De lui, son amie Shirine dit que «c’est la sentinelle d’Achrafieh». Ensemble, en 2008, ils ont monté une brocante. Elle s’appelait Histoire-Géo. Les bibelots et les meubles anciens sont toujours là, les icônes et les photos d’un autre temps, des piles de magazines et de vieilles cartes postales, des lustres et même une énorme lampe de bloc opératoire. Un endroit un peu foutraque où l’on pénètre en descendant une volée de marches. Les antiquités cohabitent désormais avec des piles de cartons, des sacs de riz, de couches, des boîtes de lait et des conserves de thon. Bienvenue au siège d’Achrafieh 2020.
Akram Nehmé est derrière son bureau, pendu à son téléphone. À peine a-t-il raccroché que ça sonne à nouveau. Des hommes entrent et sortent, les bras chargés de cartons. Une femme arrive et vide sur le bureau d’Akram un sac de médicaments. Encore un don et il en faut toujours plus pour venir en aide aux familles qui n’auraient jamais pensé devoir, un jour, tendre la main. Le Liban s’est affaissé sur lui-même, emportant dans sa débâcle les plus fragiles et une classe moyenne qui n’a pas vu venir l’effondrement. Akram avait prédit le *collapse*. Il extirpe de son Facebook ces mots écrits le 24 août 2019: «Il est temps d’accepter de voir mourir ce système (…) Il ne faut plus se mentir.»
Entre deux consignes données aux bénévoles qui s’activent, Akram explique le fonctionnement d’Achrafieh 2020. Une obsession de la transparence sur l’origine des fonds, 240 bénévoles mobilisables sur un simple coup de fil, et surtout 1 100 familles soutenues. Une affaire qui tourne, et rondement. «Tout ici se fait dans le respect de la dignité humaine. Il faut faire en sorte que personne ne sache qui est en train d’aider qui.» Il dit aussi qu’Achrafieh 2020 «aide les gens à se mettre debout», comprenez que si les dons sont déposés chez les personnes âgées, «on ne soutient pas les jeunes sans contrepartie. Sinon, on crée une société de mendiants». Parfois, il faut ruser. Faire comme si on avait du boulot à donner à quelqu’un, alors que non, pas vraiment, mais comme ça il n’a pas l’impression qu'on lui fait la charité. Surtout pas. En revanche, pour «taper les riches», Akram n’a pas d’états d’âme. Il joue les fous du roi, pas dupe de ce qui se trame.
Les dons en liquide sont soigneusement consignés dans un carnet à souches et s’il flaire un coup tordu, une arrivée de dollars frais à l’odeur bizarre ou qui pourrait servir à réclamer on ne sait quelle contrepartie, Akram envoie balader et on devine que c’est sans mettre les formes. L’autre jour, des Américains ont débarqué dans le local, avec gardes surarmés, oreillettes et tout ce qui va dans ce drôle de décor. «On se serait crus dans un film.» Ils devaient s’attendre au tapis rouge, ce n'est pas le genre de la maison.
On espère la suite de l’histoire, ce sera pour une autre fois. Il faut avancer sur le service de soutien scolaire qui se met en place pour les jeunes du quartier. Une autre urgence. Encore. Toujours. Sans relâche.
Prochain article le samedi 8 décembre
Akram Nehmé est derrière son bureau, pendu à son téléphone. À peine a-t-il raccroché que ça sonne à nouveau. Des hommes entrent et sortent, les bras chargés de cartons. Une femme arrive et vide sur le bureau d’Akram un sac de médicaments. Encore un don et il en faut toujours plus pour venir en aide aux familles qui n’auraient jamais pensé devoir, un jour, tendre la main. Le Liban s’est affaissé sur lui-même, emportant dans sa débâcle les plus fragiles et une classe moyenne qui n’a pas vu venir l’effondrement. Akram avait prédit le *collapse*. Il extirpe de son Facebook ces mots écrits le 24 août 2019: «Il est temps d’accepter de voir mourir ce système (…) Il ne faut plus se mentir.»
Entre deux consignes données aux bénévoles qui s’activent, Akram explique le fonctionnement d’Achrafieh 2020. Une obsession de la transparence sur l’origine des fonds, 240 bénévoles mobilisables sur un simple coup de fil, et surtout 1 100 familles soutenues. Une affaire qui tourne, et rondement. «Tout ici se fait dans le respect de la dignité humaine. Il faut faire en sorte que personne ne sache qui est en train d’aider qui.» Il dit aussi qu’Achrafieh 2020 «aide les gens à se mettre debout», comprenez que si les dons sont déposés chez les personnes âgées, «on ne soutient pas les jeunes sans contrepartie. Sinon, on crée une société de mendiants». Parfois, il faut ruser. Faire comme si on avait du boulot à donner à quelqu’un, alors que non, pas vraiment, mais comme ça il n’a pas l’impression qu'on lui fait la charité. Surtout pas. En revanche, pour «taper les riches», Akram n’a pas d’états d’âme. Il joue les fous du roi, pas dupe de ce qui se trame.
Les dons en liquide sont soigneusement consignés dans un carnet à souches et s’il flaire un coup tordu, une arrivée de dollars frais à l’odeur bizarre ou qui pourrait servir à réclamer on ne sait quelle contrepartie, Akram envoie balader et on devine que c’est sans mettre les formes. L’autre jour, des Américains ont débarqué dans le local, avec gardes surarmés, oreillettes et tout ce qui va dans ce drôle de décor. «On se serait crus dans un film.» Ils devaient s’attendre au tapis rouge, ce n'est pas le genre de la maison.
On espère la suite de l’histoire, ce sera pour une autre fois. Il faut avancer sur le service de soutien scolaire qui se met en place pour les jeunes du quartier. Une autre urgence. Encore. Toujours. Sans relâche.
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