Chapelle ardente : l'hommage des Sud-Africains à leur Mgr Tutu
©Les Sud-Africains se sont recueillis jeudi devant la dépouille de Mgr Desmond Tutu, arrivée à la cathédrale Saint-George du Cap. (Photo by RODGER BOSCH / AFP)
Les Sud-Africains se sont recueillis jeudi devant la dépouille de Mgr Desmond Tutu, arrivée à la cathédrale Saint-George du Cap, d'où il a longtemps pourfendu le régime raciste de l'apartheid, pour une chapelle ardente prévue sur deux jours.

Le cercueil en pin clair --il avait demandé "le moins cher possible"--, simplement décoré d'un bouquet d'oeillets blancs, a été porté dans le choeur par six prêtres en chasuble, ont constaté des journalistes de l'AFP.

L'actuel archevêque du Cap, Thabo Makgoba, a dit une prière pendant que d'autres répandaient de l'encens autour du cercueil de l'infatigable défenseur des droits de l'Homme. Plusieurs membres de sa famille, dont sa veuve, que le pays appelle affectueusement "Mama Leah" et qu'il avait épousée en 1955, l'ont suivi dans l'église.

Tutu est mort paisiblement à 90 ans dimanche. Après l'hommage planétaire rendu par les grands de ce monde, de son ami le dalaï lama au pape François en passant par de nombreux chefs d'Etat, c'est au tour des simples citoyens.

De tous âges et de toutes couleurs, ils se sont arrêtés quelques secondes chacun devant la dépouille. Beaucoup se signent, d'autres comme cette femme en hijab violet, baissent la tête ou joignent les mains dans un baiser.

Parmi eux, Joan Coulson a tenu à être parmi les premiers arrivés: "Je l'ai rencontré quand j'avais quinze ans, j'en ai 70 maintenant", dit-elle, comparant le prélat à une rock star "comme Elvis".

Evoquant son franc-parler et son humour, elle parie qu'il est déjà en train de remuer le Paradis. "Saint-Pierre va lui dire "+eh du calme là dedans!+", plaisante-t-elle.

Initialement prévue sur la seule journée de jeudi, la chapelle ardente a été prolongée à vendredi, "de peur qu'il y ait de la bousculade", a indiqué à l'AFP le révérend Gilmore Fry, devant la cathédrale. Car beaucoup veulent saluer l'icône avant ses obsèques samedi.

Sans ostentation


Après une incinération privée, les cendres de Mgr Tutu seront inhumées dans la cathédrale, dont il a été l'archevêque une dizaine d'années jusqu'en 1996.

Depuis dimanche, des centaines de personnes y ont afflué pour déposer messages et bouquets de fleurs. Ses cloches sonnent tous les jours à midi, pendant dix minutes, pour appeler les passants à penser à lui.

Les drapeaux sont en berne dans tout le pays et la Montagne de la Table, qui surplombe la ville portuaire, est illuminée de violet tous les soirs en hommage à "The Arch".

Desmond Tutu a "mené les bonnes batailles, il a maintenant fini sa course", a salué au cours d'une cérémonie à Johannesburg le révérend Frank Chikane, qui a combattu l'apartheid au côté de l'archevêque.

Plus tard dans l'après-midi, les amis et les proches du défunt se sont réunis au siège de sa fondation au Cap. Dans le jardin ensoleillé, quelques mots ont été prononcés, de la musique a été jouée. L'ancienne présidente de l'Irlande Mary Robinson, la militante des droits de l'Homme et veuve de Nelson Mandale, Graca Machel, étaient notamment présentes, ainsi que l'aîné des petits-enfants de Mandela, Mandla Mandela.

De nombreuses cérémonies, principalement religieuses, ont émaillé la semaine et continueront jusqu'aux obsèques. Ce jour-là, ni cérémonie ostentatoire ni dépenses somptueuses, le prélat avait laissé des consignes strictes. Outre le bouquet offert par la famille, pas d'autres fleurs. L'assistance devrait être limitée à une centaine de personnes, Covid oblige.

La cérémonie religieuse sera aussi une cérémonie officielle. Mais les militaires devaient limiter, selon les voeux de l'archevêque encore, leur intervention à la remise d'un drapeau sud-africain à sa veuve.

Le prix Nobel de la paix s'était retiré de la vie publique, affaibli par un cancer. Après l'élection en 1994 de son ami Nelson Mandela, premier président post-apartheid, c'est lui qui avait trouvé la formule de "nation arc-en-ciel".

Desmond Tutu avait présidé la Commission vérité et réconciliation (TRC) dont il espérait, grâce à la confrontation des bourreaux et des victimes, qu'elle permettrait de tourner la page de la haine raciale.
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