Avec Harmonies of Peace (Les harmonies de la paix), le Festival al-Bustan a donné, le mardi 24 janvier lors d’une conférence de presse, le coup d’envoi de sa 29e saison musicale, en proposant un programme aussi dense que varié. Considéré comme l’un des rendez-vous musicaux les plus illustres au pays du Cèdre, le festival libanais invite les mélomanes à partager, du 23 février au 19 mars, des moments d’émotion musicale dans cet écrin qui est devenu, au fil des années, la scène mythique des découvertes musicales les plus exquises. Venus des quatre coins du monde, plus d’une trentaine de musiciens et chanteurs (mis à part les orchestres) intailleront scrupuleusement l’éclectique saison musicale de cette année, afin d’assouvir la passion des mélomanes et de teinter d’une lueur d’espoir le quotidien morose des Libanais, à un moment où le Liban semble durablement enlisé dans l’abîme de la misère. Ainsi, une panoplie d’artistes locaux et internationaux se succèderont sur scène, pendant près d’un mois, et parcourront un vaste et passionnant répertoire du patrimoine musical lié à la musique savante européenne, mais également de celui issu d’expériences de métissage/fusion avec le Jazz et d’autres musiques du monde.

De l’aube au crépuscule du romantisme


Le Festival al-Bustan entamera donc, le 23 février, sa 29e saison avec la violoniste coréo-américaine Elly Suh. Saluée par la Musical America, le plus ancien magazine américain de musique classique, comme «une interprète sensible et absorbante». Saluée par la Musical America, le plus ancien magazine américain de musique classique, comme "une interprète sensible et absorbante", la jeune musicienne proposera, avec l’Orchestra della Magna Grecia sous la baguette de la cheffe d’orchestre italienne Gianna Fratta, une lecture d’un joyau musical du répertoire romantique: la symphonie espagnole pour violon et orchestre du compositeur français Édouard Lalo (1823-1892). La célébrissime neuvième symphonie, dite du nouveau monde, du compositeur tchèque Antonín Dvořák (1841-1904) sera également interprétée durant ce concert. Brillant d’une luminosité musicale louable, l’Orchestra della Magna Grecia, considéré comme l’un des remarquables orchestres du sud de l’Italie, donnera, les 24 et 25 février, deux autres concerts. Le premier sera consacré à trois incontournables compositeurs romantiques russes: Piotr Ilitch Tchaïkovski (1840-1893) avec l’Ouverture solennelle 1812 en mi bémol majeur, op. 49; Sergueï Rachmaninov (1873-1943) avec le célébrissime concerto pour piano no.2 en do mineur, op.18; et Alexandre Borodin (1833-1887) avec les illustres Danses polovtsiennes, teintées d’orientalisme. Ce concert sera placé sous la direction véhémente du chef d’orchestre italien Gianluca Marcianò, et mettra en scène la pianiste ukrainienne Valentina Lisitsa, connue pour sa technique transcendantale et son tempérament volcanique, propres à l’école musicale russe, ainsi que pour ses interprétations (souvent) atypiques.

Placé sous la houlette du chef d’orchestre italien Piero Romano, le concert du 25 février joint brillamment le post-romantisme italien de Giacomo Puccini (1858-1924) au romantisme tardif anglais d’Edward Elgar (1857-1934), avec un clin d’œil assez remarquable à un éminent compositeur italien de musique de film du XXe siècle, Nino Rota (1911-1979), dont les partitions font toutefois honneur à la grande tradition du vérisme italien, mais également de l’opéra romantique. Le concerto pour violoncelle en mi mineur, op.85, d’Elgar, constituera indéniablement le moment le plus fort de ce concert durant lequel la violoncelliste britannique Natalie Clein tentera de donner corps au romantisme nostalgique du compositeur anglais en instillant un phrasé empli de spleen, tantôt criant tantôt silencieux. Par ailleurs, suite à la grande réussite de son concert, intitulé «Un violon à Paris», lors de la 28e saison du Festival al-Bustan, le célèbre violoniste français Renaud Capuçon, secondé par Violaine Despeyroux à l’alto et le Trio Zeliha, revient cette année pour emmener son auditoire, le 26 février, dans un voyage au cœur même de la musique française de la seconde moitié du XIXe siècle et du début du XXe siècle, en l’occurrence celle de Gabriel Fauré (1845-1924), Maurice Ravel (1875-1937) et César Franck (1822-1890).  Capuçon et le jeune quatuor propose, le 27 février, un second voyage musical auprès de l’intemporelle génération de compositeurs de la première école viennoise, en l’occurrence Joseph Haydn (1732-1809) et Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791), et de ceux du postromantisme viennois, en l’occurrence Gustav Mahler (1860-1911) et Erich Wolfgang Korngold (1897-1957).

