Les chancelleries libanaises à l’étranger: entre fastes et austérité

 
Les chancelleries libanaises à l’étranger ont besoin d’une sérieuse restructuration. Des sommes faramineuses sont dépensées inutilement alors que l’essentiel est souvent laissé pour compte. Le ministre sortant des Affaires étrangères, Abdallah Bou Habib, doit présenter mardi un plan de réorganisation des représentations libanaises à l’étranger. Retour sur ce corps diplomatique et ses dépenses qui font couler beaucoup d’encre.    
La diplomatie libanaise a besoin d’une sérieuse restructuration. Ses dépenses font couler beaucoup d’encre. Des sommes faramineuses sont dépensées inutilement alors que l’essentiel est souvent laissé pour compte.
Le Liban compte 80  missions diplomatiques à l’étranger réparties entre  65 ambassades et 15 consulats généraux. Le salaire annuel total des diplomates (à l'étranger) s’élève à environ 30 millions de dollars, avec des traitements mensuels variant entre 10 000 et 15 000 dollars. Le coût total des chancelleries est de 60 millions de dollars. Avant la crise économique et financière, ce chiffre s’élevait à 120 millions de dollars. Les recettes consulaires sont estimées à environ 20 millions de dollars par an. La représentation libanaise à New York serait celle qui coûte le plus cher.
Une politique d’austérité a été mise en place il y a pratiquement deux ans, réduisant les dépenses de 67%. Néanmoins, les diplomates estiment qu’ils ont payé le prix fort du chaos libanais avec des salaires réduits de 55%. À noter qu’à première vue, le salaire du diplomate peut paraître faramineux, mais certaines villes sont très chères, telles que New York, Paris ou Londres. D’autre part, le diplomate ne bénéficie d’aucune allocation (médicale ou scolaire) et ses indemnités de fin de service sont désormais dérisoires au vu de la dévaluation de la livre. De plus, le diplomate doit acheter la voiture dans laquelle il circule et ne bénéficie que d’un seul billet d’avion chaque trois ans à destination du Liban.
Les traitements des employés des chancelleries libanaises sont calculés d’après la charte des Nations-Unis, auxquels s’ajoutent les frais d’expatriation. À noter que depuis le début de la crise, en raison de la difficulté du ministère des Affaires étrangères à assurer des dollars, les salaires des employés des chancelleries ne sont pas versés tous les mois.
En avril dernier, le ministère des Affaires étrangères a dû quitter l’immeuble du consulat du Liban à Paris pour des raisons financières, le loyer du consulat s’élevant à 220 000 euros par an.
Douze représentations pourraient fermer
Douze ambassades et consulats jugés non essentiels pourraient également fermer leurs portes mais la décision n’est pas du ressort du ministère des Affaires étrangères. Elle relève du Conseil des ministres. Or, il est très peu probable que le gouvernement d’expédition des affaires courantes de Najib Mikati planche sur cette question alors qu’il a du mal à prendre des décisions urgentes. Le ministre sortant des Affaires étrangères a annoncé mardi un plan de restructuration de la représentation diplomatique. Son prédécesseur Nassif Hitti avait également réalisé une feuille de route pour réduire les dépenses et fermer certaines ambassades, mais ce document est resté lettre morte.
Lors d'une conférence de presse, mardi, M. Bou Habib a ainsi annoncé que les mesures d'austérité adoptées par son département ont permis de réduire les dépenses des missions diplomatiques de près de 14 millions de dollars en 2022.

"Nous avons demandé aux ambassadeurs de réduire les salaires et les dépenses de leurs missions respectives et nous avons supprimé 165 postes qui étaient occupés par des employés locaux", a déclaré M. Bou Habib, ajoutant que le plan d'austérité est toujours "en cours de réalisation", puisque d'autres réductions de salaires et du nombre d'employés locaux sont prévues.
Le ministre a souligné que l'augmentation des frais consulaires a généré des revenus considérables pour 15 ambassades, leur permettant de maintenir leurs opérations et d'aider à maintenir celles d'autres missions diplomatiques ayant moins de revenus.
"Le ministère des Affaires étrangères ne paie que les salaires des diplomates", a-t-il ajouté.
Une représentation mal gérée
Contacté par Ici Beyrouth, un diplomate qui a souhaité garder l’anonymat, estime que la représentation du Liban à l’étranger est aussi mal gérée que le pays. Il considère que certaines ambassades pourraient être fermées et fusionnées avec ce qui est appelé dans le jargon diplomatique un ambassadeur non-résident. Chose que le Liban pratique déjà. Beyrouth est représenté auprès du Vatican et du Portugal par le même ambassadeur. De ce fait, les loyers de la chancellerie et les salaires du staff administratif sont économisés.
“Il faut vivre selon ses moyens. Dans certains pays, les résidences des ambassadeurs dépassent les normes nécessaires. De même, le Liban loue des locaux extrêmement chers. Pourquoi engager des dépenses excessives et inutiles?”, dit-il, avant d’ajouter que “certains diplomates touchent des salaires très élevés et certains postes sont à supprimer. À titre d’exemple, le Liban n’a pas besoin de plusieurs attachés militaires par pays”.
Le diplomate déplore que le ministère libanais des AE soit pris au piège “du clientélisme et de la corruption à la libanaise”. “Il ne s’agit pas de réduire l’influence, le rôle ou le statut du Liban à l’étranger, mais de réorganiser la diplomatie en rééquilibrant les représentations”.
Le prix exorbitant du passeport libanais à l’étranger
Par ailleurs, le passeport libanais est l’un des plus chers au monde.  Renouveler son passeport libanais à l’étranger coûte une fortune. Ainsi, pour un document de voyage d’une validité de 10 ans, il faut débourser 600 dollars aux États-Unis contre environ 130 dollars pour un passeport américain, 528 euros en France contre 96 euros pour le passeport français, 720 dollars canadiens au Canada, 429 livres sterling en Angleterre, 2 210 dirhams aux Émirats arabes unis… En gros, il faut compter entre 540 et 600 dollars. C’est quand même un peu cher pour un document classé 99ème sur 108 de l’Index Henley 2023 permettant un accès sans visa à seulement 41 pays.
À titre comparatif, renouveler son passeport au Liban coûte 12 millions de LL, environ 129 dollars. Pour la procédure accélérée, il faut ajouter 4 200 000 LL supplémentaires, soit environ 50 dollars.
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