Livres en braille escomptés, un pari à pérenniser
Malgré leur coût de fabrication beaucoup plus élevé, des livres en braille sont depuis mercredi accessibles au même prix que des ouvrages classiques, un défi risqué relevé par une maison d’édition et imprimerie de Toulouse.

Le Centre de transcription et d’édition en braille (CTEB), principale imprimerie en braille de France, créée en 1989, a décidé d’appliquer à son catalogue de plus de 2.000 livres "le prix unique du livre (loi Lang de 1981) dont l’édition classique bénéficiait". "C’est un pas décisif", s’est félicité Jean Frontin, vice-président du CTEB, lors d’une cérémonie marquant l’événement. "Cela va permettre aux lecteurs de l’écriture Braille de lire tous les livres au prix où Monsieur et Madame tout le monde les achètent en librairie", a-t-il dit.

Des essais de Pierre Rosanvallon ou de Boris Cyrulnik, en passant par Cher connard, le dernier titre de Virginie Despentes, les plus récents prix littéraires ou la saga Harry Potter, tous les livres du catalogue CTEB sont désormais accessibles à des prix compris entre 11 et 30 euros alors qu’il fallait auparavant débourser entre 60 et 122 euros.

"C’est une brèche qui se crée dans le grand mur de l’inégalité, c’est une petite porte qui s’ouvre et maintenant il faut s’y engouffrer, il faut que nous poursuivions l’élan donné ici à Toulouse", a souhaité Vincent Michel, président d’honneur de la fédération des aveugles, lui-même écrivain et grand lecteur.

Aveugle de naissance, il se souvient de "la galère" de l’accès aux livres, notamment pendant ses études, quand il fallait s’appuyer "sur les copains, sur la famille, sur le livre enregistré". "J’ai écouté des milliers de kilomètres de bande magnétique lus par des gens qui voulaient bien nous les lire", a-t-il raconté. La lecture directe en braille, elle, offre l’avantage d’une plus grande autonomie des personnes, un accès personnel au monde du savoir, de la culture.


En baissant les prix du livre en braille, le CTEB facilite cet accès, mais "c’est un pari audacieux", ne cache pas la directrice du centre, Adeline Coursant, car son institution n’a la capacité de financer ce changement de prix que pour une, voire deux années. "Il faudra rapidement trouver des aides pour pouvoir continuer", a-t-elle dit. "On a pris ce risque de mettre en balance notre modèle économique pour pouvoir rendre l’égalité des chances aux aveugles car clairement c’est une inégalité sociale fondamentale qu’ils ne puissent pas avoir accès aux livres comme tout le monde", souligne Mme Coursant.

Le coût de fabrication d’un livre en braille - environ 700 euros, selon le CTEB - est beaucoup plus élevé que celui des livres classiques car il nécessite un travail de transcription fait par des spécialistes, des machines particulières et un papier spécifique, plus épais. L’association entend pour l’instant financer sa nouvelle politique tarifaire sur ses "fonds propres", en utilisant ses réserves ainsi que les revenus de ses autres activités : création de magazines en braille pour les collectivités, guides touristiques, menus pour les restaurants, etc.

Les bénéfices qu’elle tire de la production de relevés de comptes en braille effectuée pour 90 % des établissements bancaires en France afin qu’ils puissent les fournir à leurs clients malvoyants seront également mis à contribution. Mais, fait remarquer Mme Coursant, il y aurait une "autre solution tellement simple pour financer tout ça : ce serait d’augmenter par exemple le prix du livre vendu en librairie de 10 centimes".

"Si on prend les ventes nationales annuelles (de livres), cette augmentation couvrirait l’ensemble des besoins du monde associatif de l’édition adaptée", assure-t-elle, ajoutant que "ce serait la solution idéale". Selon les chiffres fournis par la fédération des aveugles de France, entre 1,7 et 2 millions de personnes sont déficientes visuelles en France métropolitaine.
Parmi elles, environ 15 %, soit entre 255.000 et 300.000 personnes, lisent le braille, estime-t-elle.

AFP
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