« Gai savoir », Rihanna en berceuse : l’audio pour enfants
Mettre Rihanna dans une boîte à musique, vivre la vie trépidante d’une coccinelle, écouter les bêtises des autres ou s’informer : l’audio pour enfants, du berceau au préado, fourmille de contenus chaque fois plus étudiés pour les éveiller et attirer leurs parents.

« L’audio de l’enfance n’est plus un secteur marginal », assure Nicolas Renault, directeur chez Sony Music du label Load, lancé en 2018 à destination des enfants. Le label veut « rendre accessible aux enfants tout ce qui peut les intéresser » : comptines, yoga, contes classique version « girl power » (« Les Héroïnes »), héros de la littérature jeunesse mis en musique (« Mortelle Adèle ») ou en récit audio (« Loup »). Il a totalisé 138 millions d’écoutes en streaming en 2022 contre 25 millions en 2019.

Tête d’affiche du label, Aldebert, le chanteur star des enfants « capable de remplir 50 Zéniths », a ainsi joué « en deux ans devant 300.000 spectateurs ».
Le catalogue est conçu pour séduire aussi les adultes, particulièrement lorsque les tout-petits sont ciblés. En témoignent les berceuses de la collection « The Lullabeats », qui transforment des tubes hip-hop, RnB ou reggae en mélodies de boîtes à musique.

Pensées comme de « gros clins d’œil aux parents, un peu usés de mettre Brahms dans les oreilles de leurs enfants », elles sont réalisées « avec un BPM (battement par minute) précis pour respecter le temps calme de l’enfant », précise Nicolas Renault.

Avec son nouveau podcast « Toudou » pour les 2-4 ans, France Inter propose aussi une double lecture. En « face A », une histoire du doudou « Toudou » précède « une notice » en « face B » à l’attention des parents expliquant « ce que l’histoire actionne dans le développement cognitif du jeune auditeur », résume Yann Chouquet, directeur des programmes de France Inter.

Pour bâtir cette partie pédagogique, la radio publique s’est associée à Sylvie Chokron, neuropsychologue du CNRS. Car « on n’a pas le droit à l’erreur avec un podcast pour enfant. Il faut maquetter, éprouver et vérifier avant de publier », explique M. Chouquet, dont la ligne directrice est d’être dans « le gai savoir ».

Contes (« Une histoire et... Oli »), récits historiques (« Les Odyssées »), information (« Salut l’info ! »), sciences (« Bestioles », « A la belle étoile »), musique (« Les Zintrus ») ... Radio France, pionnier du podcast jeunesse depuis septembre 2018, a sorti le grand jeu entre univers sonores soignés, ton parfois décalé, contenus documentés et pléiade de personnalités.


La recette fonctionne : les podcasts pour enfants ont totalisé 80 millions d’écoutes à la demande en novembre, s’imposant parmi les « locomotives » des podcasts originaux du groupe, selon Xavier Domino, secrétaire général de Radio France.

Chez Audible, la plateforme de livres audio du groupe Amazon, les œuvres audio jeunesse, cinquième format le plus écouté en France, « accélèrent plus rapidement que les autres », constate pour sa part Bertrand Étienne, directeur général d’Audible France.

Si les professionnels s’accordent à dire que les confinements ont fait largement décoller l’audio jeunesse, ceux-ci relèvent aussi que cet usage poursuit sur sa lancée. Car le son « peut nous accompagner partout » et « c’est du sans écran », rappelle Emmanuelle Marie, directrice audio et international chez Bayard, poids lourd de l’édition jeunesse, qui développe l’audio depuis 25 ans via ses magazines (Pomme d’Api, Okapi, J’aime Lire, etc.).

Fort de 65 séries audio représentant plus de 200 heures d’écoute, le groupe a lancé l’an dernier avec Radio France « Merlin », une enceinte en forme de petit transistor pour les 3-10 ans. Non connectée, cette mini-radio, écoulée à plus de 40.000 exemplaires en 2021, propose quelque 200 contenus audio des deux groupes permettant à l’enfant de gérer en toute autonomie « sa propre collection audio », décrit Emmanuelle Marie.

« L’audio, c’est une dimension importante du développement cérébral d’un enfant » et il faut que l’usage soit « aussi facile, distrayant et agréable » qu’un smartphone, l’écran en moins, ajoute Xavier Domino, côté Radio France.

Pour renforcer sa présence sur ce segment, Bayard vient de créer une entité audio pour commercialiser ses contenus, notamment à l’étranger en anglais, chinois, espagnol et allemand.

AFP
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