En Allemagne, le gaz qui vient de la mer
L'Allemagne a inauguré samedi son premier terminal méthanier où désormais le gaz naturel liquéfié à -160°C, transporté par des méthaniers pourrait être remis à l'état gazeux pour alimenter le réseau de gazoducs national. Importé des États-Unis, du Qatar ou d'autres fournisseurs, ce gaz comble le vide créé par les sanctions contre la Russie après son invasion de l'Ukraine. Mais l'Allemagne, comme d'autres pays européens, a besoin de plus pour assouvir leur soif en énergie.

Le navire "Hoegh Esperanza" de l'usine flottante de stockage et de regazéification (FSRU) est amarré lors de la cérémonie d'ouverture du terminal de gaz naturel liquéfié (GNL) d'Uniper au Jade Bight à Wilhelmshaven, dans le nord de l'Allemagne. Un terminal construit en un temps record, alors que le pays se démène pour s'adapter à la vie sans énergie russe.

Plein gaz sur le GNL: l'Allemagne a inauguré samedi son premier terminal de gaz liquéfié, destiné à éviter les pénuries et à remplacer les livraisons russes, stoppées par la guerre en Ukraine. Mais l'approvisionnement à court terme demeure incertain.

"C'est un bon jour pour notre pays et un signe pour le monde entier que l'économie allemande pourra rester forte", a déclaré le chancelier Olaf Scholz, vêtu d'une veste jaune fluo, sur le pont d'un bateau, à quelques mètres du terminal de Wilhelmshaven, au bord de la mer du Nord.



(Vidéo Uniper)

(Crédit photo: RWE)

Le bateau FSRU (usine flottante de stockage et de regazéification) "Hoegh Esperanza", amarré depuis jeudi à environ 300 mètres de là, a fait sonner sa sirène à l'approche du chef de l'Etat, dans un temps froid et brumeux.

Cet imposant vaisseau, long de 300 mètres, est chargé avec suffisamment de gaz nigérian pour la consommation annuelle de "50.000 foyers" et commencera ses livraisons le 22 décembre.

Cinq autres terminaux flottants suivront dans l'année, après des chantiers menés au pas de charge grâce aux milliards d'euros débloqués par Berlin.

"C'est le nouveau rythme de l'Allemagne avec lequel nous faisons progresser nos infrastructures", s'est félicité le chancelier. Un projet privé du groupe français Totalenergies à Lubmin (nord de l'Allemagne) devrait aussi ouvrir rapidement.

Un méthanier, reconnaissable à ces énormes réservoirs sphériques, accosté à une FSRU (usine flottante de stockage et de regazéification). (Crédit photo: Uniper)

Ces installations fourniront un tiers des besoins en gaz du pays, éloignant, pour le moment, les scénarios catastrophes de pénuries massives encore évoqués il y a quelques mois.

Les terminaux GNL (Gaz naturel liquéfié) flottants permettent d'importer du gaz naturel par voie maritime, sous forme liquide. Ils sont composés d'une plateforme d'amarrage et d'un bateau dit FSRU, où le GNL est livré, stocké et regazéifié, avant d'être envoyé dans le réseau.

A la différence d'autres pays européens, l'Allemagne ne disposait d'aucun terminal sur son sol, préférant la ressource peu chère arrivant des pipelines russes, dont elle dépendait à 55% de ses importations.

(Crédit photo: Uniper)

Tout a changé avec la guerre en Ukraine et la fin des livraisons du Russe Gazprom. Les importations de gaz liquéfié vers l'Allemagne, via les ports belges, néerlandais et français, ont bondi.


Pour éviter un coût du transport prohibitif, le pays a décidé de lancer sur son propre sol plusieurs chantiers de terminaux. Mais l'Allemagne n'a toujours pas signé des contrats gaziers significatifs pour remplir ces terminaux dans l'immédiat.

"La capacité d'importation sera là. Mais ce qui m'inquiète, ce sont les livraisons", s'alarme auprès de l'AFP Johan Lilliestam, chercheur à l'université de Postdam.

(Crédit photo: Uniper)

Un contrat entre l'entreprise américaine ConocoPhillips et le Qatar a été signé pour le terminal de Wilhelmshaven. Mais la livraison de gaz ne débutera qu'à partir de 2026.

Les négociations entre les énergéticiens allemands, RWE et Uniper en tête, et les principaux fournisseurs mondiaux, comme le Qatar, les États-Unis ou le Canada, patinent.

Les producteurs cherchent à conclure des contrats longs, pour rentabiliser leurs investissements tandis que Berlin veut du court terme afin de se passer progressivement des énergies fossiles.

"Les entreprises doivent savoir que, si nous voulons respecter nos objectifs (de neutralité carbone, NDLR), les achats allemands seront de moins en moins importants au fil du temps", a ainsi martelé fin novembre le ministre de l'Économie Robert Habeck.

Siège du groupe énergétique allemand Uniper et de ses installations de stockage de gaz naturel au sud de l'Allemagne. Le gouvernement allemand a entamé la nationalisation du groupe après l'arrêt des projets Nord Stream et à cause des pénuries d'énergie actuelles et à venir.

Au sein des associations écologistes, critiques sur les projets GNL, l'association DUH a annoncé vendredi des "actions juridiques" contre Wilhelmshaven. Une dizaine de militants écologistes manifestaient dans la ville, avec des pancartes demandant la "fin du gaz", a constaté un journaliste de l'AFP.

Sans contrat significatif, l'Allemagne est exposée à la volatilité des marchés spot de court terme pour se fournir.

Les prix ont certes baissé depuis l'été. Mais le marché pourrait se tendre dès 2023, en raison de la reprise de la demande en Chine, qui abandonne peu à la peu la politique "zéro Covid".

En décidant l'abandon du nucléaire sous la pression des écologistes, l'Allemagne a continué à miser sur le charbon, source d'énergie la plus polluante en attendant la transition énergétique. Sur cette photo, l'immense mine à ciel ouvert de lignite de Garzweiler, à Lützerath, dans l'ouest de l'Allemagne.

Et l'hiver actuel en Allemagne, particulièrement froid, pourrait vider les cuves plus rapidement que prévu. "La consommation de gaz augmente. C'est un risque, particulièrement quand la vague de froid se prolonge dans le temps", a alerté récemment le chef de l'Agence nationale des réseaux Klaus Müller.

Dès lors, "on ne peut pas exclure des coupures pour l'hiver prochain", estime Andreas Schroeder, expert pour l'institut londonien ICIS.

Les autorités allemandes appellent donc la population à poursuivre ses efforts pour économiser la ressource. L'objectif de Berlin est d'économiser 20% de gaz cet hiver, contre "13%" actuellement, selon M. Müller.

Avec AFP
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