«La Fontaine et le confinement» de Lucchini
Il ne vous a sans doute pas échappé que Fabrice Lucchini est en train de devenir très à la mode. Son spectacle sur «La Fontaine et le confinement» fait salle comble depuis des mois. Il n’y a plus de place jusqu’en juin, mais il est prévu de le reprendre à la rentrée peut-être dans une plus grande salle. Mais, me direz-vous, qu’est-ce que cela peut bien avoir à faire avec la psychanalyse? Pas grand-chose pour dire vrai sinon le plaisir que j’ai de vous en dire quelques mots.



   

Il y a quelque temps de cela, la responsable d’un service de presse d’un théâtre parisien m’avait demandé quel genre de pièce pouvait m’intéresser. La seule réponse qui aurait pu me convenir était évidemment toute à l’exclusion de celles qui parlaient de psychanalyse; après tout, sur la psychanalyse, depuis le temps, j’en connais un bout, et la voir représentée sur scène est sans grand intérêt pour moi. Pour faire savant, comme Lucchini qui ne s’en prive pas, je dirai avec Montaigne que «rien de ce qui est humain ne m’est étranger». Car bien entendu c’est bien cela qui fait le quotidien du psychanalyste. Qu’un patient veuille me parler de la grève des éboueurs parisiens où de la maladie de son chien, je ne vois pas au nom de quoi j’écarterai tel ou tel propos. C’est même précisément cela qu’il convient de recueillir et d’écouter avec la plus grande attention.

Mais revenons à Fabrice Lucchini. L’homme est à l’évidence très sympathique. Il fait à la psychanalyse une publicité à la fois positive, car dans son propos, on discerne une longue confrontation avec le divan, et négative justement car il semble donner l’exemple d’une cure qui se prolonge toute une vie, ce qui n’est heureusement pas la règle, mais plutôt l’exception.


     

Quelques citations de nos grands ancêtres émaillent son spectacle. Celle attribuée faussement à Freud lors de son séjour aux États-Unis selon laquelle ce dernier aurait déclaré qu’il leur apportait la peste –Probablement une invention de Jones. Une autre supposée venir de Lacan qui aurait déclaré «où ça?», qu’une psychanalyse bien conduite ne pouvait aboutir qu’à la mort. Cette citation, de même que celle de Pascal qui ouvre son spectacle n’est pas amenée par hasard. Car, derrière l’humour, on perçoit l’angoisse de vieillir et de l’issue qui conclut toute vie. Mais l’humour n’est-il pas la politesse du mélancolique?

C’est, en tout cas, un très grand plaisir de l’écouter. Certes, il flatte son public. Il m’a fait parfois penser à Jean Nohain ou à Jack Lang. Peut-être aurait-il pu ouvrir le spectacle par la fable du corbeau et du renard car «tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute», mais enfin le public est ravi, lui s’émerveille à plusieurs reprises d’avoir des spectateurs si attentifs, si cultivés, si intelligents, et le public en redemande, et j’avoue m’être senti vraiment heureux de partager ce moment avec cette salle qui applaudissait à tout rompre. Bon, vous avez compris, je me suis senti un peu moins seul en sortant de cette salle, certes un peu bobo, mais qui fait à ce spectacle un succès vraiment mérité, intelligent et cultivé sans chichi. C’est rare et ça méritait un petit coup de chapeau.

Laurent Le Vaguerèse
Cet article a été originalement publié sur le site oedipe.org 
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