©Le président français Emmanuel Macron accompagné de l’historien Benjamin Stora et du directeur de l’IMA, Jack Lang, lors de l’exposition «Juifs d’Orient». (AFP)
En recevant des prêts d'institutions israéliennes pour une exposition "Juifs d'Orient", l'Institut du monde arabe à Paris a affronté une pétition d'intellectuels arabes, lancée par un mouvement pro-palestinien controversé qui appelle au boycott systématique d'Israël, rejetant toute coopération culturelle.
Pour ces intellectuels et anciens responsables politiques arabes, il est inacceptable d'oublier ce qu'ils voient comme un régime "colonial" qui pratique la ségrégation contre les Palestiniens.
La pétition a été lancée début décembre par le mouvement pro-palestinien BDS (boycott, désinvestissement, sanctions). Signée par environ 250 intellectuels et personnalités, elle affirme que l'IMA "trahirait sa mission intellectuelle en adoptant cette approche normalisatrice – une des pires formes d'utilisation coercitive et immorale de l'art comme outil politique pour légitimer le colonialisme et l'oppression".
Elle réunit, entre autres, l'écrivain libanais Elias Khoury, le réalisateur palestinien Elia Suleiman ou le diplomate algérien Lakhdar Brahimi.
L'Institut répond mi-décembre: "Le soutien de l'IMA et de son président Jack Lang au peuple palestinien et à la paix est sans faille". Mais la conciliation aura été impossible.
En privé, une source proche de l'Institut se désole de la virulence du ton du BDS face à une exposition dont la qualité scientifique a été reconnue. Ainsi son principal commissaire, l'universitaire français Benjamin Stora, est une figure consensuelle dans l'histoire des rapports conflictuels entre juifs et musulmans.
C'est aussi le sentiment de l'immense majorité des visiteurs qui ont signé le livre d'or ouvert à la fin du parcours, a constaté l'AFP. Quelques-uns se plaignent d'inexactitudes ou d'amalgames historiques. Beaucoup se disent satisfaits et félicitent l'IMA. La présence des pièces venues d'Israël n'est pas un sujet qu'ils soulèvent.
L'ambassade d'Israël en France condamne, elle, "fermement ces affirmations qui s’apparentent, à travers une lecture erronée, politique et idéologique de l’histoire, à une tentative de réécrire et de faire oublier l’histoire des juifs des pays arabes et musulmans."
"Il est regrettable que des personnes se revendiquant comme des intellectuels participent à une tentative de passer sous silence un pan entier de l’histoire moyen-orientale", a déclaré un porte-parole à l'AFP.
Parfois accusée d'être antisémite, notamment par l'administration américaine, BDS prône un boycott des produits israéliens, mais aussi sportif, culturel et universitaire.
"L'éternel absent ce sont les Palestiniens", déplore Michèle Sibony, militante pacifiste à l'Union juive française pour la paix (qui s'oppose à l'occupation des territoires palestiniens) et Française issue d'une famille juive marocaine, interrogée par l'AFP.
"Est-ce le plus important de faire venir 30 pièces pour une exposition ou de dire que la Palestine est le théâtre d'une violence qui tue des jeunes de moins de 18 ans presque tous les jours?" S'interroge-t-elle, en référence aux affrontements récurrents qui secouent ces territoires.
"La pétition n'a quasiment pas eu d'écho médiatique alors que quand on voit la liste des signataires, des artistes arabes parmi les plus grands se sont engagés", poursuit-elle.
Polémique dans la polémique: un historien du comité scientifique de l'exposition, Denis Charbit, dans un entretien avec le média en ligne Akadem, avait relié le prêt de pièces israéliennes aux accords d'Abraham de 2020 qui avaient préludé à la normalisation des relations entre Israël et plusieurs pays arabes. Il est revenu sur ces propos: "L'hypothèse est fausse", a-t-il précisé à l'AFP.
"Le prêt de quelques œuvres est tenu pour complicité et crime de lèse-majesté: cachez cet Etat que nous ne saurions voir (...) On fait dans l'exécration et dans l'imprécation", regrette aujourd'hui ce professeur de l'Open University of Israel à Ra'anana. Il défend "une décision d'ordre professionnel" à laquelle certains veulent "imputer un sens politique".
Mais au BDS, on persiste et signe: l'affaire est politique.
"Exactement de la même façon que l'Afrique du Sud de l'apartheid était boycottée, l'Israël de l'apartheid doit être isolé dans un but de liberté, justice et égalité pour les Palestiniens", déclare à l'AFP Omar Barghouti, philosophe d'origine palestinienne, cofondateur du mouvement.
Selon lui, "si l'IMA insiste (...) il finira par perdre sa crédibilité parmi aussi bien le public que les figures de la culture arabes".
AFP
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