©Sur les corps retrouvés après le naufrage, 26 ont été identifiés en France: 17 hommes et sept femmes âgés de 19 à 46 ans, un adolescent de 16 ans et une enfant de 7 ans. (Photo by Shwan MOHAMMED / AFP)
"Si je n'appelle pas, c'est que je serai en Angleterre", avait prévenu Chakar Ali dans son dernier appel avec sa famille. Son cercueil a atterri dimanche au Kurdistan d'Irak, avec 15 autres victimes de l'effroyable naufrage survenu fin novembre dans la Manche.
Sous la lumière blafarde d'un terminal à l'aéroport d'Erbil, des dizaines d'hommes, des femmes toutes de noir vêtues et des enfants ont attendu des heures pour récupérer la dépouille d'un proche.
Les corps sont finalement arrivés avant l'aube dans la capitale de la région autonome du nord de l'Irak, plus d'un mois après le naufrage. Le 24 novembre, au moins 27 personnes ont péri dans la Manche, sillonnée quotidiennement par des migrants tentant de rallier les côtes anglaises à bord de fragiles embarcations.
Parmi la foule à Erbil, certains se prennent dans les bras. Des femmes se lamentent et laissent libre cours à leurs pleurs. Une autre est venue avec des photos de famille qu'elle exhibe.
Assis, serrant sa cane contre sa poitrine, un vieil homme à la barbe blanche montre sur son portable une photo de son fils Afrasia, 24 ans seulement.
Les simples cercueils en bois ont été placés dans des ambulances qui transportent les dépouilles vers leur ville d'origine: Darbandikhan, Ranya, mais aussi Soran ou Qadrawa.
Le front posé contre une vitre, une femme sanglote. Assis dans un des véhicules, deux adolescents sont tout aussi émus. L'un d'eux a le visage posé contre le bois du cercueil pour un dernier adieu.
"Il a échoué"
A une centaine de kilomètres de là, dans une mosquée du centre de Ranya, plusieurs centaines de personnes saluent la mémoire des trois victimes du drame recensées dans la ville.
Les corps sont lavés selon la tradition musulmane. L'affluence est telle qu'on ouvre la grande salle de prière. Dans l'épais silence, les fidèles murmurent leur prière funéraire.
Parmi les victimes, Chakar Ali, 30 ans, parti de la maison depuis deux mois. La Turquie, la Grèce, puis l'Italie. Son périple méditerranéen prend fin en France.
"Il a tenté à sept reprises avec des amis la traversée vers la Grande-Bretagne", confie le frère aîné Chamal, qui lâche des réponses laconiques. "A chaque fois il a échoué."
Depuis trois ans, Chakar, diplômé en géologie pétrolière, cherchait un travail. "Il était au chômage jusqu'à son départ", poursuit le grand frère instituteur.
Il fustige le manque d'emplois et les politiques des autorités du Kurdistan. "A cause de ça, des centaines de familles ont perdu un enfant."
Au cimetière de Ranya, les hommes de la famille transportent sur leurs épaules les corps enveloppés dans un linceul. La foule compacte s'agglutine autour de la fosse où la dépouille est descendue.
Le cadet, Ramyar, se souvient de la dernière conversation avec son frère.
"Ils nous a dit +on a commencé la traversée. Si on vous appelle c'est que les gardes côtes nous ont arrêtés+", raconte le jeune homme de 20 ans.
"Si je n'appelle pas, c'est que je serai arrivé en Angleterre", poursuit-il.
"Mariée de la mer"
Prévu initialement vendredi, le rapatriement des 16 victimes irakiennes a été reporté à deux reprises.
Sur les corps retrouvés après le naufrage, 26 ont été identifiés en France: 17 hommes et sept femmes âgés de 19 à 46 ans, un adolescent de 16 ans et une enfant de 7 ans.
Parmi les victimes: un Kurde d'Iran, trois Ethiopiens, une Somalienne, quatre Afghans, un Egyptien, 16 Irakiens. Deux rescapés: un Kurde irakien et un Soudanais.
Des questions se posent sur les appels qu'auraient passés les migrants aux autorités françaises et anglaises quand leur embarcation de fortune a commencé à couler, selon le témoignage d'un rescapé.
La préfecture maritime de la Manche avait exclu que l'appel des migrants en difficulté n'ait pas été traité.
A l'aéroport d'Erbil, la famille de la jeune Baran a accroché à l'arrière de l'ambulance qui la ramène à Soran une bannière avec le portrait souriant de la jeune femme, accompagné des mots "La mariée de la mer".
Agée d'une vingtaine d'années, Maryam Nuri, "Baran" pour les intimes, a été la première victime du Kurdistan a être identifiée.
Elle voulait rejoindre son fiancé au Royaume-Uni pour "une vie meilleure", avait raconté son père à l'AFP après le drame.
