L'affaire de Qornet el-Saouda: Journée de deuil lundi à Becharré
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La situation reste calme mais tendue à Becharré après le dérapage sécuritaire qui s'est produit samedi dans le secteur de Qornet el-Saouda où deux jeunes de la localité, Haytham Jemil Hindi Tok et Malek Jaafar Tok, ont été tués par des tirs. L'incident sanglant s'est produit dans le jurd de Becharré, dans une zone limitrophe de Becharré et Denniyé, dans le secteur de Bkaa Sefrine, à cheval entre les deux cazas.
Cet incident a provoqué une vague d'indignation et un profond sentiment de révolte et de colère dans la région de Becharré qui observera une journée de deuil lundi, incluant la fermeture de tous les commerces et établissements. Les obsèques des deux jeunes victimes auront lieu lundi à 17 heures dans la localité de Becharré. Tard dimanche soir, la localité de Deir el-Ahmar, à Baalbeck, à la périphérie du caza de Becharré, a annoncé qu'elle observera elle aussi une journée de deuil, lundi, en signe de solidarité avec les habitants de Becharré. En fin de soirée, dimanche, les familles des deux victimes ont publié un communiqué appelant les habitants à s'abstenir de tirer en l'air durant les obsèques. 
Il convient de rappeler dans ce contexte que la zone de Qornet el-Saouda (plus de 3000 mètres d'altitude, soit le sommet le plus élevé du Liban) est souvent le théâtre d'incidents et de tensions chroniques entre les habitants de Becharré et de Denniyé en raison d'un conflit qui remonte à non moins de 25 ans et qui porte sur la propriété de terrains et de sources d'eau dans la région. Le secteur en question est en effet riche en eau provenant de la fonte des neiges, très abondantes du fait de la haute altitude. Les agriculteurs de Denniyé installent régulièrement, au début de l'été, des canalisations pour drainer l'eau et irriguer leurs terres agricoles, ce qui est perçu par les habitants de Becharré comme une spoliation des terrains dont ils affirment être les propriétaires. 
La passivité, voire l'absence totale de l'Etat a eu pour conséquence au fil des ans d'envenimer la situation et d'accroître la tension, d'autant que le profil démographique et politico-socio-communautaire de la région rend la situation plus complexe, Becharré étant un caza presque exclusivement maronite (où les Forces libanaises sont fortement présentes) et Denniyé est à  prédominance sunnite. Les risques de dérapage sont par conséquent grands, comme l'a montré l'incident sanglant de samedi. C'est ce qui a poussé deux moukhtars de Becharré à souligner clairement samedi soir que le conflit n'oppose nullement les habitants de Becharré à la population de Denniyé, mais les bécharriotes à "des groupes bien déterminés de Denniyé" dont les membres sont bien connus, "individuellement", ont-ils affirmé. "Nous connaissons les identités de ceux qui sont responsables de la mort de Haytham Tok et nous réclamons qu'ils soient livrés à la justice", a souligné le moukhtar Tony Fakhri.
Notre confrère Riad Tok (de la MTV) a abondé dans le même sens, soulignant que "Becharré ne peut accepter que deux de ses jeunes soient tués gratuitement". "Il faut en priorité que les coupables soient livrés à la justice, a-t-il affirmé. On discutera ensuite".
Le père Hani Tok, connu pour ses positions conciliantes, a déclaré pour sa part: "Nous n'avons jamais agressé quelqu'un, mais nous ne voulons pas, par contre, être agressés par quiconque. Nous rendons hommage aux habitants de Becharré pour la retenue dont ils ont fait preuve".
Le mufti et l'évêque maronite de Tripoli  
Le risque de débordement dans ce contexte a poussé le mufti sunnite de Tripoli, le cheikh Mohammed Imam, et l'archevêque maronite de Tripoli, Mgr  Youssef Soueyf, à publier un communiqué commun dénonçant "l'incident douloureux" de Qornet el-Saouda et appelant "les habitants qui vivent ensemble depuis des siècles dans les deux régions de Becharré et Denniyé à réaffirmer la cohésion nationale afin de surmonter la douleur commune". 
Le député Michel Moawad a déclaré de son côté que "le crime odieux de Qornet el-Saouda risque d'avoir des retombées fâcheuses et de menacer la paix civile". "Becharré ne sera pas seule", a déclaré M. Moawad qui a rendu hommage à "l'attitude sage adoptée par les instances politiques et religieuses qui ont stigmatisé le crime".  
Le Parti socialiste progressiste a lui aussi condamné  "le crime odieux à Becharré", soulignant la nécessité de s'opposer à toute tentative de provoquer la discorde dans la région.       
Abondant dans le même sens, le général Achraf Rifi, député de Tripoli, est entré en contact avec le leader des Forces libanaises, Samir Geagea, stigmatisant l'incident et mettant en garde contre un plan "prémédité" visant à semer la discorde entre Becharré et Denniyé.
Entretien téléphonique Geagea-Gemayel 
Le leader du parti Kataëb, Sami Gemayel, est entré en contact par téléphone avec le commandement de l'armée ainsi qu'avec le président des Forces libanaises afin de s'enquérir des développements de la situation.
Le leader des Marada, l'ancien député Sleiman Frangié, a souligné de son côté sa "sympathie à l'égard des familles des victimes à Becharré", appelant à "la sagesse afin de couper court à toute discorde".

