Longtemps protégée par l'ex-président de la République, Michel Aoun, qui a quitté ses fonctions en octobre dernier, la procureure générale près la cour d'appel du Mont-Liban, Ghada Aoun se croit désormais au-dessus des lois.
Ces dernières années, la procureure générale près la cour d’appel du Mont-Liban, Ghada Aoun, qui se présente comme l’icône d’une justice implacable contre la corruption, livre une croisade contre le gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé, et contre un certain nombre d’établissements financiers. Au nom de la moralisation de la vie publique libanaise, mais en fait sous l’influence de ses amis politiques!
Cette magistrate, qui est tout sauf indépendante, mène une instruction à charge pour le compte de commanditaires parfaitement identifiés: l’ex-président de la République, Michel Aoun, dont elle est une parente, son gendre, Gebran Bassil, qui rêve, mais sans espoir, d’un destin national, et enfin leurs alliés du Hezbollah, le mouvement pro-iranien avec qui les deux hommes ont conclu une alliance improbable. Les adversaires de cette recomposition politique se retrouvent dans le collimateur de la magistrate.
Dans ces conditions, l’institution judiciaire libanaise instrumentalisée connaît un climat malsain. De nombreuses voix s’élèvent désormais, y compris au sein de la hiérarchie judiciaire, pour recadrer Ghada Aoun qui, malgré la fin du mandat de son protecteur, Michel Aoun, poursuit des enquêtes dévastatrices pour l’image du Liban. Et, cela, avec le soutien depuis Paris, de quelques amis fidèles aux motivations troubles.
Ghada Aoun, une magistrate réputée brillante, sert les intérêts d’un des principaux clans qui se disputent le pouvoir au Liban
Longtemps protégée par l'ex-président de la République, Michel Aoun, qui a quitté ses fonctions en octobre dernier, Ghada Aoun se croit désormais au-dessus des lois. On découvre la procureure haranguant en direct sur les chaînes de télévision des militants politiques venus lui exprimer leur soutien! Ou encore s’exprimant sur les réseaux sociaux pour mettre en cause le gouverneur de la Banque du Liban ou d’autres chefs d’entreprise, sans tenir compte du devoir de réserve le plus élémentaire.
Le procureur général près la Cour de cassation, le juge Ghassan Oueidate, vient de sommer Ghada Aoun, le mardi 28 février, de cesser ces enquêtes à titre provisoire «tant qu’aucune décision n’aura été prise au sujet des recours présentés contre elle». Ce haut magistrat a publié une série de directives précisant les conditions dans lesquelles les réquisitions et autres perquisitions pouvaient être effectuées dans les banques libanaises. La démarche a été grandement saluée par le chef du gouvernement démissionnaire, Najib Mikati. «La mesure prise aujourd’hui par le procureur général Oueidate, a confié ce dernier à des proches, constitue une étape essentielle pour mettre fin aux vices judiciaires et à toute violation des textes en vigueur.»
Le bras armé judiciaire
Seulement voilà, Ghada Aoun refuse toujours de prendre connaissance de la moindre notification des recours qui sont présentés contre elle. Plus grave encore, la procureure reste toujours aussi sélective dans le choix de ses dossiers. Le Hezbollah dont les frasques financières sont de notoriété publique trouve toujours grâce à ses yeux. Que ce dernier mette en place un circuit bancaire échappant à tout contrôle étatique, et la procureure détourne le regard. Que la même formation se livre à un trafic de devises étrangères en direction de ses amis syriens, et la magistrate renonce à toute poursuite.
En revanche, une société de transport de devises qui opère en toute légalité et sous le contrôle des autorités bancaires américaines, devient soudain la cible de Madame la procureure qui lui reproche de transférer des dollars à l’étranger. La raison? Le propriétaire de la société de transfert de fonds appartient au camp souverainiste hostile au Hezbollah et à l’ancien président de la République, Michel Aoun.
