Télécoms: réouverture, Place de l'Etoile, de dossiers de corruption

Le dossier de la corruption et de la dilapidation de fonds dans le secteur des télécommunications est revenu en force mardi sur le devant de la scène. Un rapport établi il y a un mois par la Cour des comptes sur cette question, et plus précisément sur les circonstances entourant l’achat d’un bâtiment et la location d’un autre, a été examiné par la commission parlementaire des Télécoms. À l’issue de la réunion, à laquelle a participé le ministre sortant des Télécoms, Johnny Corm, et le président de la Cour des comptes, Mohammed Badran, plusieurs conférences de presse relatives aux accusations formulées dans ce dossier ont été tenues.
Les deux affaires
De quoi s’agit-il exactement ?
Dans un rapport publié le 28 mars dernier, la Cour des comptes relève de nombreuses irrégularités commises par le ministère des Télécommunications dans deux dossiers. Le premier est la location de l’immeuble Kassabian (lot 1633), à Chiyah, pendant des années, sans jamais l’occuper. Le second est la location, puis l’achat, des blocs B et C dans un immeuble à Bachoura (lot 1526), à un coût très élevé, sans que l’État prenne possession de ces bâtiments, sachant que le contrat de location pour une durée de 15 ans a été résilié. Les deux opérations immobilières ont été effectués par la société Mic 2 (Touch), appartenant à l’État.
Les sommes versées sont de près de 52 millions de dollars pour l’immeuble de Bachoura, et de près de 10 millions de dollars pour l’immeuble Kassabian.
Ce « rapport spécial » a été rédigé, après enquête, par une commission de la Cour des comptes, présidée par Abdel-Rida Nasser. Il est publié sur le site internet de cette instance, et porte la signature du président de la Cour, le juge Mohammed Badran.
Le rapport qui résume une enquête sur les responsabilités de plusieurs ministres des Télécoms, s’attarde sur le rôle des anciens ministres,  Nicolas Sehnaoui, (Courant patriotique libre) et Boutros Harb, (indépendant) dans le dossier de l’immeuble Kassabian, et celui des anciens ministres, Jamal Jarrah et Mohammed Choucair, (proches du Courant du Futur) dans celui de l’immeuble de Bachoura. Il évoque également le non-paiement par l’ancien ministre, Talal Hawat, et le ministre sortant, Johnny Corm, des sommes dues au propriétaire de l’immeuble de Bachoura, et la non-finalisation des formalités d’achat de ce bâtiment.
Il recommande au ministère des Télécoms, en coordination avec les administrations concernées, de déterminer les responsabilités et de finalise les formalités d’achat de l’immeuble de Bachoura. Le rapport recommande également que le dossier soit transféré devant les Parquets de la Cour des comptes et de la Cour de cassation. Il demande que le président du Parlement, le Premier ministre, les ministères des Télécoms et des Finances, les secrétariats généraux concernés, ainsi que les anciens ministres Sehnaoui, Harb, Jarrah, Choucair et Hawat et le ministre Corm, soient informés de la teneur du rapport.
Moussaoui

À l’issue de la réunion, mardi, de la commission parlementaire des Télécoms, son président, le député Ibrahim Moussaoui (Hezbollah) a estimé que les irrégularités évoquées dans le rapport constituent « un scandale et un crime ». Il a dénoncé la dilapidation de « dizaines de millions de dollars », relevant toutefois que parmi les ministres cités, « certains ont juste fait preuve de négligence ou de mauvaise gestion, et personne n’a encore été condamné ».
Il a précisé qu’un jugement serait prononcé d’ici deux semaines à un mois, après que les anciens ministres concernés aient répondu aux accusations qui leur seront portées. « Certains seront condamnés et d’autres seront innocentés, et le dossier ne sera pas refermé comme d’autres l’ont été », a-t-il souligné.
M. Moussaoui avait été précédé à la tribune par six députés du Changement : Melhem Khalaf, Ibrahim Mneimné, Halima Kaakour, Paula Yacoubian, Yassine Yassine et Firas Hamdan. Ils ont souligné que le rapport de la Cour des comptes est clair et détermine les responsabilités du ministre sortant et des anciens ministres, appelant à ce que ce rapport soit transféré aux autorités judiciaires concernées.
Sehnaoui
Le député Nicolas Sehnaoui, seul parmi les anciens ministres évoqués dans le rapport à être encore député, s’est empressé de prendre la parole pour démentir les accusations portées contre lui. Il a précisé que les auteurs du rapport ne lui ont posé, ainsi qu’aux autres anciens ministres, aucune question avant de rédiger le texte. M. Sehnaoui a ajouté que, de toute façon, ce qui lui est reproché c’est un gaspillage et non un détournement de fonds publics.
Dans un point de presse en présence de députés de son bloc parlementaire, il a précisé avoir développé le secteur des télécoms au Liban lorsqu’il dirigeait le ministère. Concernant la location de l’immeuble Kassabian, à la demande de la société Touch, il a souligné en substance avoir géré ce dossier de la meilleure façon possible, en réduisant les dépenses prévues et préservant les fonds publics, ajoutant que le contrat avait été résilié par son successeur. Il a précisé qu’il allait présenter un rapport détaillé au procureur près la Cour des comptes.
Parlement et télécoms
Il convient de noter que ce n’est pas la première fois que le Parlement intervient dans une enquête sur le dossier des télécoms. On rappelle que la Chambre devait tenir une séance le 6 décembre dernier pour discuter des allégations de corruption dans les télécoms, sur base d’un audit des comptes du ministère publié par la Cour des comptes en avril 2022, selon lequel 6 milliards de dollars de trop avaient été dépensés.
La séance avait été reportée, en raison du refus de plusieurs blocs, notamment ceux des Forces libanaises et des Kataëb, de participer à toute séance législative avant l’élection d’un président de la République. La séance en question devait étudier la possibilité de constituer une commission parlementaire d’enquête visant à poursuivre les anciens ministres Sehnaoui, Harb et Jarrah, contre lesquels des poursuites pour dilapidation et détournement de fonds publics avaient déjà été engagées en 2019 par le procureur financier, Ali Ibrahim.
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