Les divisions judiciaires continuent de peser sur le CSM
Boycottée par le président du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), Souheil Abboud, la réunion à laquelle a convoqué le ministre sortant de la Justice, Henry Khoury, et qui devait porter sur l’explosion au port de Beyrouth, ne s’est pas tenue mardi, faute de quorum.

Le 24 janvier 2023, le procureur général près la Cour de cassation, Ghassan Oueidate, également membre du CSM, avait fait comprendre qu’il ne participera à une réunion de cette instance que si l’affaire de la déflagration du 4 août n’est pas l’unique point à l’ordre du jour. Aujourd’hui, il semble avoir oublié sa prise de position. Il a fait acte de présence mardi, aux côtés des juges Habib Mezher, Mireille Haddad et Elias Richa. Les juges Souheil Abboud, Afif el-Hakim et Dany Chebli se sont fait porter absents, démarche surprenante en ce qui concerne M. Chebli, qui lui, se positionne généralement dans les rangs des magistrats Mezher, Haddad et Richa, favorables à la nomination d’un juge suppléant au juge Bitar, en charge de l’instruction.

Se considérant tantôt écarté du dossier (s’étant volontairement récusé sur l’affaire, en raison de son lien de parenté avec une des personnalités poursuivies dans le cadre de l’enquête, l’ancien ministre Ghazi Zeaïter), tantôt impliqué dans l’affaire, M. Oueidate intervient en fonction de l’évolution du bras-de-fer entre Tarek Bitar et les personnalités politiques dont il a retenu la responsabilité administrative, dans le cadre de l’enquête. Le mercredi 25 janvier, il était revenu sur sa décision de récusation, après que le juge d’instruction s’est ressaisi de l’enquête la veille.

Rappelons que le 24 janvier, après un blocage qui a duré plus d’un an, la reprise de l’instruction a provoqué des remous au sein de la magistrature qui a laissé éclater au grand jour ses divisions internes par rapport à ce dossier. M. Bitar avait décidé que son dessaisissement en vertu des recours présentés contre lui par d’anciens ministres et députés, n’était pas valable, voire contraire aux textes de loi. Il s’était basé sur une jurisprudence d’un ancien président du CSM et de la Cour de justice, le juge Philippe Khairallah. Lui qui, pendant près de 14 mois, s’était soumis à la décision de dessaisissement, a provoqué une levée de boucliers politique et judiciaire dès qu’il a repris en main le dossier et annoncé qu’il ne se soustraira plus à sa mission.

Depuis, MM. Bitar et Oueidate se livrent une véritable bataille de compétence, s’efforçant chacun de marquer des points. Lundi, nouveau revirement dans l’affaire. Après avoir haussé le ton, deux semaines durant, le juge d’instruction a reporté toutes les audiences qu’il avait prévues entre le 6 et le 22 février pour la poursuite de ses interrogatoires dans le cadre de l’enquête qu’il mène, avançant le motif selon lequel il fait l’objet d’une plainte déposée contre lui par le procureur général pour usurpation de qualité. Il a affirmé ne pas vouloir y procéder, tant que le différend n’est pas réglé.


Henry Khoury attise le feu

Dans cette bataille, le ministre sortant de la Justice, Henry Khoury, a aussi eu un rôle, se positionnant ouvertement contre le juge d’instruction qu’il voudrait voir écarté.

Les initiatives de M. Khoury, qui cherche depuis des mois à pousser le CSM à nommer un juge suppléant à Tarek Bitar, sont jugées dans certains milieux judiciaires, contraires à la loi. Elles ne font pas l’unanimité, au moment où le magistrat Souheil Abboud œuvre tant bien que mal à apaiser les tensions, de sorte à permettre au juge d’instruction de mener à bien ses investigations.

Ce n’est pas la première fois que le ministre sortant de la Justice appelle à la tenue d’une réunion du CSM, ce que M. Abboud avait et continue de considérer comme contraire au principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs, bien que l’article 6 de la loi d’organisation des tribunaux judiciaires le permette au ministre.

Si les dissensions entre Henry Khoury et le président du CSM, Souheil Abboud, s’exacerbent, l’on voit mal comment celles qui opposent Tarek Bitar, et le procureur Ghassan Oueidate, vont s’atténuer.
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