Le temps des nationalismes



Le 1er mars, la soprano lirico-spinto russe au timbre clair et velouté, Elena Stikhina, et le pianiste russe, Samson Tsoy, salué pour l’originalité et le drame intense de ses interprétations, tenteront de porter le lyrisme italien, allemand et russe à son paroxysme dans un concert qui joint intimement le cynisme à l’espoir, l’ombre à la lumière. Au programme de cette soirée, une pléthore de chefs-d’œuvre de Richard Strauss (1864-1949), Giacomo Puccini, Piotr Ilitch Tchaïkovski, Franz Schubert (1797-1828), Giuseppe Verdi (1813-1901), et Sergueï Rachmaninov. Le 2 mars, le jeune virtuose russe, Alexander Malofeev, donne rendez-vous au public libanais pour un hommage aux piliers des mouvements nationalistes musicaux allemand avec Ludwig van Beethoven (1770-1827), tchèque avec Leoš Janáček (1854-1928), russe avec Sergueï Rachmaninov, Alexandre Scriabine (1872-1915) et (plus ou moins) polonais avec Mieczysław Weinberg (1919-1996). Les 4 et 5 mars, le Festival al-Bustan braquera inopinément ses projecteurs sur la musique de variété libanaise, suivant de ce fait la vague insolite de plusieurs festivals de musique d’art au Liban. Cela pourrait, de prime abord, sembler incohérent avec la programmation que le festival a tenu à préserver durant près de trois décennies, mais il s’agit, en fait, d’une adaptation inévitable à l’aune de la crise économique qui ébranle le pays. Quoi qu’il en soit, les mélodies du dramaturge libanais Georges Khabbaz, orchestrées par Lucas Sakr, seront interprétées durant ces deux concerts.

Exotisme et note bleue


Saluée durant la saison précédente du Festival al-Bustan pour ses interprétations incandescentes d’une finesse expressive, la soprano libano-canadienne, Joyce el-Khoury, revient cette année pour animer, les 6 et 7 mars, des masterclasses de chant lyrique, et le 8 mars, une masterclass publique, en soirée, destinée à mettre en lumière de jeunes talents de moins de trente ans. En outre, soucieux de proposer à son auditoire une musique à la croisée des genres, ledit festival propose, le 9 mars, une incursion dans l’univers du Jazz à la recherche de la note bleue, en hommage à des légendes de ce genre musical dont Bud Powell (1924-1966), Wynton Kelly (1931-1971) et McCoy Tyner (1938-2020). Ce concert mettra en scène le pianiste américain Anthony Wonsey, le contrebassiste Makram Aboul Hosn et le percussionniste Dani Shukri. Le 10 mars, Gianluca Marcianò déploiera sa maîtrise du style classique, à la tête de l’Orchestre philharmonique du Liban (OPL), pour une interprétation de l’une des plus magistrales messes de Joseph Haydn: la Missa in Tempore Belli (Messe en temps de guerre), qui reflète un sentiment d’appréhension alors que l’Autriche et ses alliés étaient sur le point de mettre sur pied plusieurs bataillons contre Napoléon. L’OPL sera accompagné du chœur de l’Université Notre-Dame de Louaizé, sous la direction du père Khalil Rahmé.

Les 11, 12 et 13 mars, deux quatuors se succèderont pour livrer des interprétations toutes en nuances d’œuvres issues de la grammaire monodique modale, de celle harmonique tonale ou d’un langage musical créole. Ainsi, le Quatuor Faris Ishaq-Kham tissera, le 11 novembre, des liens entre les exigences de la musique levantine et les pulsations de la musique Jazz, pour donner corps à un métissage musical de plus en plus répandu récemment. Le Quatuor Hermès, quant à lui, s’emparera de la scène, les 12 et 13 mars, proposant le premier jour un répertoire aux couleurs fortement romantiques avec le Quatuor no.13 «Rosamunde» en la mineur, D 804, op.29 de Franz Schubert, le Molto adagio sempre cantante doloroso de Guillaume Lekeu (1870-1894), et modernes avec le Quatuor en fa majeur de Maurice Ravel. Le second jour, ledit quatuor accompagnera l’accordéoniste français Félicien Brut dans un concert de musique de chambre au programme caléidoscopique des XXe et XXIe siècles. Le 15 mars, l’OPL, dirigé par le clarinettiste austro-hongrois, Andreas Ottensamer, proposera un florilège d’œuvres éclectiques où se mêlent intimement les formes classiques et les harmonies romantiques de Wolfgang Amadeus Mozart, Ludwig van Beethoven, Franz Schubert et Gioachino Rossini (1792-1868). Le 16 mars, c’est le célèbre lauréat du concours Reine Élisabeth de Belgique (1978), le pianiste libano-français Abdel Rahman el-Bacha qui associera, avec la violoncelliste française, Astrig Siranossian, maîtrise technique et subtilité musicale dans une série d’œuvres de compositeurs libanais, en l’occurrence son père Toufic el-Bacha (1924-2005) et lui-même; égyptien, Mohamed Abdel Wahab (1902-1991); et européens. Finalement, l’Orchestre européen des jeunes musiciens, sous la direction ferme du chef d’orchestre italien Paolo Olmi, donnera, les 17 et 19 mars, deux concerts, l’un au théâtre Emile Bustani et l’autre au Centre culturel de Tyre. Au programme, des pièces d’Antonio Vivaldi (1678-1741), Niccolò Paganini (1782-1840) et Wolfgang Amadeus Mozart.
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