Kalim Bechara est un jeune musicien, marchand d’art et collectionneur libanais. Il nous avait déjà confié son amour inconditionnel, presque obsessif, pour la composition, d’une part, et la collection d’art, d’autre part. Dans une démarche passionnée, à caractère aussi bien individuel que collectif, il nous explique comment il participe à la diffusion de la culture et de l’esthétique arabe tout en considérant l’art comme un investissement. Kalim est à la fois très instinctif et méthodique, cédant aux émotions ressenties à la vue d’une œuvre, mais conservant un côté entrepreneurial, le prisme de l’investissement. Kalim obtient son diplôme à Sotheby’s cette année – consacrant ainsi ses compétences en curatoriat et en conseil.
Entretien avec le directeur de la galerie Kalim Art Space à Hamra, fondée en 2021, sur l’art de construire une collection d’un million de dollars.
L’art de la collection d’art
La façon dont Kalim sélectionne les œuvres d’art qu’il acquiert repose sur la complémentarité et la simultanéité du pathos et de la praxis. Réfléchir de manière rationnelle au-delà des émotions, qui restent évidemment centrales, et regarder l’art comme un investissement et pas seulement une passion. D’autre part, ses études et ses rencontres avec ceux qui deviendront ses mentors dans la collection, qui l’accompagnent toujours, ont nourri ce côté pragmatique et lui ont permis de perfectionner sa méthode de sélection.
Un axe important de son évolution – et de son ambition – est notamment sa collaboration avec Amna al Noweis, personnalité publique et consultante en art dans les pays du Golfe. Celle-ci apparaît comme une figure de marraine, lui permettant de réellement pénétrer le marché de l’art dans la région. L’ambition de leur collaboration étroite est de placer l’art arabe sur le devant de la scène, agissant comme une forme de lobby artistique.
Par rapport à l’année dernière, la concentration de Kalim sur l’art libanais a divergé vers l’art arabe. Selon sa perspective, d'ici à une dizaine d’années, l’art arabe va atteindre une place tout autre en termes marchands, mais aussi en importance artistique intrinsèque sur le marché. Le processus est déjà enclenché, et Kalim entend continuer de surfer comme il le fait depuis le début sur la vague qu’il nomme le «mouvement culturel arabe». Mouvement dont il place non pas la genèse, mais l’explosion notable en 2020, au début de la pandémie. Par exemple, les œuvres d'Etel Adnan, artiste libanaise décédée en 2021, ont atteint des prix jamais vus dans le monde arabe (400.000 dollars pour de petites œuvres) et sont maintenant exposées dans des musées de renommée internationale comme le Guggenheim. C’est un indicateur évident du potentiel des artistes arabes. Et, si l’on en croit Kalim, le monde – arabe – est prêt à accueillir cet avènement et à investir dans l’art arabe avec autant de confiance et de fierté qu'en faisant l'acquisition d’un Picasso. Il observe une double progression dans le marché, à la fois matérialiste – business related – et profondément culturelle: «les deux montent ensemble». En effet, les gens ont une plus grande connaissance de l'art arabe et sont plus conscients de son importance, et sa valeur marchande augmente exponentiellement.
Par la suite, la collection a grandi avec la naissance de la galerie grâce au revenu généré par cette dernière. La recette de Kalim est simple, porter attention à chaque étape du processus: quoi acheter, quand acheter, comment acheter, à quel prix, quand vendre et quoi garder, tout cela en s'étant constitué un entourage de confiance.
La genèse de la galerie
Dans les dernières années, malgré les obstacles et multiples crises libanaises, Kalim a décelé une potentialité pour faire passer sa collection au niveau supérieur et mettre en exergue son esprit entrepreneurial. Kalim Art Space, c’est plus que ce qu’il a réalisé en Égypte avec ArtCairo; c’est aussi créer un espace physique d’échange pour les artistes, au-delà d’un lieu d’exposition d’une partie de sa collection personnelle, un véritable hub culturel.
La galerie se veut le véhicule de la promotion d’artistes arabes – en particulier de jeunes artistes – mais aussi de collectionneurs. En effet, l’opportunité pour les artistes émergents s’accompagne pour Kalim d’un encouragement pour les collectionneurs. Son but est d’atténuer l’appréhension d’acheter, de vendre, et par-dessus tout, d’éliminer le présupposé que l’art arabe n’est pas un investissement sûr. Kalim leur propose alors une introduction au dynamisme du marché, les incite à se lancer, faisant également office de consultant pour ses clients qu’il met en relation directe avec les artistes. Ainsi, la création d’une communauté est un des objectifs de Kalim.
