Ogero en grève ouverte
Après avoir observé une grève partielle d’avertissement, les employés d'Ogero, le fournisseur public de téléphonie et d’Internet au Liban, entameront une grève ouverte à partir du vendredi 24 mars. Au cœur du problème, le blocage de leurs fonds, promis par le gouvernement. Un bras-de-fer est engagé entre les deux ministère des Télécoms et des Finances.

Le syndicat des employés d'Ogero a publié un communiqué jeudi, dans lequel il annonce une grève ouverte. Dans le texte, le syndicat déplore les conditions "catastrophiques" dans lesquelles travaillent les employés, qui sont "désormais incapables de se rendre sur leurs lieux de travail à cause de l’augmentation du prix de l’essence". De plus, précise le texte, "leurs salaires actuels au vu de la dévaluation de la livre ne représentent plus que 1% de leur valeur antérieure à la crise".

N’ayant constaté aucune initiative positive en sa faveur, en dépit de ses nombreux appels à une amélioration des conditions de travail, le syndicat a décidé de transformer la grève partielle (les bureaux d'Ogero ont ouvert leurs portes cette semaine, mardi et jeudi) en grève ouverte. Tous les centres et bureaux seront fermés et les travaux de maintenance ou de réparation suspendus.

Les employés d'Ogero ne sont pas à leur premier débrayage. Aucune des revendications des salariés n’a été satisfaite, même pas celles qui ont été approuvées en Conseil des ministres et appliquées au reste du secteur public. Ils réclament qu’une partie de leur salaire soit dollarisée, que l’aide scolaire soit revue à la hausse et qu’une prime de déplacement équivalente au prix de 6 litres d’essence par jour de travail leur soit allouée.

Une situation qui se détériore tous les jours

Contactée par Ici Beyrouth, la présidente du syndicat des employés d'Ogero, Émilie Nassar, affirme que la situation des salariés se détériore tous les jours à cause de la dévaluation vertigineuse de la livre libanaise et du fait que les salaires demeurent indexés sur un taux de change fixé à 1.500 livres. "Les salaires actuels ne représentent plus que 1% de leur valeur initiale. Donc ce qu’encaisse le salarié, lui permet à peine de se rendre sur son lieu de travail pour assurer les services requis par les abonnés. De plus, Ogero, en tant que société, paie ses factures à l’étranger en dollars alors qu’elle encaisse en livres libanaises. Aussi, le système entier cafouille", explique-t-elle.

"La décision d’entamer une grève ouverte a été prise après une grève partielle d’avertissement. Personne n’a répondu à nos revendications", regrette Mme Nassar. "Les responsables nous répètent que les anciens décrets vont être mis en œuvre, mais ces augmentations ne sont plus suffisantes pour l’employé avec la hausse incessante du prix du carburant et celle du taux de change du dollar", dit-elle.

Blocage aux Finances

"La direction d'Ogero n’est pas opposée à ces revendications, mais ne dispose pas des fonds nécessaires qui sont bloqués au ministère des Finances", déplore Émilie Nassar.


Même son de cloche du côté du ministre sortant des Télécommunications Johnny Corm, qui accuse les Finances de blocage. Il assure à Ici Beyrouth qu’il a signé trois décrets en septembre dernier en réponse aux revendications des employés d'Ogero. Le premier leur accorde une somme mensuelle d'aide sociale, le deuxième une augmentation des allocations de transport et le troisième des primes pour la "présence" sur le lieu de travail.

Le ministre avait demandé une avance du Trésor d'environ 469 milliards de livres au ministère des Finances pour pouvoir payer l’aide sociale sur une période de six mois. Mais celle-ci n’a toujours pas été mise en œuvre.

"Malgré la signature de tous ces décrets et leur approbation par le Conseil des ministres, les Finances n’ont toujours pas débloqué les fonds", s’insurge M. Corm.

Le ministre reconnaît également qu’il ne dispose même pas des fonds nécessaires pour payer aux employés d'Ogero leurs salaires à la fin du mois de mars (dans 8 jours).

"Un transfert de crédit de 129 milliards de livres est supposé être avalisé lors du Conseil des ministres, lundi prochain. Ce point sera à l’ordre du jour, mais encore faut-il qu’il soit appliqué par le ministère des Finances", se plaint-il.

Pour faire pression sur les Finances, il est possible que M. Corm prenne une décision drastique. "Un décret datant de 2018 stipule qu'Ogero a le droit d’encaisser les factures des abonnés au bénéfice du ministère des Télécoms. Nous comptons le faire et payer les salaires sans passer par les Finances", avertit le ministre qui affirme ne pas avoir d’autre choix.

De son côté, le ministre sortant des Finances Youssef Khalil assure à Ici Beyrouth que les employés d'Ogero seront payés. "Les fonds à cet effet, seront transférés dans les prochains jours", promet-il.

À noter que la grève d'Ogero, en cas de pannes, affectera les services Internet de tout le pays puisque l’opérateur fournit les données à l’ensemble des fournisseurs d'accès.
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