Le chef du législatif Nabih Berri a été surpris par la réponse de Riyad, transmise par l'ambassadeur saoudien Walid Al Boukhari, concernant le dossier de la présidentielle et il en a informé le candidat Sleiman Frangié. Il a indiqué à ce propos que le «recul» saoudien (à savoir que «l'Arabie n’impose aucun veto, n’a aucun candidat, et n’a rien demandé à ses alliés») «reste insuffisant». Et M. Berry d'ajouter: «Patience... il y aura des développements positifs dans un court laps de temps». Cependant, comme la réponse de Riyad n'a pas été satisfaisante, Nabih Berry ne convoquera pas une douzième séance pour l’élection présidentielle, comme il l’a promis à l’ambassadrice américaine.
«L’axe de la résistance» (le camp du Hezbollah) a perçu la position de Riyad comme un recul par rapport à la présidentielle et un prélude à un changement d’attitude grâce au maintien de la concertation avec la France. Parallèlement, l’opposition voit dans la position de Riyad une confirmation de ce qui constitue une lapalissade: «Non au candidat de l’axe (le camp iranien), compte tenu des critères définis par certains pays lors de la réunion des Cinq à Paris (USA, France, Arabie Saoudite, Egypte et Qatar), notamment Washington et Riyad, à savoir, «un président souverain, intègre et capable de mettre en œuvre les reformes… ». Partant, l’Arabie s’engagera-t-elle dans le règlement?
Selon des responsables qui se sont entretenus avec M. Boukhari, la position de Riyad demeure inchangée. Ce que le camp du Hezbollah considère comme un repli n’est, en réalité, qu’un message adressé à la France qui a abandonné l’équation Sleiman Frangié-Nawwaf Salam. Le recul de la France sur ce plan est le résultat de la position américaine claire réfutant cette équation. Washington rejette l’approche de Paris sur le dossier présidentiel, qui est en contradiction avec la position des États-Unis et d'autres pays ayant participé à la réunion des cinq à Paris.
Ainsi, certains observateurs qui suivent les derniers développements à Washington ont interprété le message du président de la Commission des affaires étrangères du Congrès américain au président Joe Biden sur la situation au Liban comme étant une condamnation de la classe politique, l’accusant ouvertement d’entraver la solution, allant même jusqu’à pointer du doigt le Hezbollah et ses alliés, ainsi que le président de la Chambre, Nabih Berry. Le message exige expressément un président réformateur et intègre.
En outre, le département d'État américain a publié une déclaration demandant «un président capable de rassembler les forces vives de la nation et d'adopter les réformes qui sauveraient l'économie». Face à la récente position américaine approuvée par certains membres de la réunion des Cinq, le Quai d’Orsay a souligné que «Paris n’a pas de candidat». Ces développements coïncident avec la position unifiée de certains pays des Cinq qui s’opposent à Paris concernant le candidat soutenu par l’axe pro-iranien. Selon eux, cette position française ne correspond pas à l'essence de l'accord saoudo-iranien de Pékin qui sous-entend un compromis dans la région renforçant la stabilité. Les récentes positions positives du Hezbollah et sa demande que l’opposition nomme son candidat afin d’en débattre, font suite à la visite du ministre iranien des Affaires étrangères, Hussein Amir Abdollahian, au Liban après la signature de l’accord saoudo-iranien.
Alors que le Hezb estime que rien ne justifie le veto imposé par Riyad sur son candidat après l’accord conclu à Pékin, Riyad rétorque en soulignant qu’il ne s’ingère pas dans les détails ni les noms et que sa position est exprimée par le biais des spécifications que les dirigeants saoudiens ont établies.
Selon des sources proches de l’ambassade d’Arabie saoudite, Riyad refuse de porter le chapeau de l’obstruction, estimant que les responsables du blocage sont locaux et sont connus de tous. Ces clarifications font suite au discours de Nabih Berry qui a affirmé: «Riyad n’a pas encore révélé toutes ses cartes et l’échéance présidentielle requiert davantage de dialogue entre les différentes forces politiques afin d’assurer le quorum».
Dans ce contexte, Sami Gemayel affirme que «la bataille de Frangié se résume à assurer le quorum» et de sources diplomatiques, on précise que «les Cinq devraient aboutir à une feuille de route portant sur l’élection d’un président, la formation d’un gouvernement et la mise en place de réformes». C'est pour cette raison que les membres du groupe n'ont pas pu se réunir comme prévu après la fête du Fitr et que l'émissaire politique du Qatar a reporté sa visite au Liban. Les «cinq» ont préféré adopter une politique de démarches diplomatiques loin des feux de la rampe afin de régler leurs différends et s’entendre sur une feuille de route dans les plus brefs délais.
Selon des sources diplomatiques, Washington veut hâter l'élection d'un président de la République et la formation d'un gouvernement avant le 29 juin pour permettre la nomination d’un nouveau Gouverneur de la Banque centrale. Washington craint le vide dans cette institution, qui pourrait mener à un effondrement total. Pour les Américains, nommer un nouveau Gouverneur à la tête de la BDL est aussi important que l’élection présidentielle.
Dans ce contexte, un ancien haut responsable souligne que le Liban se trouve devant trois cas de figure au sujet de la présidentielle: un «marché» entre les États-Unis, l’Arabie Saoudite et l’Iran qui paverait la voie à l’élection de Sleiman Frangié dans le cadre d’un «package» global ; un accord entre les différentes composantes de l’opposition qui s’entendraient sur un candidat rassembleur faisant face à Frangié ; ou la poursuite du vide, ce qui aurait pour résultat d’aboutir à l’élection, imposée de l’extérieur, du général Joseph Aoun en sa qualité de président de salut.
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