Et si Ghassan Tuéni était parmi nous?

En ce jour, nous nous souvenons de Ghassan Tuéni. Son nom seul suffit à évoquer un homme d’exception. Son nom résonne encore dans nos mémoires et nos cœurs.
Ghassan Tuéni incarne Beyrouth, cette ville qui fut bien plus qu’un simple lieu géographique. Elle était une scène de théâtre, une imprimerie où les mots prenaient vie et les livres trouvaient leur place dans les bibliothèques et même sur les trottoirs. Dans les cafés, les intellectuels rêvaient d’un monde meilleur et plus juste. Beyrouth se transformait en une véritable œuvre d’art, où une jeune fille aux traits délicats esquissait un sourire timide. Les marchands de journaux criaient les gros titres. Les campus universitaires étaient animés par le mouvement estudiantin et les restaurants combinaient les délices culinaires à l’accueil chaleureux des hôtes souriants, qui lançaient le joyeux «Ahlan wa Sahlan».
Ghassan Tuéni incarne an-Nahar, un quotidien qui est à l’image du Liban. Révolutionnaire, il offre un espace à toutes les opinions. Les yeux des États arabes était rivés sur lui, et il défendait un Liban libre, souverain et indépendant, que certains ont tenté de détruire maintes fois.
Ghassan Tuéni est également l’archétype de la diplomatie libanaise, dont nous étions fiers. Depuis la tribune des Nations unies, il criait: «Laissez mon peuple vivre». Il faisait parvenir la voix du Liban qui était devenu le théâtre des guerres des autres. Avec feu Fouad Boutros à ses côtés, il incarnait une diplomatie de valeur et d’intégrité. Hélas, nous avons assisté à la chute de cette grandeur, avec des ministres des Affaires étrangères incompétents et des ambassadeurs qui dansent, qui agressent les autres et qui finissent par être poursuivis.

Ghassan Tuéni symbolise la liberté d’expression, la profondeur de la réflexion et une plume incisive qu’attendaient de lire chaque matin le dirigeant et le citoyen. Le premier la craignait car il ne pouvait pas la dompter, alors que le second en prenait de la graine. Sa plume et sa pensée mêlaient avec brio philosophie et simplicité.
Ghassan Tuéni était le père de Gebran, qui a guidé notre révolution en tant que jeunes. L’auteur du célèbre serment... Gebran incarnait an-Nahar des jeunes, le journal qui éveillait en nous le désir ardent de nous exprimer. L’éloge funèbre de Ghassan à Gebran reste gravé dans nos esprits. Ses paroles étaient empreintes d’enseignements chrétiens, de valeurs humaines et de dimensions philosophiques, nourrissant nos esprits assoiffés de vérité et d’inspiration.
Ghassan Tuéni était tout cela et bien plus encore. À une époque où nous manquons cruellement de grandes figures, engloutis dans des querelles politiques stériles, nous attendions avec impatience ses articles du lundi, cherchant un leader parmi les méandres des intérêts politiques qu’il transcendait. Nous nous tournons vers ses archives, écrites et illustrées, pour y puiser l’inspiration et la sagesse afin de faire face à notre réalité, dans un pays où l’histoire se répète inlassablement sans que nous en tirions les leçons qui s’imposent.
Aujourd’hui, Ghassan Tuéni a rejoint Gebran et Nadia. Peut-être écrivent-ils et lisent-ils là-haut, observant, non sans tristesse, ce que leur Liban bien-aimé est devenu.
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