Des heures passées à travailler, à créer, des instants d’intuition, de révélation… contre quelques secondes pour la machine qui s’empare de leurs œuvres. L’art n’appartient plus aux artistes. Jour après jour, il devient une sorte de cervelle automatique et la création une commande de bouton.
Face à tout ce chamboulement que crée l’intelligence artificielle (IA), les artistes demeurent sidérés. Cependant, ils n’ont pas baissé les bras. L'été dernier, ils ont découvert avec effroi que des programmes d'IA dite «générative» pouvaient désormais produire, sur simple requête, un dessin de chien «comme Sarah Andersen» ou une image de nymphe «façon Karla Ortiz». Une appropriation sans que les intéressés n'aient donné leur consentement, ne soient crédités ou compensés financièrement, les 3 «C» au cœur de leur bataille. En janvier, des artistes ont collectivement porté plainte contre Midjourney, Stable Diffusion et DreamUp, trois modèles d'IA formés grâce à des milliards d'images récoltées sur internet.
Que reste-t-il des créations artistiques?
Sarah Andersen, l'une des principales plaignantes, s'est sentie «intimement lésée» quand elle a vu un dessin généré avec son nom, dans le style de sa BD Fangs. Sa réaction indignée sur Twitter a été largement relayée, puis d'autres artistes l'ont contactée. «Nous espérons créer un précédent judiciaire et forcer les entreprises spécialisées dans I'IA à respecter des règles», indique-t-elle. Les artistes veulent notamment pouvoir accepter ou refuser que leurs œuvres soient utilisées par un modèle et non devoir demander leur retrait, même quand c'est possible. Dans ces conditions, on pourrait imaginer un «système de licences, mais seulement si les commissions sont suffisantes pour en vivre», note Karla Ortiz, une autre plaignante.
Pas question «de recevoir des centimes pendant que l'entreprise empoche des millions», insiste cette illustratrice qui a notamment travaillé pour les studios Marvel. Sur les réseaux sociaux, des artistes racontent comment il ont perdu une grande partie de leurs contrats. «L'art est mort. C'est fini. l'IA a gagné. Les humains ont perdu», a déclaré Jason Allen au New York Times en septembre 2022, après avoir soumis une image générée par Midjourney à une compétition, qu'il a remportée. Le musée Mauritshuis de La Haye expose en ce moment une image générée avec de l'IA pour un concours de création d'œuvres inspirées par La Jeune Fille à la perle de Vermeer. Le Ballet de San Francisco a de son côté fait débat en utilisant Midjourney pour sa campagne de promotion de Casse-Noisette en décembre. «C'est facile et pas cher, alors même des institutions n'hésitent pas, même si ce n'est pas éthique», s'indigne Sarah Andersen.
Un usage «raisonnable» de l'IA?
Les sociétés accusées n'ont pas répondu à des sollicitations de journalistes, mais Emad Mostaque, le patron de Stability AI à Stable Diffusion, aime comparer ces programmes à de simples outils, comme Photoshop. Ils vont permettre «à des millions de personnes de devenir des artistes» et «créer des tonnes de nouveaux emplois créatifs», a-t-il affirmé, estimant qu'un «usage non éthique» ou «pour faire des choses illégales» n’est que le «problème» des utilisateurs, et non pas de la technologie.
Les entreprises vont se réclamer du concept juridique de fair use ou l’usage raisonnable, une sorte de clause d'exception aux droits d'auteur, explique le juriste et développeur Matthew Butterick. «Le mot magique, c'est 'transformation'. Est-ce que leur système propose quelque chose de nouveau? Ou est-ce qu'il remplace l'original sur le marché?», détaille le consultant. Avec le cabinet d'avocats Joseph Saveri, il représente les artistes mais aussi des ingénieurs dans une autre plainte contre un logiciel de Microsoft, qui génère du code informatique. D'ici un lointain procès et un dénouement incertain, la mobilisation s'organise aussi sur le terrain technologique.
Appelé à la rescousse par des artistes, un laboratoire de l'Université de Chicago a lancé la semaine dernière un logiciel permettant de publier des œuvres en ligne en les protégeant contre les modèles d'IA. Baptisé Glaze ou «vernis», le programme ajoute une couche de données sur l'image, invisible à l’œil nu, qui «brouille les pistes», résume Shawn Shan, l'étudiant chargé du projet. L'initiative est accueillie avec enthousiasme mais aussi scepticisme. «La responsabilité va revenir aux artistes d'adopter ces techniques», déplore Matthew Butterick. «Ça va être un jeu du chat et de la souris» entre les entreprises et les chercheurs. Il craint que la prochaine génération ne se décourage. «Quand la science-fiction imagine l'apocalypse par l'IA, des robots débarquent avec des fusils laser», remarque le juriste. «Mais je pense que la victoire de l'IA sur l'humanité, c'est quand les gens abandonnent et cessent de créer.»