Une magistrate protégée
«Dans le contexte actuel, Ghada Aoun n’est qu’un instrument partisan entre les mains de l’ex-président de la République, Michel Aoun, et de son camp politique, avec, pour fonction, de se livrer à des règlements de compte à caractère purement politicien, même au risque de saper l’autorité, le prestige, l’indépendance et même le bon fonctionnement de l’appareil judiciaire», confie à Mondafrique un journaliste et intellectuel libanais.
C’est ainsi que Michel Aoun, alors à la tête de l’État, avait gelé l’ensemble des permutations judiciaires mises au point par le Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Ce vaste mouvement de nominations prévoyait en effet le transfert dans d’autres fonctions, de Ghada Aoun, procureure du Mont-Liban, un poste sensible qui lui a permis de harceler un certain nombre de financiers ou autres personnalités hostiles au Courant patriotique libre (CPL) de l’ex-président Aoun et de son gendre. Toujours an nom d’une lutte exemplaire contre l’argent sale.
Le gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé, est présenté souvent comme l’artisan unique de la crise libanaise sans voir que cette campagne vise surtout à le pousser vers la sortie et à lui trouver un successeur
Le gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé, est présenté souvent comme l’artisan unique de la crise libanaise sans voir que cette campagne vise surtout à le pousser vers la sortie et à lui trouver un successeur.
L’acharnement contre le gouverneur
Le contentieux entre le gouverneur de la Banque du Liban et le Hezbollah ne date pas d’aujourd’hui. Le parti pro-iranien reproche à Riad Salamé d’avoir relayé les sanctions américaines contre des établissements qui se trouvaient sous son autorité. L’instruction de Ghada Aoun s’inscrit dans ce climat malsain, source d’une véritable cacophonie judiciaire.
On a assisté en outre à un très grave conflit entre deux services sécuritaires de l’État. Une unité de l’appareil de sécurité connu pour être proche du camp de l’ex-président de la République a été chargée d’exécuter le mandat d’amener à l’encontre du gouverneur avant d’être bloquée par une autre unité de police.
Cet imbroglio «à la libanaise» a poussé certains milieux politiques à stigmatiser le comportement de Ghada Aoun. Une procureure qui se rebelle contre ses supérieurs, prend fait et cause pour une faction politique et harangue publiquement des partisans, ne peut plus assumer ses fonctions.
Au-delà, la réputation de la Banque du Liban (BDL), victime de la vindicte de Ghada Aoun, mériterait pourtant d’être préservée pour trois raisons au moins: une expertise essentielle dans les secousses que traverse le pays; une crédibilité chez les partenaires américains du Liban qui reste décisive dans un pays «dollarisé»; et une capacité enfin à mobiliser les milieux financiers libanais qui, au-delà des dérapages de quelques brebis galeuses, est le dernier rempart avant une faillite totale.
Un certain sens de l’État ont conduit le Premier ministre démissionnaire, Najib Mikati, et le président du Parlement, Nabih Berry, bien qu’allié du Hezbollah, à évoquer l’idée d’une possible reconduction de Riad Salamé. «On ne change pas de soldat en plein milieu de la guerre», a déclaré le Premier ministre sortant. «Nous avons besoin de chaque personne», a renchéri le président de la Chambre, début 2022, alors que les soutiens intérieurs et extérieurs de Riad Salamé semblaient s’effriter.
«La séparation des pouvoirs», vraiment?
Lorsqu’un mémorandum est publié par le chef du gouvernement démissionnaire, Najib Mikati, qui vise à freiner les abus commis par Ghada Aoun à l’encontre des banques, la sénatrice française, Nathalie Goulet, répond dans la foulée par un tweet sur son compte Twitter: «Chère Ghada Aoun cette violation de la séparation des pouvoirs est totalement inacceptable. Dites-moi si je peux aider?» #Liban #Corruption
Ce n’est pas une première. «Merci à Mme Ghada Aoun pour son courage. Nous devons la soutenir. Tant que les corrompus responsables de l’effondrement du Liban n’auront pas été jugés, le redressement du pays sera compromis», estimait, dans un Tweet, le sénateur français Joel Guerriau qui, lui aussi, vantait le comportement supposé exemplaire de Ghada Aoun.
