Un samedi par mois, à 15h, Antoine Boulad donne rendez-vous à des étudiants afin de découvrir un endroit insoupçonné de Beyrouth, suivi d’un temps d’écriture poétique sur cet endroit. Nul besoin d'avoir un niveau confirmé pour participer à cet atelier: l’objectif est de partager des émotions en suscitant sa créativité en langue française.
Le projet est mené par l'association Assabil qui vise à développer la lecture publique au Liban et, parallèlement, à encourager l’écriture via des ateliers. Antoine Boulad est un Libanais aux multiples casquettes: enseignant au Collège international dans les années 80, cofondateur des associations Assabil et Kitabat et enfin, poète. Parmi ses ouvrages: Le Passeur, Les Brindilles de la mémoire, Rue de Damas, La Poésie et À nu(e).
Accompagné par l’auteur, le groupe de jeunes se retrouve pour visiter un des lieux parmi la liste proposée: le mur surréaliste de Zokak el-Blat, l'arbre du cimetière de Bachoura, le quartier syriaque de la rue de Damas, la gare de Mar Mikhael, les escaliers d'Achrafieh, la plaque commémorative de la résistance à Zarif ou encore le souk des antiquaires de Basta. Des lieux devant lesquels les étudiants passent tous les jours, sans prendre le temps de regarder.
Teresa, étudiante en Lettres françaises de l’Université Saint-Joseph de Beyrouth, choisit la citation d’André Gide pour illustrer son impression sur les itinéraires: «Que ta vision soit à chaque instant nouvelle.» «Après des années d’aller-retour sur cette rue que j’avais retenue, ce samedi-là fut pour moi l’occasion de porter un regard neuf sur un décor quotidien. C’est ce sentiment verlainien que je cherche à retrouver dans les itinéraires, que [ma] vision soit nouvelle à chaque instant», déclare-t-elle. Pour Christopher, l'intérêt des itinéraires réside dans «la découverte, les échanges d’idées et la rencontre de personnes d’horizons différents».
Pour la première visite, l’arbre du cimetière sunnite de Bachoura est le sujet des écrits. Ses racines débordent du mur et se présentent aux passants de manière symétrique. L'énergie du groupe permet de creuser les réflexions naissantes et invite les apprentis poètes à percevoir ce que l’on ne peut voir. Le processus créatif est lancé: les étudiants choisissent la tonalité de leur texte sur le chemin qui mène à la bibliothèque publique de Bachoura.
Lors du rendez-vous suivant, de nouveaux participants rejoignent le parcours jusqu’au «quartier syriaque». Autrefois habité par des réfugiés arméniens de Turquie, le bidonville enclavé entre deux cimetières de la rue de Damas a gardé ce nom depuis cette période.
Cet itinéraire, ponctué d'anecdotes historiques et amusantes, invite tout d’abord à poser un regard différent sur la rue de Damas. Le groupe replonge dans la capitale libanaise des années 70: la scission de la rue de Damas, les tramways beyrouthins et les immeubles abîmés prennent vie dans les imaginaires avec les mots du poète. Les personnages aux allures quasiment fictives que sont «la dame folle» et «le vieillard généreux» accompagnent eux aussi la promenade.
Loin des objectifs que l’on pourrait qualifier de «voyeuristes», Antoine Boulad est le guide du bidonville où il a passé la plupart de son enfance, à jouer avec ses amis. Pour ne pas déranger, le groupe se faufile silencieusement entre les maisons et installations du lieu de vie. Une habitante du quartier brise ce silence: «Cherchez-vous quelqu’un?» Cette rencontre marquante est le point de départ de la consigne d’écriture: il s’agit de se mettre à la place de cette femme le temps d’un poème ou dans la tête d’un petit garçon rêveur et habitant du quartier syriaque.
«Lorsque nous y sommes entrés, j’ai découvert cette ruelle, baptisée 'Quartier syriaque'. Celle-ci est porteuse de souvenirs, de souvenirs et de vie, ou plutôt de survie. Entre les murs, les hommes et les murmures. C’est ce que j’écrirai sur ma page blanche pour décrire cet espace», complète Teresa.
Le trajet jusqu’à la bibliothèque Monnot est un temps d'échange et de partage des émotions, qui sont décuplées par l’effet du groupe. Issus de différentes filières: médecine, lettres ou sciences politiques, tous les étudiants s’adonnent rapidement à l’écriture. Après une petite heure, ceux qui le souhaitent partagent poèmes en prose ou en vers croisés avec l'ensemble du groupe: ressentis et conseils sont les bienvenus!
