Dans les coulisses des nominations aux Oscars
Les polémiques attendues après les nominations aux Oscars n’ont pas tardé à fuser sur les réseaux sociaux. L’absence de réalisatrice nommée, et donc l’absence de femme, a provoqué de nombreuses critiques sous le hashtag #OscarsSoMale. L’Académie leur a préféré un casting entièrement masculin, incluant notamment l’incontournable Steven Spielberg (The Fabelmans) et le duo derrière la comédie déjantée Everything Everywhere All at Once, Daniel Kwan et Daniel Scheinert.

Absence de réalisatrices féminines, surprise dans la catégorie meilleure actrice, mention honorable pour le succès populaire indien RRR: voici les principaux enseignements des nominations aux Oscars, annoncées mardi et dominées par la comédie Everything Everywhere All at Once. Depuis 2015 et l’apparition du mot clé #OscarsSoWhite, la cérémonie est routinière des polémiques sur son manque de diversité. La polémique est loin d’être nouvelle dans cette catégorie. Jusqu’en 2021, Katryn Bigelow (The Hurt Locker) était la seule femme à avoir remporté une statuette pour sa réalisation. Mais ces deux dernières années, les Oscars avaient récompensé Chloe Zhao pour Nomadland et Jane Campion pour The Power of the Dog.

L’Académie a également choisi Ana de Armas pour son interprétation d’une Marilyn Monroe perpétuellement brutalisée dans Blonde, Michelle Williams, qui incarne la mère de Steven Spielberg dans The Fabelmans, et Andrea Riseborough pour To Leslie. L’actrice Andrea Riseborough a été l’une des nominations les plus inattendues. Elle incarne une mère de famille alcoolique, remplie de remords après avoir gagné à la loterie et dilapidé rapidement son magot.

Le film intimiste The Fabelmans de Steven Spielberg, largement inspiré par l’enfance du réalisateur, était un immense favori de ces nominations. La presse spécialisée s’attendait notamment à une nomination dans la catégorie meilleur second rôle pour Paul Dano, qui incarne le père de l’artiste, impuissant face au naufrage de son couple et inquiet de la lubie cinématographique de son fils. Mais l’Académie lui a préféré Judd Hirsch, qui apparaît à peine dix minutes dans le film. Sa prestation de grand-père maternel excentrique et acariâtre, qui encourage le jeune homme à suivre sa passion contre vents et marées, a marqué les esprits.

RRR nommé pour sa bande originale

Véritable carton en Inde et sur internet, le film d’action RRR n’avait pas été choisi par son pays pour le représenter dans la course aux Oscars. Mais face à son succès, certains à Hollywood envisageaient une possible nomination pour le prix du meilleur film. Le réalisateur d’Avatar, James Cameron, avait notamment loué le travail de son confrère indien S.S. Rajamouli, auteur d’un blockbuster où deux héros à la force phénoménale deviennent amis, avant de devoir s’affronter dans le New Delhi sous domination britannique des années 1920.

Au final, ce film à la musique entraînante a seulement été nominé dans la catégorie meilleure bande originale, pour la chanson Naatu Naatu du compositeur M. M. Keeravani. Cette catégorie est d’ailleurs remplie de stars, ce qui pourrait aider les audiences de la cérémonie des Oscars, à la peine depuis plusieurs années. Les reines de la pop Lady Gaga et Rihanna vont ainsi s’affronter pour la statuette de la meilleure bande originale. La première interprète la chanson Hold My Hand dans le deuxième volet de la saga Top Gun, tandis que la seconde chante le titre Lift Me Up dans le film de superhéros Black Panther: Wakanda Forever. Le musicien écossais David Byrne, cofondateur du groupe de new wave The Talking Heads, figure également dans cette catégorie, pour sa chanson This is Life, qui figure sur la bande originale d’Everything Everywhere All at Once.

Everything Everywhere All at Once mène la course

Le film Everything Everywhere All At Once a été nommé 11 fois aux Oscars et mène la course aux prestigieuses statuettes, avec une rude compétition pour celle du meilleur film de la part de la tragédicomédie irlandaise The Banshees of Inisherin et du très personnel The Fabelmans de Steven Spielberg. Cette comédie indépendante avait connu un beau succès en salles lors de sa sortie au printemps. Elle devance The Banshees of Inisherin et le long-métrage allemand  All Quiet on the Western Front nommés chacun dans neuf catégories.


L’Académie a également honoré les blockbusters Top Gun: Maverick et Avatar: The Way of Water, qui ont largement rempli les salles obscures, trop souvent délaissées depuis la pandémie. Ils sont tous deux nommés pour le prix du meilleur film. Ils devront faire face au biopic Elvis sur la légende du rock’n’roll, à The Fabelmans, Tár et la dernière Palme d’or cannoise Triangle of Sadness. Avec son scénario déjanté versant dans la science-fiction, Everything Everwhere All at Once raconte l’histoire d’une propriétaire de laverie épuisée par ses tracas administratifs, soudainement plongée dans des univers parallèles.

Outre l’Oscar du meilleur film, ses créateurs Daniel Kwan et Daniel Scheinert sont également nommés pour celui du meilleur réalisateur. Les autres personnages de ce long-métrage valent également une nomination pour la statuette du meilleur second rôle à leurs interprètes, l’acteur Ke Huy Quan et les comédiennes Jamie Lee Curtis et Stephanie Hsu.

Sa tête d’affiche, la Malaisienne Michelle Yeoh, a déjà remporté un Golden Globe début janvier. Elle est désormais la deuxième Asiatique dans l’histoire des Oscars à être nommée pour la statuette de la meilleure actrice, et son duel avec Cate Blanchett (Tàr) s’annonce très disputé. «Cela va bien au-delà de moi», a réagi Mme Yeoh auprès du magazine Variety. Selon elle, sa nomination résonne pour «tellement de gens qui ont aspiré à être perçus de cette manière, à se faire une place autour de la table».

Pour le prix du meilleur acteur, Colin Farrell a été nommé pour son rôle d’insulaire irlandais accablé par la rupture soudaine des liens avec son ami de toujours, dans The Banshees of Inisherin. Il affrontera notamment Austin Butler, plus vrai que nature dans son incarnation du mythe Elvis Presley, et Brendan Fraser, nommé pour son personnage de professeur obèse reclus chez lui dans The Whale.

Suspense à son comble

Entre narrations ambitieuses et grands succès populaires, le suspense est à son comble et les prédictions s’annoncent ardues. «Cette année est l’une des plus incertaines», résumait avant les annonces le journaliste spécialisé Clayton Davis, du magazine Variety. Il a confié à avoir parlé «plus que n’importe quelle année» à de nombreuses sources parmi les votants de l’Académie, pour sonder leur vote. «Et je n’en ai jamais su aussi peu de toute ma carrière!», a-t-il ajouté. Les pronostics sont rendus encore plus compliqués par l’inclusion récente de nouveaux membres d’origine étrangère au sein du collège des votants, à qui certains attribuent par exemple le succès d’un film.

Le long-métrage de James Cameron a dépassé la barre symbolique des 2 milliards de dollars au box-office le week-end dernier, et celui de Tom Cruise a rapporté environ 1,5 milliard de dollars. Selon M. Davis, Top Gun: Maverick pourrait «remporter le prix du meilleur film».

Avec AFP
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