Le député Fayçal Karamé a dénoncé "l'incident douloureux survenu à Qornet el-Saouda". Il a présenté sur ce plan ses condoléances à "tous les habitants de Becharré", invitant les services de sécurité à dévoiler "la vérité" au sujet de cette affaire. M. Karamé a mis en garde enfin contre toute tentative de provoquer une discorde confessionnelle ou sectaire dans le pays.
Le député Georges Atallah (CPL) a condamné le meurtre, exprimant sa sympathie à l'égard des familles des victimes et des habitants de Becharré. Il a lui aussi mis en garde contre toute tentative de susciter la discorde entre les habitants des deux régions.
Le ministre de l'Information, Ziad Mekari (proche du courant des Marada de Sleiman Frangié) a stigmatisé le meurtre, soulignant qu'il ne saurait y avoir d'appaisement sans le rétablissement de l'autorité de l'Etat.
Quant au député de Becharré Melhem Tok, il a appelé les habitants de la région à préserver le calme tout en stigmatisant en des termes très sévères "les bandes armées qui s'emploient depuis plusieurs années à porter atteinte à notre terre et à nous entrainer dans une lutte interne que nous ne voulons pas". "Ce crime odieux n'a pas été perpétré (samedi) par des éléments armés inconnus, mais par des francs-tireurs qui tentent de mettre la main sur notre terre. Si nous appelons au calme, cela ne signifie pas que nous renoncerons à obtenir nos droits, après le sang qui a été versé".
Le rappel des faits
Pour en revenir aux faits, la députée de Becharré, Sethrida Geagea, avait indiqué samedi que Haytham Tok a été tué par «des éléments armés dont les identités n’ont pas été déterminées et qui se trouvaient dans la région». Mme Geagea avait fait cette déclaration avant la découverte du corps de Malek Tok, plus tard dans la journée de samedi. La députée de Becharré avait demandé dans ce cadre au commandant en chef de l'armée, le général Joseph Aoun, de dépêcher une unité de l’armée dans la région afin de faciliter l’ouverture d’une enquête urgente et de dévoiler les coupables pour les traduire en justice.
Mme Geagea avait reçu samedi un appel du Premier ministre sortant Nagib Mikati qui a stigmatisé vivement l'incident, appelant les habitants de Becharré à préserver le calme. M. Mikati a, d'autre part, souligné que les auteurs du meurtre devront répondre de leur acte et être jugés.
Notons sur ce plan que le premier juge d'instruction au Liban-Nord, Samandra Nassar, suit de près le déroulement de l'enquête. Concernant sur ce plan les circonstances dans lesquelles les deux jeunes ont été tués, diverses sources concordantes indiquent que Haytham Tok a été tué par un franc-tireur posté dans le jurd de Denniyé. Il a été atteint d'une balle en pleine poitrine samedi matin. S’agissant des circonstances de la mort de Malek Tok, deux versions ont été rapportées quant à l'origine du tir qui lui a coûté la vie. Certaines sources indiquent qu'il a été atteint lui aussi par un franc-tireur positionné dans le jurd de Denniyé. D'autres sources affirment par contre qu'il a été tué par un tir de l'armée après s'être rendu avec d'autres jeunes de Becharré dans la zone où Haytham Tok avait été tué plus tôt dans la journée. L'un des moukhtars de Becharré, Tony Fakhri, a indiqué sur ce plan au site Houna Loubnan (Ici Liban) que Malek Tok a été tué "par erreur" par un militaire.
Tard samedi soir, la direction de l'Orientation au sein du commandement de l'armée a publié un communiqué exposant les faits. Le communiqué indique qu'un habitant "a été la cible de tirs à Qornet el Sawda, ce qui a provoqué sa mort". "Un autre citoyen a été tué par la suite dans la même région", précise le commandement de l'armée qui rappelle dans ce cadre qu'en date du 12 juin dernier, il avait mis en garde les citoyens contre toute vélléité de "s'approcher de la zone d'entrainement militaire à Qornet el-Saouda". "Le commandement de l'armée réaffirme une nouvelle fois que tous les citoyens doivent s'abstenir de s'approcher de cette région", souligne le communiqué qui indique, en conclusion, qu'au cours des opérations menées par l'armée, samedi, "un certain nombre de personnes ont été appréhendées, de même que des armes et des munitions ont été saisies". A ce propos, cinq jeunes de Becharré avaient été interpellés samedi pour les besoins de l'enquête. Ils ont été libérés dimanche. Par contre, les Services de Renseignements de l'armée ont arrêté onze habitants de Denniyé soupçonnés d'être impliqués dans l'incident de samedi.
Le Hezbollah dément être lié à l'incident 
Signalons enfin qu'une source proche du Hezbollah a affirmé dimanche matin que la formation pro-iranienne n'est nullement impliquée dans l'incident sanglant de Qornet el-Saouda. "Le Hezbollah, souligne la source en question, a pris les mesures qui s'imposent afin d'éviter toute friction avec ses partisans (et les habitants de Becharré) qui sont postés en certains endroits face à Becharré. Le parti, ajoute la même source, oeuvrera à contrôler la situation car tout débordement à Qornet el-Saouda se répercutera négativement sur la stabilité dans de nombreuses régions, et il s'agit là d'une ligne rouge".
 
 

 
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