Le harcèlement (5)- Quelles solutions?
Quel que soit le type de harcèlement, on y retrouve toujours une violence implicite ou explicite, incluant souvent des manipulations perverses avec les graves conséquences psychosomatiques qu’elles sont susceptibles de causer. Dans tous les cas, la passivité, le silence, l’isolement ou l’évitement ne peuvent qu’encourager le harceleur à poursuivre sa conduite destructrice et aboutir à l’augmentation des souffrances de la personne harcelée.

Les mesures simultanées à prendre sont essentiellement de trois ordres: préventives, immédiates et légales.

Au travail, par exemple, c’est à l’employeur qu’incombe la responsabilité de garantir à ses employeurs l’atmosphère nécessaire au sentiment de sécurité de chacun aussi bien sur le plan physique que psychologique. Lorsqu’il a connaissance de l’existence d’un harcèlement, il a l’obligation morale et légale d’intervenir pour y mettre un terme. Le gouvernement d’un pays soucieux du bien-être général de ses citoyens fera voter une législation qui prévoit des sanctions à appliquer à l’égard de toute conduite harcelante, la victime ayant le droit de poursuivre en justice les responsables. En France, par exemple, l’employeur est tenu de prendre des mesures préventives contre le harcèlement, d’encourager des actions d’information sur ce sujet, de mettre en place une organisation ainsi que des moyens impliquant les procédures à appliquer en cas de litige ou de conflits, tout en veillant à leur amélioration constante. Il s’appuiera sur une collaboration avec la représentation du personnel de son entreprise et pourra consulter des professionnels pour adopter les méthodes et solutions appropriées. Si un employé porte une accusation de harcèlement, il est tenu de mener une enquête impartiale et exhaustive, quelle que soit sa conviction. Il pourra avoir recours à une médiation de conciliation entre la victime et l’auteur du harcèlement qui devra aboutir à un ensemble de mesures et de solutions à appliquer.

À l’école, prévention et actions en situation iront également de pair.

Dans les établissements scolaires, il existe, en principe, un ensemble de règles relatives à divers domaines dont le respect est exigé des élèves, notamment en ce qui concerne l’interdiction de la violence et du harcèlement, qu’il soit le fait d’élèves ou d’adultes. De cette façon, l’école assume sa fonction symbolique par le recours à un Tiers, représenté par le règlement intérieur, chaque fois qu’une situation l’exige. Le rôle de ce Tiers est de réintroduire dans le langage, dans la pensée et la réflexion ce qui s’est traduit en acte violent exprimé verbalement ou physiquement et qui a donné lieu à de l’insécurité ou de l’angoisse. La seule manière de résoudre la problématique que ces situations déclenchent est de permettre aux protagonistes d’entamer un dialogue fait d’écoute empathique, dans le respect de chacun puisque, selon J. Lacan, «le dialogue paraît en lui-même constituer une renonciation à l’agressivité ».

Les interventions sur le sujet du harcèlement à l’école sont nécessaires et doivent se renouveler régulièrement. Elles s’inscriront dans une stratégie globale à laquelle les enseignants, les responsables, les parents et les élèves participeront et s’y impliqueront activement.


Cette sensibilisation doit commencer d’abord à la maison. La relation éducative qui lie les parents et les enfants doit être régie par la première loi morale que l’enfant doit intérioriser et qui est la suivante: «Ne fais pas à autrui ce que tu ne veux pas qu’autrui te fasse», loi devant être respectée d’abord par les parents eux-mêmes. C’est, encore une fois, le recours à la symbolique d’un tiers séparateur d’une relation duelle conflictuelle. Elle sera accompagnée de la recommandation de toujours privilégier l’échange verbal aux actes agressifs. Il en sera de même à l’école: tout conflit sera résolu dans l’adhésion au respect de la loi et par l’exemple offert par les adultes eux-mêmes respectueux des différences, soutenant les élèves les plus fragiles, adoptant à leur égard des attitudes empathiques et encourageantes.

Pratiquement, un programme de sensibilisation global au problème du harcèlement peut être mis en place, avec l’aide de professionnels, mais dans lequel ce sont les adultes à l’école qui joueront un rôle essentiel – particulièrement les enseignants – d’information et d’implication des élèves en privilégiant le dialogue. La collaboration des parents à l’ensemble de ce programme leur sera également proposée. Un passage dans les classes du complémentaire, par exemple, suffit pour se rendre compte combien peu d’élèves échappent au harcèlement. Certains se justifient en disant «c’est pour rire», ou bien «c’est une blague», ignorant par ce fait les souffrances silencieuses que ces «blagues» induisent.

Il ne sera pas facile aux adolescents de s’exprimer librement. Face à des adultes, ils auront tendance à se méfier, ayant été habitués à des réactions angoissées, réprobatrices ou moralisatrices de leurs proches. Il ne s’agit ni de les critiquer ni de les condamner, mais de favoriser l’expression du malaise spécifique à cette période, de susciter une parole subjective que chacun écoutera attentivement. La sensibilisation à leurs fragilités et à leurs angoisses, leur expression symbolique par le langage plutôt que par leurs actions pourra les amener à comprendre ce qu’ils peuvent avoir de commun avec la victime du harcèlement et suscitera de l’empathie à son égard. Certains élèves pourront prendre l’initiative de former un groupe de médiateurs qui interviendraient chaque fois qu’une situation de harcèlement se présente dans le but de soutenir la personne harcelée et de condamner publiquement la conduite de harcèlement.

Quel que soit le genre de harcèlement auquel un sujet est soumis, un soutien psychologique lui sera toujours nécessaire. Pourtant, trop souvent, il se retrouve isolé, incompris, parfois même culpabilisé, avec un sentiment d’impuissance, de doutes sur lui-même, de perte de confiance. Des symptômes inquiétants pourront accompagner cet état qui peut conduire certains, comme on l’a vu, à envisager le suicide. Une prise en charge thérapeutique devra alors être proposée, dès les premiers signes alarmants. L’écoute empathique et bienveillante d’un professionnel qui s’abstiendra de juger, de moraliser, son encouragement à exprimer les souffrances – aussi pénible que cela puisse être –, son rôle de contenant des angoisses et des incertitudes constitueront les leviers d’une restauration progressive d’une meilleure et plus assurée confiance en soi ainsi que la découverte de solutions singulières non seulement pour affronter des situations similaires, mais de faire face avec plus d’assurance et d’efficacité aux inéluctables difficultés futures de l’existence.

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