Les TCA - (2) Témoignage sur l’anorexie mentale

En guise d’introduction, voici un article-témoignage de Lise, une jeune fille anorexique de 14 ans, publié en ligne en 2018 par le journal La Dépêche):
Lise (le prénom a été changé) a 14 ans lorsqu’elle est diagnostiquée «anorexique». Tandis qu’elle mettra plusieurs semaines pour comprendre la situation, c’est un choc pour ses parents qui posent immédiatement des images et des notions sur ce trouble. Sept ans plus tard, elle est enfin sortie de cette «spirale infernale», comme elle la qualifie. Alors que cette conduite est entourée de nombreuses idées fausses, Lise a décidé de témoigner dans l’espoir de ne plus entendre dire que ce trouble de la conduite alimentaire est un «simple caprice».
«Lorsque j’entends dire que guérir d’anorexie relève de la simple volonté, cela me met en colère.» Lise a longtemps été malade. Anorexique, elle ne s’alimentait que très peu. Elle calculait tout ce qu’elle mangeait, s’interdisait nombre d’aliments et dépensait chaque calorie avalée en divers exercices physiques épuisants. Au point de descendre en dessous d’un indice de masse corporelle (IMC) sain et de mettre sa vie en péril.
Bien que cette pathologie semble, pour certains, relever d’un choix, il n’en est rien. «Je ne pouvais vraiment pas m’en empêcher.» Ce trouble de la conduite alimentaire est bien une addiction et donc une pathologie. Et bien entendu, la guérison ne dépend pas uniquement de la seule volonté.
Déni
Alors qu’elle est en classe de troisième, elle n’a plus ses règles depuis plusieurs mois déjà. C’est la raison pour laquelle Lise consulte sa gynécologue. «En me pesant, elle a soupçonné que quelque chose n’allait pas.» Alors, l’adolescente est dirigée vers son médecin traitant, puis le CHU de Saint-Nazaire. Entre pédiatrie et service pour adultes, thérapie, hospitalisations courtes et service ambulatoire, elle est suivie pendant plusieurs années. Elle entrera ensuite en contact avec l’hôpital de jour du CHU de Nantes. «J’ai eu un parcours en montagnes russes», indique-t-elle. «Parfois les médecins pensaient que j’étais sur la bonne voie, et soudain ça repartait…»
Le combat contre une pathologie comme l’anorexie est rarement un chemin tranquille. Les patients doivent réapprendre à s’aimer, reprendre confiance en eux-mêmes et retrouver des plaisirs simples. Et en tout premier lieu, les soignants leur font prendre conscience de leur maladie. «Je ne me rendais pas compte que je perdais du poids. Quand vous vivez avec quelqu’un, vous ne vous rendez pas compte s’il grandit, grossit… Avec soi-même c’est pareil», explique Lise. «Il y avait bien le chiffre (son poids, ndlr), mais pour moi il ne correspondait pas à la réalité.»
«Une calculette dans la tête»
Et même lorsque l’adolescente devenue jeune adulte prend conscience de son état, il lui est très difficile de s’en défaire. «La maladie joue un rôle de protection. Même si c’est faux, c’est l’impression que j’en avais», poursuit-elle. « C’était une sorte de carapace, qui me donnait la sensation de tout contrôler. Je me croyais forte. Je comptais chaque calorie que j’ingurgitais et que je dépensais en faisant du sport. J’avais une calculette dans la tête.»
Mais cette «carapace» que constitue la maladie est à «double tranchant», selon Lise. Car, finalement, «c’est la maladie qui contrôlait ma vie». Aujourd’hui elle la voit clairement. «L’anorexie est une conduite dont on ne peut tellement pas se passer qu’on a littéralement peur d’en sortir, peur de l’inconnu car on ne sait plus comment faire sans.»
Se comparer aux autres

«La barrière entre 'faire attention à son poids' et la pathologie est fine», souligne-t-elle. Même si l’image de soi et des autres joue un rôle dans cette affection, Lise ne prend pas particulièrement exemple sur les mannequins des magazines. «Je me comparais davantage aux autres, aux filles de ma classe, aux gens que j’admirais au quotidien.»
«Ma maman a toujours fait attention à ce qu’elle mangeait et, en tant qu’ado, j’ai voulu 'faire attention' moi aussi.» Perdre un peu, manger plus équilibré… Petit à petit, Lise a commencé à s’interdire des aliments. «Mes parents étaient au courant, je ne leur ai rien caché», précise-t-elle. Au début, «ils ne se sont pas inquiétés». Ensuite, «j’ai beaucoup culpabilisé de les faire souffrir».
Un énorme travail sur soi
Aujourd’hui, à 22 ans, Lise revient encore avec émotion sur ces années de lutte. «Ce fut un gros travail sur moi-même avec beaucoup de réflexion personnelle.» Encadrée par les équipes soignantes qui la suivaient, et le soutien de ses proches «parfois maladroits mais présents», elle a avancé doucement vers un mieux-être.
«J’ai appris à prendre soin de mon corps, à ne pas le maltraiter, à me faire plaisir», détaille Lise. Mais surtout, elle a écrit. Sur elle, ses émotions, son ressenti.
Malgré tout, elle assure qu’il ne faut jamais perdre espoir. «Peu importe les années et le nombre de contrats que vous passerez avec l’hôpital de jour, la situation peut s’améliorer. La guérison est possible», insiste-t-elle. «Prenez soin de vous, essayez de nouveaux aliments, réessayez ceux que vous vous interdisiez! Soulever ces barrières et ces a priori m’a permis d’avancer», conseille-t-elle.
C’est dans cet état d’esprit que Lise est parvenue à «enrichir son quotidien et à vivre malgré tout». Il s’agit là d’un message important que la jeune femme souhaite transmettre. «Je ne regrette rien, et ce fut un travail aussi de ne pas considérer cette période de ma vie uniquement comme une phase négative.» Ces années sont désormais à ses yeux «une épreuve/expérience qui m’a forgée et fait de moi celle que je suis aujourd’hui.»

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