À ce stade, il est important de rappeler l’historique de la relation qu’entretiennent la procureure générale du Mont-Liban, Ghada Aoun, et la sénatrice française, Nathalie Goulet.
C’est le 4 avril 2022, que ces «liaisons dangereuses» ont publiquement débuté. Le colloque qui s’était tenu, dans une annexe du Sénat français, avait réuni une étrange brochette de personnalités pour réfléchir à «l’indemnisation des victimes de la corruption et des conflits armés». Autant de causes louables qui ont permis à cette noble assemblée de défendre les victimes ukrainiennes de l’armée russe et les petits épargnants du Liban.
Sauf que les têtes d’affiche de cette réunion improbable étaient animées par beaucoup d’arrières pensées: la procureure libanaise, Ghada Aoun, instrument judiciaire de l’ex-présidence libanaise; un mystérieux richissime homme d’affaires libanais et candidat aux futures élections législatives, Omar Harfouche; la sénatrice française de l’Orne et membre de l’Union centriste, Nathalie Goulet, dont le nom est apparu dans plusieurs dossiers sensibles de financement politique (Qatar, Azerbaidjan); et enfin un avocat français médiatique, William Bourdon, connu pour le dossier emblématique des «biens mal acquis» au Gabon, au Congo et en Guinée équatoriale, et qui est à l’origine des plaintes contre Riad Salamé, via son association «Sherpa».
En eaux troubles
Le chef d’orchestre de cette «docte» assemblée n’était autre qu’Omar Harfouche, ancien candidat de téléréalité, homme d’affaires, candidat sévèrement battu dans la ville de Tripoli aux élections législatives de mai 2022. C’est grâce à cet électron libre qui rêve d’être Premier ministre que s’est nouée la complicité entre Ghada Aoun et Natahlie Goulet. Ghada Aoun serait-elle l’une des seules à ignorer le parcours troublant de Omar Harfouche? Sur ce plan, l’enquête menée par l’équipe de l’émission Capital de M6, de juillet 2006, est particulièrement significative. Il en ressort que malgré tous leurs efforts, l’équipe de la chaîne française n’avait pas réussi à cerner l’origine réelle de la fortune de Omar Harfouche, qualifié de «dandy libanais» et de «playboy millionnaire», qui se vantait dans l’émission d’assurer le voyage de charmantes mannequins en Ukraine.
Autre témoin de moralité de Ghada Aoun, le «Monsieur anti-corruption» français qu’est William Bourdon devait-il participer à un tel colloque? Sans doute pas! Cet avocat des causes humanitaires devait-il rencontrer ainsi la procureure libanaise qui instruit à Beyrouth le dossier du gouverneur de la Banque du Liban, alors qu’il est à l’origine des plaintes déposées à Paris? Certainement pas! Ce fin connaisseur des relations internationales qui a tant œuvré contre les dérives des potentats africains, pouvait-il ignorer les réseaux à l’œuvre derrière Ghada Aoun? On ne le pense pas.
Par boulimie sans doute, cet avocat honorablement connu, négocie des projets avec des apporteurs d’affaires peu scrupuleux. C’est ainsi que durant l’été 2020, William Bourdon rencontre un homme de l’ombre lié aux réseaux de Nicolas Sarkozy, un certain Noel Dubus, qui est apparu récemment dans une extravagante tentative de retournement de l’intermédiaire Ziad Takkedine, un des principaux témoins dans le dossier d’un possible financement libyen de l’ancien président français. La lettre confidentielle «Africa Intelligence», fort bien informée, a raconté comment Noel Dubus était venu proposer à maître Bourdon un contrat juteux, dont il avait accepté le principe, du moins avant de réaliser qu’on cherchait à le piéger.
Que certains financiers libanais soient coupables de malversations financières, c’est plus que probable. Encore faut-il le prouver devant les tribunaux avant de mener des campagnes de presse malveillantes. Cette image négative du Liban, relayée à Paris par quelques seconds couteaux et une presse suiviste, ne peut que renforcer la terrible crise financière et sociale que connaît le pays du Cèdre.