Parallèlement, Kalim continue de collectionner les grands noms de la peinture arabe, comme Etel Adnan, Hussein Madi, Helen El Khal, Paul Guiragossian, Dia Al Azzawi etc. La collection, estimée à plus d’un million de dollars, est en réalité deux collections en une: une collection personnelle et une collection spécialement dédiée à la galerie.
L’art comme produit d’investissement et l’importance de l’art arabe comme marché émergent
L’art est un investissement stratégique et sûr qui comprend de nombreux avantages. Pour Kalim, il est essentiel de regarder le parcours de l’artiste, comme l’historique d’un bien sur un marché boursier. Toutefois, l’art reste un «produit de luxe», selon lui, non pas dans l’expression artistique, qui appartient à tous, mais dans son acquisition.
Tout d’abord, l’investisseur peut réellement bénéficier de son acquisition au quotidien. De plus, la valeur d’une œuvre bien choisie et conseillée augmente, atteignant des ratios inégalés par n’importe quel produit financier ou même cryptomonnaie, ou, dans le pire des cas, stagne. Ainsi, Kalim soigne ses partenariats, mettant en place un système de conseil réciproque pour permettre aux membres de cette communauté de collectionneurs et connaisseurs d’art de faire du bénéfice. L’achat personnel presque systématique d’œuvres des artistes qu’il conseille représente une garantie notable. En outre, au-delà d’une valeur intrinsèque, l’importance de l’art arabe réside dans la possibilité pour les acheteurs de la région de s’identifier culturellement à l’œuvre, à l’expression d’expériences de vie ou d’évènements partagés. Kalim met effectivement en évidence l’existence d’une unité culturelle dans l’art arabe, qui permet sans équivoque une finesse de compréhension mutuelle importante. Il entend s’inscrire directement dans ce «marché arabe» plus que prometteur.
Les projections de Kalim sont l’expansion de la galerie et de la base de données clients à Beyrouth, parallèlement à une expansion de la collection personnelle avec des pièces dites haut de gamme. Sur le moyen terme, le collectionneur envisage des collaborations avec des musées et des organisations culturelles de la région.
Article rédigé par Léa Samara
https://www.agendaculturel.com/article/comment-construire-une-collection-dun-million-de-dollars
Entretien avec le directeur de la galerie Kalim Art Space à Hamra, fondée en 2021, sur l’art de construire une collection d’un million de dollars.
L’art de la collection d’art
La façon dont Kalim sélectionne les œuvres d’art qu’il acquiert repose sur la complémentarité et la simultanéité du pathos et de la praxis. Réfléchir de manière rationnelle au-delà des émotions, qui restent évidemment centrales, et regarder l’art comme un investissement et pas seulement une passion. D’autre part, ses études et ses rencontres avec ceux qui deviendront ses mentors dans la collection, qui l’accompagnent toujours, ont nourri ce côté pragmatique et lui ont permis de perfectionner sa méthode de sélection.
Un axe important de son évolution – et de son ambition – est notamment sa collaboration avec Amna al Noweis, personnalité publique et consultante en art dans les pays du Golfe. Celle-ci apparaît comme une figure de marraine, lui permettant de réellement pénétrer le marché de l’art dans la région. L’ambition de leur collaboration étroite est de placer l’art arabe sur le devant de la scène, agissant comme une forme de lobby artistique.
Par rapport à l’année dernière, la concentration de Kalim sur l’art libanais a divergé vers l’art arabe. Selon sa perspective, d'ici à une dizaine d’années, l’art arabe va atteindre une place tout autre en termes marchands, mais aussi en importance artistique intrinsèque sur le marché. Le processus est déjà enclenché, et Kalim entend continuer de surfer comme il le fait depuis le début sur la vague qu’il nomme le «mouvement culturel arabe». Mouvement dont il place non pas la genèse, mais l’explosion notable en 2020, au début de la pandémie. Par exemple, les œuvres d'Etel Adnan, artiste libanaise décédée en 2021, ont atteint des prix jamais vus dans le monde arabe (400.000 dollars pour de petites œuvres) et sont maintenant exposées dans des musées de renommée internationale comme le Guggenheim. C’est un indicateur évident du potentiel des artistes arabes. Et, si l’on en croit Kalim, le monde – arabe – est prêt à accueillir cet avènement et à investir dans l’art arabe avec autant de confiance et de fierté qu'en faisant l'acquisition d’un Picasso. Il observe une double progression dans le marché, à la fois matérialiste – business related – et profondément culturelle: «les deux montent ensemble». En effet, les gens ont une plus grande connaissance de l'art arabe et sont plus conscients de son importance, et sa valeur marchande augmente exponentiellement.
