La Fédération des municipalités de Denniyé s’est solidarisée avec Bécharré et a insisté sur l’identification et l’arrestation des meurtriers de Haytham et de Malek Tok.
À Bécharré, la colère et le chagrin étaient au rendez-vous, lundi, pour les obsèques de Haytham et de Malek Tok, tués samedi à Qornet el-Saouda, pour des raisons qui restent encore inconnues mais qui sont attribuées à un problème de délimitation de terrains et d’exploitation des ressources hydrauliques entre les deux cazas de Bécharré et de Denniyé.
L’enquête suit son cours alors que des appels au calme et à la retenue sont lancés de toutes parts. À Bécharré, les tirs en l’air ont été interdits et le village de Bqaa Sefrine a observé une journée de deuil, en signe de solidarité avec Bécharré. Haytham et Malek Tok, rappelle-t-on, avaient été tués par des tirs d’origine inconnue dans le secteur de Bqaa Sefrine, une zone limitrophe de Bécharré et de Denniyé.
Des informations contradictoires sont fournies au sujet du nombre de personnes interpellées pour les besoins de l’enquête. Certains avancent le chiffre 5. D’autres évoquent une vingtaine, dont le vice-président du conseil municipal de Bqaa Sefrine et trois bergers qui ont l’habitude de sillonner la région où le meurtre s’est produit. Tous, il faut le préciser, sont entendus à titre de témoins.
Quoi qu’il en soit, tous ceux qui se sont exprimés lundi, en marge des obsèques, ont jugé indispensable que la procédure judiciaire suive son cours afin d’identifier les coupables et de leur infliger les sanctions qu’ils méritent.
Le patriarche maronite Béchara Raï a insisté sur ce point lors de son oraison funèbre. "Si la justice avait effectué son travail, cette tragédie ne se serait pas produite. Nous redoutons que la défaillance de la justice se poursuive, que les coupables échappent aux sanctions, ce qui fera prévaloir la loi de la jungle", a-t-il averti.
Et d’ajouter: «Nous réclamons la justice. Ni plus ni moins. Nous réclamons aussi la justice au niveau de la délimitation des terrains» entre les deux cazas. Mgr Raï a relevé que les habitants de Bécharré "privilégient les solutions". "Nous connaissons nos limites et nous connaissons aussi le meurtrier. Ce qui s’est passé n’est pas un simple incident", a encore dit le patriarche.
Les obsèques se sont déroulées en présence d’un grand nombre de personnalités politiques, dont les députés Sethrida Geagea, William Tok, Michel Moawad, Nadim Gemayel, Achraf Rifi, Razi Hajj, Fadi Karam, Antoine Habchi, Jihad Pakradouni, Yazbeck Wehbé et Michel Doueihy, l’ancien député Gebran Tok ainsi que Mme Myriam Tok Skaff. Le député Tony Frangié était venu le matin au village pour présenter ses condoléances aux familles des deux victimes.
En dépit des appels à la retenue, des mises en garde étaient également formulées contre des atermoiements au niveau de l’enquête.
«Le sang versé par Malek et Haytham a tracé les limites que nous réclamions. A ceux qui ne nous connaissent pas, nous disons: Nous ne dilapidons pas un sang versé et nous ne faisons pas de concessions sur nos terres ou notre dignité», a lancé le député William Tok au terme de l’office funèbre.
Il a appelé «ceux qui misent sur la patience et la sagesse des Bécharriotes à ne pas commettre d’erreurs, parce que les appels à la retenue ne signifient pas que nous allons faire preuve d’indulgence dans cette affaire».
Mise en garde de la famille
Dans un communiqué, la Ligue de la famille Tok indiqué que les travaux de cadastres entre le caza de Bécharré et celui de Denniyé "avaient permis de délimiter la frontière entre les deux depuis la Moutassafrifiya", rejetant de ce fait "les prétextes avancés pour justifier le crime". Elle a souligné que Haytham Tok a été tué par "un franc-tireur professionnel", dénonçant "ceux qui puisent leur pouvoir dans un excès de force pour porter atteinte aux individus et aux propriétés", avant d’insister sur le fait que "cet excès de force peut détruire le pays".
La Ligue a aussi souligné l’attachement de Bécharré à l’État et à l’armée, mais a affirmé en vouloir aux forces régulières "dont les balles ont tué Malek".
La Ligue a dénoncé le retrait de la voiture ciblée par des tirs de la scène du crime, "alors qu’elle représentait une preuve indéniable" et a demandé au commandement de l’armée d’"élucider sans tarder les circonstances dans lesquelles le meurtre s’est produit pour que l’auteur des tirs soit sanctionné".
Des menaces à peine voilées étaient contenues dans le communiqué de la Ligue qui a mis en garde contre "le maintien de ces comportements", en soulignant que "Bécharré dispose aussi d’un excès de force qu’elle met au service du droit".
De son côté, Sethrida Geagea, députée de Bécharré, a indiqué dans une déclaration qu’elle a pris contact avec le commandant en chef de l’armée, le général Joseph Aoun, qui l’a informée que "les habitants de Bécharré qui avaient été interpellés après l’incident allaient rester pour quelque temps avec les enquêteurs pour les besoins des investigations en cours".
Elle a insisté sur le fait qu’elle suivra le dossier "jusqu’au bout pour que justice soit rendue dans l’affaire de Qornet el-Sawda". "Bécharré reste attachée à la paix civile et aux lois, mais nous sommes soucieux de connaître la vérité et de voir les criminels livrés rapidement aux autorités", a affirmé Mme Geagea.
Denniyé solidaire de Bécharré
Parallèlement, la Fédération des municipalités de Denniyé s’est solidarisée avec Bécharré et a insisté dans un communiqué, sur la nécessité que toute la lumière soit faite sur cette affaire, en rejetant la discorde.
Elle a déploré "le malheureux incident" de Qornet el-Saouda et présenté ses condoléances aux habitants de Bécharré. "Le responsable eu meurtre doit être puni, qui qu’il soit", selon le texte.
Elle a par ailleurs rejeté les propos sur un conflit entre Bécharré et Denniyé, et demandé à "tous les politiciens de retirer ce sujet des discussions politiques".
"Cet incident ne passera pas, l’armée est l’unique garante de la sécurité du pays", lit-on aussi dans le communiqué.
La Fédération des municipalités de Denniyé n’a pas voulu se prononcer sur la question de la démarcation géographique entre les deux cazas, estimant que ce processus relève des autorités compétentes et de la justice.
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