Dans un nouveau rapport rendu public mardi, l’Unicef met l’accent sur l’impact de la crise sur les ménages vulnérables au Liban.
«En ces temps difficiles, nous changeons nos habitudes alimentaires. Nous achetons les produits les moins chers. Nous ne pouvons plus nous permettre d’acheter de nombreux articles et cela affecte le bien-être de nos enfants.» Ces propos, tenus par une mère libanaise lors d’un entretien accordé à l’Unicef, en disent long sur la situation précaire dans laquelle vivent de plus en plus de familles au Liban, alors que la crise économique et financière qui sévit dans le pays depuis quatre ans ne cesse d’empirer.
De fait, d’après un nouveau rapport rendu public mardi par l’Unicef, les familles au Liban peinent à assurer leurs besoins les plus élémentaires. Elles réduisent encore plus leurs dépenses et nombre d’entre elles poussent leurs enfants à travailler pour pouvoir joindre les deux bouts.
Selon le document, près de 9 ménages sur 10, soit 86% des familles ayant fait l’objet de l’étude, ont confié ne pas avoir assez d’argent pour se procurer les produits de base, contre 76%, il y a un an. Deux ménages sur 5, soit 38%, sont contraints de vendre leurs biens pour survivre, contre 28% l’an dernier, constate l’Unicef dans ce rapport intitulé L’Avenir en sursis: l’aggravation de la crise au Liban brise le moral des enfants. Plus encore, 30% des ménages ont confié qu’au moins un de leurs enfants dort le ventre vide, contre 23% l’an dernier.
L’étude a été menée en mai 2023, par téléphone, auprès de 2.090 ménages ayant un enfant au moins. Parmi ces familles, 1.083 sont libanaises, 518 sont syriennes et 489 sont palestiniennes.
Toujours d’après ce rapport, plus d’une famille sur dix pousse ses enfants, dont certains n’ont que 6 ans, à travailler pour pouvoir joindre les deux bouts. De plus, 75% des ménages ont réduit leurs dépenses pour la santé (60% en juin 2022). Par ailleurs, 15% d’entre elles ont interrompu l’éducation de leurs enfants et 52% ont réduit les dépenses relatives à l’éducation, contre respectivement 10% et 38% l’an dernier.
«Je veux que mes enfants vivent leur enfance. Je veux qu’ils jouent et qu’ils aillent à l’école», confie à cet égard un père de trois enfants. «Ce qui m’importe le plus, c’est que mes enfants bénéficient d’une couverture sociale et qu’ils aient accès à leurs droits les plus élémentaires comme la nutrition et l’éducation», renchérit un autre.
D’après un rapport de l’Unicef plus d’une famille sur dix pousse ses enfants dont certains n’ont que 6 ans à travailler pour pouvoir joindre les deux bouts. ©Unicef/Fouad Choufany
Une colère contre les enfants
Sur le plan médical, seuls 56% des enfants malades ont reçu les soins nécessaires. De leur côté, plus de la moitié des femmes et filles ont confié ne pas avoir accès aux articles d’hygiène féminine comme les serviettes hygiéniques. Pour l’ensemble des femmes interrogées (97%), ces produits sont onéreux.
La lutte que mènent les parents au quotidien pour subvenir aux besoins des leurs est telle qu’ils se sentent sous un stress constant, qui se traduit par une colère contre leurs enfants. De fait, 53% des personnes interrogées dans le cadre de cette étude ont confié être moins tolérantes avec leurs enfants et plus sévères que d’habitude, au point de vouloir les engueuler ou les frapper. Pour 27% des ménages, la situation dans laquelle ils se trouvent sera plus dramatique dans un an.
Du côté des enfants, cette situation de précarité, couplée à la tension, affecte leur santé mentale. D’après le rapport, 7 parents sur 10 ont confié que leurs enfants sont anxieux, nerveux ou inquiets. Près de la moitié d’entre eux ont souligné que leurs enfants se sentent plus tristes ou déprimés, et 62% ont noté que le bien-être de leurs enfants s’est détérioré durant la dernière année.
D’ailleurs, une ancienne étude menée par l’Unicef a mis l’accent sur les ruptures au sein des familles, les enfants perdant confiance en leurs géniteurs parce qu’ils étaient dans l’incapacité de subvenir à leurs besoins les plus élémentaires.
Face à cette situation, l’Unicef a appelé le gouvernement à mettre rapidement en œuvre la stratégie nationale de protection sociale (NSPS) récemment élaborée, dans le cadre de laquelle des subventions sociales devraient être accordées à ceux qui en ont le plus besoin, principalement les foyers comptant des enfants. L’Unicef a également appelé le gouvernement à investir dans l’éducation, et ce, en menant des réformes et élaborant des politiques nationales susceptibles de permettre à tous les enfants d’accéder à une éducation inclusive et de qualité.
Selon un rapport de l’Unicef 15% des ménages au Liban ont interrompu l’éducation de leurs enfants et 52% d’entre elles ont réduit les dépenses relatives à l’éducation contre respectivement 10% et 38% l’an dernier.
©Unicef/Fouad Choufany
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