Par la suite, la collection a grandi avec la naissance de la galerie grâce au revenu généré par cette dernière. La recette de Kalim est simple, porter attention à chaque étape du processus: quoi acheter, quand acheter, comment acheter, à quel prix, quand vendre et quoi garder, tout cela en s'étant constitué un entourage de confiance.
La genèse de la galerie
Dans les dernières années, malgré les obstacles et multiples crises libanaises, Kalim a décelé une potentialité pour faire passer sa collection au niveau supérieur et mettre en exergue son esprit entrepreneurial. Kalim Art Space, c’est plus que ce qu’il a réalisé en Égypte avec ArtCairo; c’est aussi créer un espace physique d’échange pour les artistes, au-delà d’un lieu d’exposition d’une partie de sa collection personnelle, un véritable hub culturel.
La galerie se veut le véhicule de la promotion d’artistes arabes – en particulier de jeunes artistes – mais aussi de collectionneurs. En effet, l’opportunité pour les artistes émergents s’accompagne pour Kalim d’un encouragement pour les collectionneurs. Son but est d’atténuer l’appréhension d’acheter, de vendre, et par-dessus tout, d’éliminer le présupposé que l’art arabe n’est pas un investissement sûr. Kalim leur propose alors une introduction au dynamisme du marché, les incite à se lancer, faisant également office de consultant pour ses clients qu’il met en relation directe avec les artistes. Ainsi, la création d’une communauté est un des objectifs de Kalim.
Parallèlement, Kalim continue de collectionner les grands noms de la peinture arabe, comme Etel Adnan, Hussein Madi, Helen El Khal, Paul Guiragossian, Dia Al Azzawi etc. La collection, estimée à plus d’un million de dollars, est en réalité deux collections en une: une collection personnelle et une collection spécialement dédiée à la galerie.
L’art comme produit d’investissement et l’importance de l’art arabe comme marché émergent
L’art est un investissement stratégique et sûr qui comprend de nombreux avantages. Pour Kalim, il est essentiel de regarder le parcours de l’artiste, comme l’historique d’un bien sur un marché boursier. Toutefois, l’art reste un «produit de luxe», selon lui, non pas dans l’expression artistique, qui appartient à tous, mais dans son acquisition.
Tout d’abord, l’investisseur peut réellement bénéficier de son acquisition au quotidien. De plus, la valeur d’une œuvre bien choisie et conseillée augmente, atteignant des ratios inégalés par n’importe quel produit financier ou même cryptomonnaie, ou, dans le pire des cas, stagne. Ainsi, Kalim soigne ses partenariats, mettant en place un système de conseil réciproque pour permettre aux membres de cette communauté de collectionneurs et connaisseurs d’art de faire du bénéfice. L’achat personnel presque systématique d’œuvres des artistes qu’il conseille représente une garantie notable. En outre, au-delà d’une valeur intrinsèque, l’importance de l’art arabe réside dans la possibilité pour les acheteurs de la région de s’identifier culturellement à l’œuvre, à l’expression d’expériences de vie ou d’évènements partagés. Kalim met effectivement en évidence l’existence d’une unité culturelle dans l’art arabe, qui permet sans équivoque une finesse de compréhension mutuelle importante. Il entend s’inscrire directement dans ce «marché arabe» plus que prometteur.
Les projections de Kalim sont l’expansion de la galerie et de la base de données clients à Beyrouth, parallèlement à une expansion de la collection personnelle avec des pièces dites haut de gamme. Sur le moyen terme, le collectionneur envisage des collaborations avec des musées et des organisations culturelles de la région.
Article rédigé par Léa Samara
https://www.agendaculturel.com/article/comment-construire-une-collection-dun-million-de-dollars
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