Dans une période où tout s’effondre, le théâtre unit, rassemble, crée du beau là où se trouve le vrai. Il sublime, «cathartise» et aspire à un monde meilleur. Un monde qui ne pointe pas du doigt, mais se retrouve autour d’une table ronde, écoute et applaudit un lendemain épuré. C’est dans cette optique-là de paix, de catharsis et de communication, que le théâtre Le Monnot, sous la direction de l’intègre et intrépide Josyane Boulos, tient l’étendard de la communication et de la paix. À l’occasion de la journée mondiale du théâtre, Le Monnot organise une rencontre avec Dr. Michel Abou Khalil, en dialogue avec Luisa Ballin, autour de son ouvrage Art et conflit, l’impact du théâtre au Liban, le lundi 27 mars à 19h00, rue de l’Université Saint-Joseph, à Beyrouth.
Dans la préface de l’ouvrage de Michel Abou Khalil, Art et conflit, l’impact du théâtre au Liban, Pascal Couchepin écrit: «Le Liban ne cesse de souffrir de crises de toutes sortes tout en s’affirmant comme lieu de création artistique. Les projets théâtraux, dont l’objectif est d’avoir un impact direct sur la société́, foisonnent. Inscrits dans le militantisme politique de la société́ civile, ils œuvrent à un changement collectif en profondeur. Dans son essai, l’auteur étudie le rôle du théâtre comme porteur de paix dans un Liban traumatisé par des tensions récurrentes. Cette forme d’art devient une bouée de sauvetage pour oublier la violence, échapper au quotidien, comprendre les crises, les décrypter et aider à la réconciliation dans la durée.»
Cet essai est né d’une recherche doctorale, fruit de la double expérience professionnelle de l’auteur, tant comme acteur de théâtre ayant vécu la guerre civile que comme attaché culturel de l'ambassade de Suisse. Dr. Michel Abou Khalil partage avec Ici Beyrouth des réflexions autour de son vécu et de son ouvrage.
En quel sens vos formations théoriques et pratiques vous ont-elles mené à ces réflexions aujourd’hui?
Le travail de ma recherche doctorale, publié sous forme d’essai chez Slatkine à Genève, est le fruit d’une double formation: tout d’abord comme homme de théâtre titulaire d'une maîtrise en art dramatique de l’Université libanaise, d’où ma connaissance de l’art de la scène; ensuite comme attaché culturel de l’Ambassade de Suisse au Liban, ce qui m’a mené à m’intéresser à la diplomatie transformatrice, en particulier à son engagement dans la promotion de la paix et des droits humains.
À l’ambassade, j’ai été confronté à des projets de théâtre, soutenus par celle-ci, dont l’objectif était de contribuer à la résolution des conflits. Il s’agissait de projets interdisciplinaires mêlant art dramatique, sociologie, psychologie et histoire. Pour moi, cette nouvelle approche du théâtre a été une véritable surprise. J’ai voulu en savoir plus. Malheureusement, les recherches se sont avérées lacunaires. C’est ce qui m’a donné l’idée d’y consacrer une thèse de doctorat. N’ayant que des exemples pratiques à ma disposition, j’ai dû construire un appareil théorique autour de trois axes focaux: l’efficacité de la catharsis, la relation entre histoire et mémoire, et la représentation théâtrale à la jonction de l’art dramatique et de la transformation sociale.
Par ces temps-ci, décririez-vous le théâtre comme résilience ou exutoire?
Dans un pays comme le Liban, la culture n’est pas seulement une forme de résilience, mais une véritable résistance face aux catastrophes à répétition. C’est l’une des meilleures expressions de l’humain et de l’espoir dans un monde absurde, inhumain et sans espoir. Le théâtre, bien évidemment, en fait partie. Il est à la fois un acte de résistance et un exutoire permettant de s’évader et d’imaginer un monde meilleur. Quant à la résilience, si elle permet de survivre, elle devient en revanche complice de la mauvaise gouvernance et des abus de toutes sortes si elle n’est pas accompagnée d’une perspective réparatrice et transformatrice.
Pour parler de paix, il faudrait apprendre à aller vers l’autre, quel que soit le conflit. Croyez-vous au pouvoir du théâtre rédempteur?