Marie-Christine Tayah avec AFP
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Face à tout ce chamboulement que crée l’intelligence artificielle (IA), les artistes demeurent sidérés. Cependant, ils n’ont pas baissé les bras. L'été dernier, ils ont découvert avec effroi que des programmes d'IA dite «générative» pouvaient désormais produire, sur simple requête, un dessin de chien «comme Sarah Andersen» ou une image de nymphe «façon Karla Ortiz». Une appropriation sans que les intéressés n'aient donné leur consentement, ne soient crédités ou compensés financièrement, les 3 «C» au cœur de leur bataille. En janvier, des artistes ont collectivement porté plainte contre Midjourney, Stable Diffusion et DreamUp, trois modèles d'IA formés grâce à des milliards d'images récoltées sur internet.
Que reste-t-il des créations artistiques?
Sarah Andersen, l'une des principales plaignantes, s'est sentie «intimement lésée» quand elle a vu un dessin généré avec son nom, dans le style de sa BD Fangs. Sa réaction indignée sur Twitter a été largement relayée, puis d'autres artistes l'ont contactée. «Nous espérons créer un précédent judiciaire et forcer les entreprises spécialisées dans I'IA à respecter des règles», indique-t-elle. Les artistes veulent notamment pouvoir accepter ou refuser que leurs œuvres soient utilisées par un modèle et non devoir demander leur retrait, même quand c'est possible. Dans ces conditions, on pourrait imaginer un «système de licences, mais seulement si les commissions sont suffisantes pour en vivre», note Karla Ortiz, une autre plaignante.
Pas question «de recevoir des centimes pendant que l'entreprise empoche des millions», insiste cette illustratrice qui a notamment travaillé pour les studios Marvel. Sur les réseaux sociaux, des artistes racontent comment il ont perdu une grande partie de leurs contrats. «L'art est mort. C'est fini. l'IA a gagné. Les humains ont perdu», a déclaré Jason Allen au New York Times en septembre 2022, après avoir soumis une image générée par Midjourney à une compétition, qu'il a remportée. Le musée Mauritshuis de La Haye expose en ce moment une image générée avec de l'IA pour un concours de création d'œuvres inspirées par La Jeune Fille à la perle de Vermeer. Le Ballet de San Francisco a de son côté fait débat en utilisant Midjourney pour sa campagne de promotion de Casse-Noisette en décembre. «C'est facile et pas cher, alors même des institutions n'hésitent pas, même si ce n'est pas éthique», s'indigne Sarah Andersen.
Un usage «raisonnable» de l'IA?
Les sociétés accusées n'ont pas répondu à des sollicitations de journalistes, mais Emad Mostaque, le patron de Stability AI à Stable Diffusion, aime comparer ces programmes à de simples outils, comme Photoshop. Ils vont permettre «à des millions de personnes de devenir des artistes» et «créer des tonnes de nouveaux emplois créatifs», a-t-il affirmé, estimant qu'un «usage non éthique» ou «pour faire des choses illégales» n’est que le «problème» des utilisateurs, et non pas de la technologie.
Les entreprises vont se réclamer du concept juridique de fair use ou l’usage raisonnable, une sorte de clause d'exception aux droits d'auteur, explique le juriste et développeur Matthew Butterick. «Le mot magique, c'est 'transformation'. Est-ce que leur système propose quelque chose de nouveau? Ou est-ce qu'il remplace l'original sur le marché?», détaille le consultant. Avec le cabinet d'avocats Joseph Saveri, il représente les artistes mais aussi des ingénieurs dans une autre plainte contre un logiciel de Microsoft, qui génère du code informatique. D'ici un lointain procès et un dénouement incertain, la mobilisation s'organise aussi sur le terrain technologique.
Appelé à la rescousse par des artistes, un laboratoire de l'Université de Chicago a lancé la semaine dernière un logiciel permettant de publier des œuvres en ligne en les protégeant contre les modèles d'IA. Baptisé Glaze ou «vernis», le programme ajoute une couche de données sur l'image, invisible à l’œil nu, qui «brouille les pistes», résume Shawn Shan, l'étudiant chargé du projet. L'initiative est accueillie avec enthousiasme mais aussi scepticisme. «La responsabilité va revenir aux artistes d'adopter ces techniques», déplore Matthew Butterick. «Ça va être un jeu du chat et de la souris» entre les entreprises et les chercheurs. Il craint que la prochaine génération ne se décourage. «Quand la science-fiction imagine l'apocalypse par l'IA, des robots débarquent avec des fusils laser», remarque le juriste. «Mais je pense que la victoire de l'IA sur l'humanité, c'est quand les gens abandonnent et cessent de créer.»
Marie-Christine Tayah avec AFP
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