Univers fictifs : la révolution immersive muséale

Se cacher dans le placard sous l’escalier du premier, s’asseoir dans le canapé du Central Perk, comme les seconds, ou arpenter l’univers d’Edward aux mains d’argent… « Ça marche particulièrement bien », remarque Julie Escurignan, enseignante-chercheuse spécialisée dans l’étude des fans et de l’industrie culturelle. Depuis l’exposition Titanic il y a 20 ans, les événements mêlant univers de fictions populaires et expériences immersives (une forme d’exposition qui regroupe différents outils techniques de narration, visuels, sonores et parfois olfactifs) se déploient et battent des records de fréquentation. L’évolution des technologies « permet de réaliser des choses de meilleure qualité à des prix raisonnables », et donc de produire davantage d’événements du genre, note Tom Zaller, PDG d’Imagine Exhibitions, à l’origine notamment de l’exposition Harry Potter.
Des États-Unis à l’Europe, cette dernière en est la quintessence, avec plus de 150 000 billets vendus avant son ouverture à Vienne (Autriche) et « plus de 175 000 » la veille de son arrivée parisienne. Même chose pour le Labyrinthe de Tim Burton, dont l’étape madrilène a accueilli « près d’un demi-million de visiteurs ». Un mois avant son ouverture à Paris, le 19 mai, « près de 50 000 billets et l’intégralité des tickets premium » étaient écoulés, selon Inaki Fernandez, PDG de Let's go, producteur de l’événement. Ce succès tient, pour Julie Escurignan, à l’appétit de plus en plus marqué des fans pour des expériences novatrices : « Ce ne sont pas des consommateurs comme les autres. Ils ne font pas que regarder une série ou un film. Ils aiment aller au-delà, vivre des expériences en lien avec cet univers ».
Les producteurs d’expositions immersives n’hésitent pas à s’approprier des phénomènes existants, conscients que des « connexions sont déjà faites » avec le public. Tom Zaller, PDG d’Imagine Exhibitions, souligne que les fans entretiennent un lien fort avec des œuvres spécifiques telles que Harry Potter, ce qui contribue grandement au succès de ces événements. Les visiteurs n’auraient probablement pas été aussi nombreux si l’exposition avait porté sur un thème plus général, comme la sorcellerie.
L’une des raisons de cet engouement réside dans la rareté des lieux spécifiquement dédiés à ces univers et à leurs fans. Julie Escurignan explique qu’une exposition à Paris, par exemple, permet à un public français qui n’a pas les moyens de se rendre à Londres ou Orlando pour visiter les parcs à thèmes et studios de tournage, d’accéder à ces univers fascinants.

Dans le cas du Labyrinthe de Tim Burton, la collaboration entre l’artiste et les producteurs a également été un facteur clé de succès. Sandrine Marrel, directrice du développement chez Caramba Culture Live, affirme que Tim Burton a généreusement ouvert ses collections personnelles, partageant plus de 180 œuvres originales, dont certaines présentent des personnages qui n’ont pas encore été dévoilés au public.
L’aspect intergénérationnel de ces expositions est également primordial. Les jeunes sont plongés dans un univers de référence grâce à des décors, des effets sonores et visuels immersifs, tandis que les adultes peuvent apprécier des œuvres d’art originales et des croquis de l’artiste. Cependant, le prix d’entrée, généralement compris entre 20 et 25 euros, est souvent plus élevé que celui des musées traditionnels, ce qui pousse les producteurs à redoubler d’efforts pour proposer des expériences à la hauteur des attentes. Selon Tom Zaller, il est essentiel de créer un cadre qui donne vie aux objets exposés, plutôt que de les présenter comme de simples pièces de musée. Par exemple, le costume de Lord Voldemort, personnage emblématique de la saga Harry Potter, est exposé dans une salle obscure, entouré d’autres objets et d’animations sonores, afin de captiver les visiteurs.
Inaki Fernandez, PDG de Let's go, estime que ces expositions immersives n’excluent pas les galeries traditionnelles, mais peuvent être complémentaires. Le débat entre haute et basse culture est, selon lui, dépassé, et pourrait s’appliquer aux comédies musicales et au théâtre. Les genres peuvent coexister et se nourrir mutuellement, enrichissant ainsi l’offre culturelle pour un public avide d’expériences diversifiées et innovantes.
Avec AFP
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