Ces dernières années, la procureure générale près la cour d’appel du Mont-Liban, Ghada Aoun, qui se présente comme l’icône d’une justice implacable contre la corruption, livre une croisade contre le gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé, et contre un certain nombre d’établissements financiers. Au nom de la moralisation de la vie publique libanaise, mais en fait sous l’influence de ses amis politiques!
Cette magistrate, qui est tout sauf indépendante, mène une instruction à charge pour le compte de commanditaires parfaitement identifiés: l’ex-président de la République, Michel Aoun, dont elle est une parente, son gendre, Gebran Bassil, qui rêve, mais sans espoir, d’un destin national, et enfin leurs alliés du Hezbollah, le mouvement pro-iranien avec qui les deux hommes ont conclu une alliance improbable. Les adversaires de cette recomposition politique se retrouvent dans le collimateur de la magistrate.
Dans ces conditions, l’institution judiciaire libanaise instrumentalisée connaît un climat malsain. De nombreuses voix s’élèvent désormais, y compris au sein de la hiérarchie judiciaire, pour recadrer Ghada Aoun qui, malgré la fin du mandat de son protecteur, Michel Aoun, poursuit des enquêtes dévastatrices pour l’image du Liban. Et, cela, avec le soutien depuis Paris, de quelques amis fidèles aux motivations troubles.
Ghada Aoun, une magistrate réputée brillante, sert les intérêts d’un des principaux clans qui se disputent le pouvoir au Liban
Longtemps protégée par l'ex-président de la République, Michel Aoun, qui a quitté ses fonctions en octobre dernier, Ghada Aoun se croit désormais au-dessus des lois. On découvre la procureure haranguant en direct sur les chaînes de télévision des militants politiques venus lui exprimer leur soutien! Ou encore s’exprimant sur les réseaux sociaux pour mettre en cause le gouverneur de la Banque du Liban ou d’autres chefs d’entreprise, sans tenir compte du devoir de réserve le plus élémentaire.
Le procureur général près la Cour de cassation, le juge Ghassan Oueidate, vient de sommer Ghada Aoun, le mardi 28 février, de cesser ces enquêtes à titre provisoire «tant qu’aucune décision n’aura été prise au sujet des recours présentés contre elle». Ce haut magistrat a publié une série de directives précisant les conditions dans lesquelles les réquisitions et autres perquisitions pouvaient être effectuées dans les banques libanaises. La démarche a été grandement saluée par le chef du gouvernement démissionnaire, Najib Mikati. «La mesure prise aujourd’hui par le procureur général Oueidate, a confié ce dernier à des proches, constitue une étape essentielle pour mettre fin aux vices judiciaires et à toute violation des textes en vigueur.»
Le bras armé judiciaire
Seulement voilà, Ghada Aoun refuse toujours de prendre connaissance de la moindre notification des recours qui sont présentés contre elle. Plus grave encore, la procureure reste toujours aussi sélective dans le choix de ses dossiers. Le Hezbollah dont les frasques financières sont de notoriété publique trouve toujours grâce à ses yeux. Que ce dernier mette en place un circuit bancaire échappant à tout contrôle étatique, et la procureure détourne le regard. Que la même formation se livre à un trafic de devises étrangères en direction de ses amis syriens, et la magistrate renonce à toute poursuite.
En revanche, une société de transport de devises qui opère en toute légalité et sous le contrôle des autorités bancaires américaines, devient soudain la cible de Madame la procureure qui lui reproche de transférer des dollars à l’étranger. La raison? Le propriétaire de la société de transfert de fonds appartient au camp souverainiste hostile au Hezbollah et à l’ancien président de la République, Michel Aoun.
Une magistrate protégée
«Dans le contexte actuel, Ghada Aoun n’est qu’un instrument partisan entre les mains de l’ex-président de la République, Michel Aoun, et de son camp politique, avec, pour fonction, de se livrer à des règlements de compte à caractère purement politicien, même au risque de saper l’autorité, le prestige, l’indépendance et même le bon fonctionnement de l’appareil judiciaire», confie à Mondafrique un journaliste et intellectuel libanais.
