L’épisode du ballon espion chinois a mis en exergue la nature très tendue des relations américano-chinoises, allant jusqu’à provoquer l’annulation de la visite du chef de la diplomatie américaine à Pékin. Washington misait justement sur le déplacement de Blinken pour apaiser les tensions avec la Chine.
Les relations américano-chinoises sont si tendues qu'elles peuvent dérailler à tout moment, comme l'a démontré l'épisode du ballon espion chinois, abattu samedi après avoir survolé plusieurs jours les Etats-Unis. Un évènement qui a fait capoter le déplacement très attendu du chef de la diplomatie américaine à Pékin.
Mais au-delà des remontrances, Washington s'efforce coûte que coûte de maintenir le dialogue avec son grand rival, plaidant une "gestion responsable" des relations avec Pékin.
Les Etats-Unis avaient beaucoup misé sur le déplacement ce week-end du secrétaire d'Etat américain censé aider à apaiser les tensions avec la Chine, dans le sillage de la rencontre en novembre à Bali entre le président Joe Biden et le dirigeant chinois Xi Jinping.
Les sujets de contentieux sont nombreux, de Taïwan aux droits humains, en passant par la domination chinoise dans le domaine des semi-conducteurs.
Il s'agissait pour les Américains de trouver des terrains d'entente avec les Chinois et de veiller à ce que la compétition entre les deux plus grandes puissances dans le monde "ne se transforme pas en conflit".
Le président américain Joe Biden à l'aéroport régional de Hagerstown, Maryland, le 4 février 2023, où il a félicité les pilotes de chasse pour avoir abattu le ballon espion chinois au large de la côte est. (Photo Andrew CABALLERO-REYNOLDS / AFP)
L'administration Biden mettait aussi en avant les possibilités de coopération, par exemple dans le domaine du climat, et se disait satisfaite du soutien limité de Pékin à la Russie dans la guerre en Ukraine.
Mais l'affront du ballon "espion", abattu samedi après avoir traversé les Etats-Unis d'ouest en est, a contraint M. Blinken à reporter son voyage, démontrant à quel point la voie du rapprochement avec Pékin est étroite et semée d'embûches, sous la pression de l'opposition républicaine prompte à dénoncer la "faiblesse" de l'administration Biden.
Tout en jugeant l'incident du ballon "inacceptable", M. Blinken a tenté de calmer le jeu en assurant que sa visite serait reprogrammée dès que "les conditions le permettront", et insistant sur la nécessité de garder "les lignes de communication ouvertes" avec Pékin.
Ce qui n'a pas empêché le secrétaire américain à la Défense, Lloyd Austin, de dénoncer samedi une "violation inacceptable" de la souveraineté américaine.
Le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken. Les tensions entre les États-Unis et la Chine se sont accrus ces derniers mois avec la situation de Taïwan (AFP)
Selon Jacob Stokes, du Center for a New American Security, "la question était de savoir si le changement de ton observé en Chine allait signifier que Pékin se comporterait différemment à travers le monde".
"Pour l'instant, la réponse a été non", dit-il. L'interrogation est désormais de savoir si l'incident du ballon ne risque pas de "reporter le processus" initié à Bali, voire d'y "mettre fin".
Dangereuse escalade ?
La fenêtre de tir pour ce rapprochement a toujours été serrée, et le mois de février paraissait idéal du côté américain comme chinois.
Il y aura des élections l'année prochaine aux Etats-Unis et à Taïwan, que la Chine revendique comme faisant partie intégrante de son territoire.
Le chef de la majorité républicaine à la Chambre des représentants, Kevin McCarthy, n'a pas caché sa volonté de se rendre à Taïwan, après le voyage de sa prédécesseur démocrate Nancy Pelosi en août dernier qui avait exacerbé les tensions avec Pékin.
Un haut responsable militaire américain, le général Mike Minihan, a même prévenu ses troupes dans un récent mémo de se préparer à la guerre après les élections à Taïwan en 2024.
Yun Sun, qui dirige le programme sur la Chine au Stimson Center, écarte l'idée qu'un opposant à de meilleures relations entre Pékin et Washington ait pu chercher à torpiller le déplacement de M. Blinken, en notant que Xi Jinping lui-même devait le recevoir.
Le ballon a été abattu samedi dans la journée par des avions de chasse américains (AFP)
Pékin s'est d'ailleurs fendu d'un rare acte de contrition en exprimant ses "regrets" pour l'incident.
"Les Chinois accordaient de l'importance à cette visite car ils veulent vraiment travailler avec les Américains afin d'améliorer la relation, d'autant plus que leur priorité c'est la reprise économique", dit-elle, en s'interrogeant du coup sur "leur prise de décision".
Reste à savoir si l'incident n'est pas le signe d'une dangereuse escalade de la part de la Chine.
Matthew Kroenig, ancien responsable du ministère de la Défense et chercheur au Atlantic Council, relève que de nombreuses armes nucléaires sont stockées dans des silos dans des endroits reculés de l'Ouest américain, que le ballon espion a justement survolé.
Le Pentagone a minimisé la capacité de collecte d'informations sensibles du ballon mais, selon l'analyste, la Chine n'aurait pas pris le risque d'envoyer l'engin sans en tirer un bénéfice.
Le Pentagone a déclaré que le ballon espion chinois semblait surveiller des sites d’armes nucléaires hautement sensibles (AFP)
"En fait, cela a donné la possibilité à la Chine de mieux cartographier les silos de missiles balistiques intercontinentaux américains en vue d'en faire des cibles futures, et de jauger la réponse américaine", selon lui.
"Ce qui témoigne d'une croyance effrontée à Pékin que le Parti communiste chinois peut violer l'espace aérien américain sans conséquences", ajoute-t-il.
Avec AFP
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