La Maison du citron à Menton
C’est au cœur de la Maison du citron à Menton que la Libanaise Vanessa Zeenni a, depuis une trentaine d’années, pris racine. Dans ce jardin à flanc de montagne et surplombant la mer, planté d’agrumes, de cactées et de fleurs de toutes les couleurs, on respire à longueur de journées les senteurs des fruits mêlés aux embruns. L’histoire de Vanessa est intimement liée à celle de la famille Gannac qui a rendu ses lettres de noblesse au citron de Menton.



La culture du citron de Menton remonte  au XVe siècle où chaque région était reconnue pour sa spécialité. Le citron de Menton se distingue des autres variétés par un goût plus sucré, des arômes plus intenses, une acidité modérée et une excellente conservation. Il est en essor au XVIIIe siècle quand d’innombrables caisses de citrons voyagent dans le monde jusqu’en Russie ou aux États-Unis. Seulement, l’absence de port à Menton signe le déclin de sa culture au XIXe siècle. Puis, arrive le gel de 1956 qui met fin à la culture du citron mentonnais. Mais trente ans plus tard, voilà que le citron de Menton renaît et revient sur le devant de la scène grâce à la passion et à l’engagement de Laurent Gannac, un jeune agronome originaire du Lot, et à ses côtés Vanessa Zeenni qui raconte son parcours singulier:

«La guerre du Liban m’a propulsée sur la Côte d’Azur quand j’avais 16 ans. J’ai rencontré Laurent en 1988 alors qu’il faisait des études d’agronomie, horticulture et paysage à Antibes. En 1991, à la naissance d’Adrien, Laurent a décidé de s’installer à Menton pour y planter des citronniers. Il a acheté à fonds perdus un terrain sur les hauteurs, puis d’autres parcelles qu’il a aménagées en restanques.» Vanessa soutient son compagnon et s’investit dans ce projet tout en sachant qu’il faut attendre entre trois et quatre ans après avoir planté un arbre pour qu’il produise ses premiers fruits. «J’arrosais six heures par jour. Mais avec deux enfants, ce n’était pas facile. Il fallait trouver d’autres sources de revenus», raconte-t-elle.



Combative et pleine de ressources, la jeune femme décide, pour garantir un deuxième salaire, de travailler dans l’hôtellerie où elle est vite embauchée parce qu’elle est polyglotte: «J’ai été concierge Clefs d’or au Colombus hôtel de Monaco où descendaient les pilotes de Formule 1 et les tennismen. Plus tard, j’ai suivi une formation de directrice d’hôtel avant d’ouvrir mon propre hôtel que j’ai fini par fermer pendant le Covid.» Parallèlement à son travail, Vanessa réalise sa passion qu’est la danse: «J’ai ouvert une salle de danse à Menton où je donnais des cours de danse orientale. C’est grâce à la diaspora libanaise que j’ai pu produire des spectacles de danse dont certains pour l’Association franco-libanaise.»

De son côté, Laurent Gannac travaille d’arrache-pied et, petit à petit, développe la Maison du citron qui deviendra plus tard la Maison Gannac. Repéré par un producteur, il anime la chronique de l’émission Côté jardin sur France 3 et s’engage aux côtés de l’Association pour la promotion du citron de Menton afin d’obtenir l’IGP (Indication géographique protégée) du fruit d’or. L’histoire de la maison c’est aussi celle de la transmission familiale. La transmission d’une passion infinie pour la terre, les arbres, la nature. Adrien a appris à cultiver et à récolter les agrumes en accompagnant son père dans l’exploitation. Vanessa raconte non sans fierté: «Adrien a fait des études commerciales IPAG à Nice puis a obtenu un diplôme agricole au lycée horticole d’Antibes. Il a rejoint son père en 2015. Très vite, il a activé de nouveaux leviers de développement et de valorisation du domaine. Il a obtenu le label IGP, ouvert un laboratoire, des bureaux et un pôle logistique où travaillent sa cousine et trente salariés.»




Aujourd’hui, la Maison Gannac possède plusieurs plantations qui regroupent 710 arbres en production pour le fruit. Vanessa explique: « On compte par arbre et non en termes d’hectares car les terrains sont dispatchés dans tout Menton. Il y a plus de 20 variétés d’agrumes certifiés AB: citrons de Menton, citrons verts, citrons orangés ou Meyer, oranges, oranges de Palestine ou cédrat, bigarades, pomelos, mandarines, bergamotes, clémentines…  À cela s’ajoute la pépinière où l’on cultive une centaine d’agrumes en pots destinés à la vente. En ce moment, nous avons quatre ou cinq ouvriers qui cueillent quatre arbres par jour, sachant qu’un citronnier produit 170 kilos de citrons, cela fait plus de 10 tonnes d’agrumes par an.»

Père et fils redynamisent la culture du citron et des agrumes, et à partir des fruits, produisent une gamme d’épicerie fine commercialisée à Menton, dans la boutique d’Antibes et en ligne: «À partir des agrumes et surtout du citron de Menton, on produit ce que j’appelle 'la matière première dans tous ses états', ce qui signifie qu’on vend le zeste et le jus congelés. Mais les agrumes sont aussi transformés en confitures, liqueurs, apéritifs, sirops selon des méthodes artisanales. Chaque agrume est pelé, zesté, épépiné à la main», explique-t-elle.

Depuis deux ans, Vanessa a rejoint le domaine Gannac où elle travaille aux côtés de son fils Adrien. «Je m’occupe de l’événementiel, des visites guidées suivies de dégustations de nos produits. Tous les hôtels sur la Côte d’Azur que j’ai sollicités m’envoient leurs clients. Il y a des jours où on reçoit plus de 300 visiteurs.»



La fête du citron à Menton qui coïncide avec le carnaval de Nice en février est, pour la Maison Gannac, l’occasion annuelle de tenir un stand de 15 mètres, étant le plus gros agrumiculteur de la région: «Nous exposons et vendons au cœur de la ville, pendant deux semaines, une vingtaine de variétés de fruits, des agrumes en pots, de l’épicerie fine. C’est le carnaval des agrumes», conclut-elle.

Figure de proue de l’agrumiculture mentonnaise, la Maison Gannac poursuit son expansion avec de nombreux projets en cours dont la construction d’un espace dédié aux événements privés, mariages, célébrations, fêtes… 

Alice Djermakian
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