C’est ainsi que Michel Aoun, alors à la tête de l’État, avait gelé l’ensemble des permutations judiciaires mises au point par le Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Ce vaste mouvement de nominations prévoyait en effet le transfert dans d’autres fonctions, de Ghada Aoun, procureure du Mont-Liban, un poste sensible qui lui a permis de harceler un certain nombre de financiers ou autres personnalités hostiles au Courant patriotique libre (CPL) de l’ex-président Aoun et de son gendre. Toujours an nom d’une lutte exemplaire contre l’argent sale.
Le gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé, est présenté souvent comme l’artisan unique de la crise libanaise sans voir que cette campagne vise surtout à le pousser vers la sortie et à lui trouver un successeur
Le gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé, est présenté souvent comme l’artisan unique de la crise libanaise sans voir que cette campagne vise surtout à le pousser vers la sortie et à lui trouver un successeur.
L’acharnement contre le gouverneur
Le contentieux entre le gouverneur de la Banque du Liban et le Hezbollah ne date pas d’aujourd’hui. Le parti pro-iranien reproche à Riad Salamé d’avoir relayé les sanctions américaines contre des établissements qui se trouvaient sous son autorité. L’instruction de Ghada Aoun s’inscrit dans ce climat malsain, source d’une véritable cacophonie judiciaire.
On a assisté en outre à un très grave conflit entre deux services sécuritaires de l’État. Une unité de l’appareil de sécurité connu pour être proche du camp de l’ex-président de la République a été chargée d’exécuter le mandat d’amener à l’encontre du gouverneur avant d’être bloquée par une autre unité de police.
Cet imbroglio «à la libanaise» a poussé certains milieux politiques à stigmatiser le comportement de Ghada Aoun. Une procureure qui se rebelle contre ses supérieurs, prend fait et cause pour une faction politique et harangue publiquement des partisans, ne peut plus assumer ses fonctions.
Au-delà, la réputation de la Banque du Liban (BDL), victime de la vindicte de Ghada Aoun, mériterait pourtant d’être préservée pour trois raisons au moins: une expertise essentielle dans les secousses que traverse le pays; une crédibilité chez les partenaires américains du Liban qui reste décisive dans un pays «dollarisé»; et une capacité enfin à mobiliser les milieux financiers libanais qui, au-delà des dérapages de quelques brebis galeuses, est le dernier rempart avant une faillite totale.
Un certain sens de l’État ont conduit le Premier ministre démissionnaire, Najib Mikati, et le président du Parlement, Nabih Berry, bien qu’allié du Hezbollah, à évoquer l’idée d’une possible reconduction de Riad Salamé. «On ne change pas de soldat en plein milieu de la guerre», a déclaré le Premier ministre sortant. «Nous avons besoin de chaque personne», a renchéri le président de la Chambre, début 2022, alors que les soutiens intérieurs et extérieurs de Riad Salamé semblaient s’effriter.
«La séparation des pouvoirs», vraiment?
Lorsqu’un mémorandum est publié par le chef du gouvernement démissionnaire, Najib Mikati, qui vise à freiner les abus commis par Ghada Aoun à l’encontre des banques, la sénatrice française, Nathalie Goulet, répond dans la foulée par un tweet sur son compte Twitter: «Chère Ghada Aoun cette violation de la séparation des pouvoirs est totalement inacceptable. Dites-moi si je peux aider?» #Liban #Corruption
Ce n’est pas une première. «Merci à Mme Ghada Aoun pour son courage. Nous devons la soutenir. Tant que les corrompus responsables de l’effondrement du Liban n’auront pas été jugés, le redressement du pays sera compromis», estimait, dans un Tweet, le sénateur français Joel Guerriau qui, lui aussi, vantait le comportement supposé exemplaire de Ghada Aoun.
