l’Avent devient, par ailleurs, littéraire et artistique. Dans cette optique, depuis 2013, est proposé un calendrier de l’Avent du domaine public qui donne à (re) découvrir tous les jours de l’Avent l’œuvre d’un romancier, d’un poète, d’un dramaturge, d’un peintre, d’un musicien, d’un sculpteur, d’un illustrateur, d’un cinéaste, etc., dont les droits sont arrivés à terme et qui appartiennent désormais au domaine public.
Un Avent pour le Liban. Et un après ?
S’il fallait imaginer un calendrier de l’Avent spécial Liban, que pourrait donner à découvrir, entre autres, chacune des fenêtres avant le jour de Noël ? Prêtons-nous donc à ce jeu de l’imagination.
Jour J - 24 : Appartenance ;
Jour J - 23 : Engagement ;
Jour J - 22 : Mémoire ;
Jour J - 21 : Histoire ;
Jour J - 20 : Géographie ;
Jour J - 19 : Démographie ;
Jour J - 18 : Peuple ;
Jour J - 17 : Respect ;
Jour J - 16 : Droits ;
Jour J - 15 : Devoirs ;
Jour J - 14 : Éthique ;
Jour J - 13 : Citoyenneté ;
Jour J - 12 : Liberté ;
Jour J - 11 : Instruction ;
Jour J – 10 : Culture ;
Jour J - 9 : Laïcité ;
Jour J - 8 : Écologie ;
Jour J - 7 : Agriculture ;
Jour J - 6 : Industrie ;
Jour J - 5 : Inventivité ;
Jour J - 4 : Courage ;
Jour J - 3 : Patriotisme ;
Jour J - 2 : État ;
Jour J - 1 : Souveraineté ;
Jour J : Liban Alléluia ! Une nation est née !
Dans un documentaire de 11 minutes et 12 secondes de La Revue TB, diffusé sur YouTube il y a 13 jours et intitulé « Pourquoi Le Liban pourrait disparaître ? » (https://www.youtube.com/watch?v=Tu9YhqfA5Sc), le présentateur interroge l’avenir de notre pays, justement à l’aune de l’absence de toutes les composantes susmentionnées. Bien évidemment, la réponse est dans le titre même du documentaire et on comprend, de ce fait, aisément, que l’interrogation est de nature strictement rhétorique.
Et, cependant, si l’on convoquait l’idée qu’originellement l’Avent est une période de gratitude, de souvenir et d’attente et que le calendrier qui lui est lié est un artéfact pour aider les enfants à patienter, ne pourrions-nous pas, depuis notre libanité à faire « advenir », changer de perspective ? Ne pourrions-nous pas éprouver de la gratitude pour la beauté de notre pays, la clémence de son climat, les qualités conviviales et hospitalières des concitoyens, la résilience de beaucoup parmi nous, l’esprit d’entraide et d’empathie de beaucoup parmi nous, l’appui de notre diaspora, etc. ? Ne pourrions-nous pas nous souvenir qu’il fut un temps où notre pays était perçu comme la Suisse du Moyen-Orient, le joyau de la méditerranée pour nous encourager à rebondir ? Ne pourrions-nous pas nous mettre dans une attente positive et active d’un Liban à faire advenir comme l’« incarnation » du bien collectif et du « salut » pour tous ? Ne pourrions-nous pas redevenir des « enfants », reconquérir une part d’innocence nécessaire pour croire qu’il serait peut-être bien possible de tordre le cou à la question rhétorique faisant office de titre du documentaire ?
Que Noël arrive avec joie malgré tout !
Que la « fin des Temps » advienne au plus tôt pour tous nos vampires et nos loups-garous…
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