Grâce à son effet cathartique, le théâtre est rédempteur par nature. Dans la pratique théâtrale de transformation sociale, qui est le thème de mon essai, les projets ont le plus souvent comme objectif de surmonter la peur et de guérir les individus traumatisés par un conflit. Le travail se fait en groupe de personnes touchées par la même problématique qui apprennent, grâce à des techniques théâtrales, à sortir de leur isolement, à faire entendre leur voix, à aller vers l’autre et à dialoguer. Le théâtre permet donc d’ouvrir le débat et mène à un dialogue collectif. Cependant, il ne faut pas exagérer son rôle: il mène au dialogue, mais ne résout pas le conflit à lui seul, il y contribue. Il joue aussi un rôle important de catalyseur dans la prévention des conflits futurs qui menacent le Liban. Dans la situation actuelle de blocage, le dialogue est plus nécessaire que jamais. Le mot de la fin est donc: dialogue, dialogue, dialogue…
Marie-Christine Tayah
Instagram : @mariechristine.tayah
Dans la préface de l’ouvrage de Michel Abou Khalil, Art et conflit, l’impact du théâtre au Liban, Pascal Couchepin écrit: «Le Liban ne cesse de souffrir de crises de toutes sortes tout en s’affirmant comme lieu de création artistique. Les projets théâtraux, dont l’objectif est d’avoir un impact direct sur la société́, foisonnent. Inscrits dans le militantisme politique de la société́ civile, ils œuvrent à un changement collectif en profondeur. Dans son essai, l’auteur étudie le rôle du théâtre comme porteur de paix dans un Liban traumatisé par des tensions récurrentes. Cette forme d’art devient une bouée de sauvetage pour oublier la violence, échapper au quotidien, comprendre les crises, les décrypter et aider à la réconciliation dans la durée.»
Cet essai est né d’une recherche doctorale, fruit de la double expérience professionnelle de l’auteur, tant comme acteur de théâtre ayant vécu la guerre civile que comme attaché culturel de l'ambassade de Suisse. Dr. Michel Abou Khalil partage avec Ici Beyrouth des réflexions autour de son vécu et de son ouvrage.
En quel sens vos formations théoriques et pratiques vous ont-elles mené à ces réflexions aujourd’hui?
Le travail de ma recherche doctorale, publié sous forme d’essai chez Slatkine à Genève, est le fruit d’une double formation: tout d’abord comme homme de théâtre titulaire d'une maîtrise en art dramatique de l’Université libanaise, d’où ma connaissance de l’art de la scène; ensuite comme attaché culturel de l’Ambassade de Suisse au Liban, ce qui m’a mené à m’intéresser à la diplomatie transformatrice, en particulier à son engagement dans la promotion de la paix et des droits humains.
À l’ambassade, j’ai été confronté à des projets de théâtre, soutenus par celle-ci, dont l’objectif était de contribuer à la résolution des conflits. Il s’agissait de projets interdisciplinaires mêlant art dramatique, sociologie, psychologie et histoire. Pour moi, cette nouvelle approche du théâtre a été une véritable surprise. J’ai voulu en savoir plus. Malheureusement, les recherches se sont avérées lacunaires. C’est ce qui m’a donné l’idée d’y consacrer une thèse de doctorat. N’ayant que des exemples pratiques à ma disposition, j’ai dû construire un appareil théorique autour de trois axes focaux: l’efficacité de la catharsis, la relation entre histoire et mémoire, et la représentation théâtrale à la jonction de l’art dramatique et de la transformation sociale.
Par ces temps-ci, décririez-vous le théâtre comme résilience ou exutoire?
Dans un pays comme le Liban, la culture n’est pas seulement une forme de résilience, mais une véritable résistance face aux catastrophes à répétition. C’est l’une des meilleures expressions de l’humain et de l’espoir dans un monde absurde, inhumain et sans espoir. Le théâtre, bien évidemment, en fait partie. Il est à la fois un acte de résistance et un exutoire permettant de s’évader et d’imaginer un monde meilleur. Quant à la résilience, si elle permet de survivre, elle devient en revanche complice de la mauvaise gouvernance et des abus de toutes sortes si elle n’est pas accompagnée d’une perspective réparatrice et transformatrice.
Pour parler de paix, il faudrait apprendre à aller vers l’autre, quel que soit le conflit. Croyez-vous au pouvoir du théâtre rédempteur?
Grâce à son effet cathartique, le théâtre est rédempteur par nature. Dans la pratique théâtrale de transformation sociale, qui est le thème de mon essai, les projets ont le plus souvent comme objectif de surmonter la peur et de guérir les individus traumatisés par un conflit. Le travail se fait en groupe de personnes touchées par la même problématique qui apprennent, grâce à des techniques théâtrales, à sortir de leur isolement, à faire entendre leur voix, à aller vers l’autre et à dialoguer. Le théâtre permet donc d’ouvrir le débat et mène à un dialogue collectif. Cependant, il ne faut pas exagérer son rôle: il mène au dialogue, mais ne résout pas le conflit à lui seul, il y contribue. Il joue aussi un rôle important de catalyseur dans la prévention des conflits futurs qui menacent le Liban. Dans la situation actuelle de blocage, le dialogue est plus nécessaire que jamais. Le mot de la fin est donc: dialogue, dialogue, dialogue…
Marie-Christine Tayah
Instagram : @mariechristine.tayah
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