À ce stade, il est important de rappeler l’historique de la relation qu’entretiennent la procureure générale du Mont-Liban, Ghada Aoun, et la sénatrice française, Nathalie Goulet.
C’est le 4 avril 2022, que ces «liaisons dangereuses» ont publiquement débuté. Le colloque qui s’était tenu, dans une annexe du Sénat français, avait réuni une étrange brochette de personnalités pour réfléchir à «l’indemnisation des victimes de la corruption et des conflits armés». Autant de causes louables qui ont permis à cette noble assemblée de défendre les victimes ukrainiennes de l’armée russe et les petits épargnants du Liban.
Sauf que les têtes d’affiche de cette réunion improbable étaient animées par beaucoup d’arrières pensées: la procureure libanaise, Ghada Aoun, instrument judiciaire de l’ex-présidence libanaise; un mystérieux richissime homme d’affaires libanais et candidat aux futures élections législatives, Omar Harfouche; la sénatrice française de l’Orne et membre de l’Union centriste, Nathalie Goulet, dont le nom est apparu dans plusieurs dossiers sensibles de financement politique (Qatar, Azerbaidjan); et enfin un avocat français médiatique, William Bourdon, connu pour le dossier emblématique des «biens mal acquis» au Gabon, au Congo et en Guinée équatoriale, et qui est à l’origine des plaintes contre Riad Salamé, via son association «Sherpa».
En eaux troubles
Le chef d’orchestre de cette «docte» assemblée n’était autre qu’Omar Harfouche, ancien candidat de téléréalité, homme d’affaires, candidat sévèrement battu dans la ville de Tripoli aux élections législatives de mai 2022. C’est grâce à cet électron libre qui rêve d’être Premier ministre que s’est nouée la complicité entre Ghada Aoun et Natahlie Goulet. Ghada Aoun serait-elle l’une des seules à ignorer le parcours troublant de Omar Harfouche? Sur ce plan, l’enquête menée par l’équipe de l’émission Capital de M6, de juillet 2006, est particulièrement significative. Il en ressort que malgré tous leurs efforts, l’équipe de la chaîne française n’avait pas réussi à cerner l’origine réelle de la fortune de Omar Harfouche, qualifié de «dandy libanais» et de «playboy millionnaire», qui se vantait dans l’émission d’assurer le voyage de charmantes mannequins en Ukraine.
Autre témoin de moralité de Ghada Aoun, le «Monsieur anti-corruption» français qu’est William Bourdon devait-il participer à un tel colloque? Sans doute pas! Cet avocat des causes humanitaires devait-il rencontrer ainsi la procureure libanaise qui instruit à Beyrouth le dossier du gouverneur de la Banque du Liban, alors qu’il est à l’origine des plaintes déposées à Paris? Certainement pas! Ce fin connaisseur des relations internationales qui a tant œuvré contre les dérives des potentats africains, pouvait-il ignorer les réseaux à l’œuvre derrière Ghada Aoun? On ne le pense pas.
Par boulimie sans doute, cet avocat honorablement connu, négocie des projets avec des apporteurs d’affaires peu scrupuleux. C’est ainsi que durant l’été 2020, William Bourdon rencontre un homme de l’ombre lié aux réseaux de Nicolas Sarkozy, un certain Noel Dubus, qui est apparu récemment dans une extravagante tentative de retournement de l’intermédiaire Ziad Takkedine, un des principaux témoins dans le dossier d’un possible financement libyen de l’ancien président français. La lettre confidentielle «Africa Intelligence», fort bien informée, a raconté comment Noel Dubus était venu proposer à maître Bourdon un contrat juteux, dont il avait accepté le principe, du moins avant de réaliser qu’on cherchait à le piéger.
Que certains financiers libanais soient coupables de malversations financières, c’est plus que probable. Encore faut-il le prouver devant les tribunaux avant de mener des campagnes de presse malveillantes. Cette image négative du Liban, relayée à Paris par quelques seconds couteaux et une presse suiviste, ne peut que renforcer la terrible crise financière et sociale que connaît le pays du Cèdre.
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