Le succès du manga submerge la BD à Angoulême
Le succès du manga, matérialisé par des centaines de mètres de queue au Festival de la bande dessinée d’Angoulême (sud-ouest de la France) lors du week-end, est une valeur sûre pour cet événement culturel à l’économie fragile.

Après une édition 2021 annulée et une édition 2022 où la fréquentation a souffert du report à une date inhabituelle, la cité charentaise a peut-être renoué avec ses près de 200.000 visiteurs les meilleures années... grâce en partie au Japon. Il fallait s’armer de patience samedi pour entrer sous le chapiteau de Manga City, vaste chapiteau de plus de 3.000 m² dressé au bord des voies ferrées. La file d’attente s’étendait dans la matinée jusque dans une rue du quartier populaire de L’Houmeau.

Même chose près du centre-ville, avec une queue qui s’enroulait autour de l’Espace Franquin, pour l’exposition du mangaka Junji Ito, connu pour ses dessins d’horreur.

Quant à l’exposition consacrée à « L’Attaque des Titans », à la médiathèque près de la gare TGV, elle affiche complet depuis mi-janvier, malgré un billet d’entrée. Faire venir le dessinateur derrière ce best-seller, Hajime Isayama, a été une réussite éclatante du Festival international de la BD.

« Il ne se déplace que très peu en dehors du Japon. Il a fait en tout et pour tout deux expositions à Tokyo, dont une qui est allée à Singapour. Il était au New York Comic Con à l’automne. Et là à Angoulême », expliquait à la presse le directeur artistique chargé de la programmation Asie, Fausto Fausulo.

L’exposition montrait 170 planches originales de cet artiste qui travaille à l’ancienne, sur papier, entièrement en noir et blanc. « Je ne suis pas une rock star », a-t-il dit sur France Inter jeudi. Mais l’accueil qui lui a été réservé par les fans à l’occasion de sa conférence samedi matin au Théâtre d’Angoulême, devant 400 privilégiés, disait tout le contraire.

Dans un marché de la BD qui se porte relativement bien, le manga est une locomotive à la croissance vertigineuse. En dix ans, le volume du marché français du manga, deuxième au monde derrière le Japon, a été multiplié par quatre. Il a atteint 381 millions d’euros en valeur en 2022.


La ville d’Angoulême (42.000 habitants) mise gros sur cet engouement. Car le Festival est la vitrine de son « industrie culturelle et créative », qui représente 4.300 emplois, et près de 1.800 étudiants dans l’image, selon la Chambre de commerce et d’industrie de Charente.

Accolée à la structure éphémère qu’est Manga City, la halle Alligator 57 a ouvert ses portes pour cette 50e édition du Festival, dans un ancien hangar SNCF réhabilité. L’ambiance d’une grande ville asiatique y a été reconstituée, et le lieu doit rester ensuite ouvert en dehors de la courte période du Festival fin janvier, dédié aux cultures urbaines (skate, graff, parkour, hip-hop, etc.).

La ministre de la Culture Rima Abdul Malak, lors de sa visite à Angoulême jeudi, avait salué dans cette « extension » un « aménagement structurant pour l’avenir du Festival », dans lequel ont investi État et collectivités locales.

L’intérieur de Manga City est parsemé de stands d’éditeurs qui vendent de belles quantités de manga. S’y succédaient aussi les rencontres et ateliers, qui ont attiré un public de familles et de jeunes. Une table ronde samedi matin portait sur l’avenir en France du shojo, le manga destiné aux filles, lequel ne rencontre pas le succès fulgurant de son pendant pour les garçons, le shonen (43 % des ventes de BD en France en 2022 à lui seul).

Le potentiel inexploré du lectorat des adolescentes montre que le manga a encore de la marge pour croître. « Une grande frustration, c’est que le lectorat masculin ne va pas vers le shojo. Les lectrices achètent facilement du shonen, les lecteurs ne font pas l’inverse », expliquait Timothée Guédon, éditeur pour Kana.

AFP
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