Rien que cette semaine, trois naufrages ont eu lieu aux larges des îles grecques, faisant au moins 30 morts. Parmi les rescapés, des Syriens et des Egyptiens, mais aussi des Irakiens.
Par Shwan MOHAMMED (AFP)
Sous la lumière blafarde d'un terminal à l'aéroport d'Erbil, des dizaines d'hommes, des femmes toutes de noir vêtues et des enfants ont attendu des heures pour récupérer la dépouille d'un proche.
Les corps sont finalement arrivés avant l'aube dans la capitale de la région autonome du nord de l'Irak, plus d'un mois après le naufrage. Le 24 novembre, au moins 27 personnes ont péri dans la Manche, sillonnée quotidiennement par des migrants tentant de rallier les côtes anglaises à bord de fragiles embarcations.
Parmi la foule à Erbil, certains se prennent dans les bras. Des femmes se lamentent et laissent libre cours à leurs pleurs. Une autre est venue avec des photos de famille qu'elle exhibe.
Assis, serrant sa cane contre sa poitrine, un vieil homme à la barbe blanche montre sur son portable une photo de son fils Afrasia, 24 ans seulement.
Les simples cercueils en bois ont été placés dans des ambulances qui transportent les dépouilles vers leur ville d'origine: Darbandikhan, Ranya, mais aussi Soran ou Qadrawa.
Le front posé contre une vitre, une femme sanglote. Assis dans un des véhicules, deux adolescents sont tout aussi émus. L'un d'eux a le visage posé contre le bois du cercueil pour un dernier adieu.
"Il a échoué"
A une centaine de kilomètres de là, dans une mosquée du centre de Ranya, plusieurs centaines de personnes saluent la mémoire des trois victimes du drame recensées dans la ville.
Les corps sont lavés selon la tradition musulmane. L'affluence est telle qu'on ouvre la grande salle de prière. Dans l'épais silence, les fidèles murmurent leur prière funéraire.
Parmi les victimes, Chakar Ali, 30 ans, parti de la maison depuis deux mois. La Turquie, la Grèce, puis l'Italie. Son périple méditerranéen prend fin en France.
"Il a tenté à sept reprises avec des amis la traversée vers la Grande-Bretagne", confie le frère aîné Chamal, qui lâche des réponses laconiques. "A chaque fois il a échoué."
Depuis trois ans, Chakar, diplômé en géologie pétrolière, cherchait un travail. "Il était au chômage jusqu'à son départ", poursuit le grand frère instituteur.
Il fustige le manque d'emplois et les politiques des autorités du Kurdistan. "A cause de ça, des centaines de familles ont perdu un enfant."
Au cimetière de Ranya, les hommes de la famille transportent sur leurs épaules les corps enveloppés dans un linceul. La foule compacte s'agglutine autour de la fosse où la dépouille est descendue.
Le cadet, Ramyar, se souvient de la dernière conversation avec son frère.
"Ils nous a dit +on a commencé la traversée. Si on vous appelle c'est que les gardes côtes nous ont arrêtés+", raconte le jeune homme de 20 ans.
"Si je n'appelle pas, c'est que je serai arrivé en Angleterre", poursuit-il.
"Mariée de la mer"
Prévu initialement vendredi, le rapatriement des 16 victimes irakiennes a été reporté à deux reprises.
Sur les corps retrouvés après le naufrage, 26 ont été identifiés en France: 17 hommes et sept femmes âgés de 19 à 46 ans, un adolescent de 16 ans et une enfant de 7 ans.
Parmi les victimes: un Kurde d'Iran, trois Ethiopiens, une Somalienne, quatre Afghans, un Egyptien, 16 Irakiens. Deux rescapés: un Kurde irakien et un Soudanais.
Des questions se posent sur les appels qu'auraient passés les migrants aux autorités françaises et anglaises quand leur embarcation de fortune a commencé à couler, selon le témoignage d'un rescapé.
La préfecture maritime de la Manche avait exclu que l'appel des migrants en difficulté n'ait pas été traité.
A l'aéroport d'Erbil, la famille de la jeune Baran a accroché à l'arrière de l'ambulance qui la ramène à Soran une bannière avec le portrait souriant de la jeune femme, accompagné des mots "La mariée de la mer".
Agée d'une vingtaine d'années, Maryam Nuri, "Baran" pour les intimes, a été la première victime du Kurdistan a être identifiée.
Elle voulait rejoindre son fiancé au Royaume-Uni pour "une vie meilleure", avait raconté son père à l'AFP après le drame.
Rien que cette semaine, trois naufrages ont eu lieu aux larges des îles grecques, faisant au moins 30 morts. Parmi les rescapés, des Syriens et des Egyptiens, mais aussi des Irakiens.
Par Shwan MOHAMMED (AFP)
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