Si vous souhaitez participer au prochain itinéraire littéraire et d’écriture, inscrivez-vous et/ou renseignez-vous en appelant le +961 76 75 86 17.
Lise Picquette
Cet article a été originalement publié sur le site de l'Agenda culturel.
Le projet est mené par l'association Assabil qui vise à développer la lecture publique au Liban et, parallèlement, à encourager l’écriture via des ateliers. Antoine Boulad est un Libanais aux multiples casquettes: enseignant au Collège international dans les années 80, cofondateur des associations Assabil et Kitabat et enfin, poète. Parmi ses ouvrages: Le Passeur, Les Brindilles de la mémoire, Rue de Damas, La Poésie et À nu(e).
Accompagné par l’auteur, le groupe de jeunes se retrouve pour visiter un des lieux parmi la liste proposée: le mur surréaliste de Zokak el-Blat, l'arbre du cimetière de Bachoura, le quartier syriaque de la rue de Damas, la gare de Mar Mikhael, les escaliers d'Achrafieh, la plaque commémorative de la résistance à Zarif ou encore le souk des antiquaires de Basta. Des lieux devant lesquels les étudiants passent tous les jours, sans prendre le temps de regarder.
Teresa, étudiante en Lettres françaises de l’Université Saint-Joseph de Beyrouth, choisit la citation d’André Gide pour illustrer son impression sur les itinéraires: «Que ta vision soit à chaque instant nouvelle.» «Après des années d’aller-retour sur cette rue que j’avais retenue, ce samedi-là fut pour moi l’occasion de porter un regard neuf sur un décor quotidien. C’est ce sentiment verlainien que je cherche à retrouver dans les itinéraires, que [ma] vision soit nouvelle à chaque instant», déclare-t-elle. Pour Christopher, l'intérêt des itinéraires réside dans «la découverte, les échanges d’idées et la rencontre de personnes d’horizons différents».
Pour la première visite, l’arbre du cimetière sunnite de Bachoura est le sujet des écrits. Ses racines débordent du mur et se présentent aux passants de manière symétrique. L'énergie du groupe permet de creuser les réflexions naissantes et invite les apprentis poètes à percevoir ce que l’on ne peut voir. Le processus créatif est lancé: les étudiants choisissent la tonalité de leur texte sur le chemin qui mène à la bibliothèque publique de Bachoura.
Lors du rendez-vous suivant, de nouveaux participants rejoignent le parcours jusqu’au «quartier syriaque». Autrefois habité par des réfugiés arméniens de Turquie, le bidonville enclavé entre deux cimetières de la rue de Damas a gardé ce nom depuis cette période.
Cet itinéraire, ponctué d'anecdotes historiques et amusantes, invite tout d’abord à poser un regard différent sur la rue de Damas. Le groupe replonge dans la capitale libanaise des années 70: la scission de la rue de Damas, les tramways beyrouthins et les immeubles abîmés prennent vie dans les imaginaires avec les mots du poète. Les personnages aux allures quasiment fictives que sont «la dame folle» et «le vieillard généreux» accompagnent eux aussi la promenade.
Loin des objectifs que l’on pourrait qualifier de «voyeuristes», Antoine Boulad est le guide du bidonville où il a passé la plupart de son enfance, à jouer avec ses amis. Pour ne pas déranger, le groupe se faufile silencieusement entre les maisons et installations du lieu de vie. Une habitante du quartier brise ce silence: «Cherchez-vous quelqu’un?» Cette rencontre marquante est le point de départ de la consigne d’écriture: il s’agit de se mettre à la place de cette femme le temps d’un poème ou dans la tête d’un petit garçon rêveur et habitant du quartier syriaque.
«Lorsque nous y sommes entrés, j’ai découvert cette ruelle, baptisée 'Quartier syriaque'. Celle-ci est porteuse de souvenirs, de souvenirs et de vie, ou plutôt de survie. Entre les murs, les hommes et les murmures. C’est ce que j’écrirai sur ma page blanche pour décrire cet espace», complète Teresa.
Le trajet jusqu’à la bibliothèque Monnot est un temps d'échange et de partage des émotions, qui sont décuplées par l’effet du groupe. Issus de différentes filières: médecine, lettres ou sciences politiques, tous les étudiants s’adonnent rapidement à l’écriture. Après une petite heure, ceux qui le souhaitent partagent poèmes en prose ou en vers croisés avec l'ensemble du groupe: ressentis et conseils sont les bienvenus!
Si vous souhaitez participer au prochain itinéraire littéraire et d’écriture, inscrivez-vous et/ou renseignez-vous en appelant le +961 76 75 86 17.
Lise Picquette
Cet article a été originalement publié sur le site de l'Agenda culturel.
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