Le compte à rebours a commencé. Vingt-quatre jours seulement nous séparent de la fin du mandat du gouverneur actuel de la Banque du Liban, Riad Salamé, et les autorités n’ont toujours pas donné la moindre indication sur le processus qui sera mis en place pour éviter une vacance à la tête de la Banque du Liban (BDL), alors que le pays reste sans président et continue d’être géré par un gouvernement chargé seulement d’expédier les affaires courantes.
Le communiqué des quatre vice-gouverneurs de la BDL, Wissam Mansouri, Bachir Yakzane, Salim Chahine et Alex Mouradian, jeudi, est venu compliquer une situation qui l’était déjà. Ces derniers ont appelé à nommer un remplaçant à M. Salamé (conformément à l’article 18 du Code de la monnaie et du crédit) avant le 31 juillet, en mettant en garde contre une expédition des affaires courantes à la tête de la plus haute autorité monétaire du pays et en brandissant indirectement, le cas échéant, la menace d’une démission.
À travers leur démarche, les quatre ont mis en relief leur solidarité et exprimé clairement leur opposition à assurer l’intérim à la tête de la BDL (alors que le pays est en proie à une crise sans précédent et que les autorités politiques restent réfractaires à la réalisation de réformes), le temps qu’un président de la République soit élu et qu’un gouvernement doté des pleins pouvoirs soit formé.
À l’heure actuelle, plusieurs scénarios se présentent pour un cas de figure qui n’est prévu ni dans la Constitution ni dans le Code de la monnaie et du crédit: la fin du mandat du gouverneur de la banque centrale et le refus de ses adjoints de le remplacer, alors que le pays est paralysé par un vide au niveau de l’Exécutif.
Comme pour la plupart des dossiers à caractère politique, celui de l’après-Riad Salamé est au cœur d’une vaste polémique. Les différents acteurs directement ou indirectement concernés par l’affaire se renvoient la balle, surtout depuis la mise en garde des quatre vice-gouverneurs de la BDL, multipliant les propositions pour une sortie de crise.
Réagissant à l’avertissement des quatre vice-gouverneurs, qu’il a jugé «dangereux», le vice-Premier ministre, Saadé Chami, a rappelé que dans ce même Code auquel font référence ces derniers, l’article 25 impose au premier vice-gouverneur de remplacer le gouverneur en cas de vacance. Il les a également tenus pour responsables des conséquences de leur éventuelle démission.
Selon un avocat qui a requis l’anonymat, les vice-gouverneurs ont le droit de démissionner dans le cas où un successeur à M. Salamé, en poste depuis 1993, ne serait pas désigné. Néanmoins, le gouvernement, qui peine à se réunir, devrait accepter ou non cette requête, selon le principe du parallélisme des formes, a-t-il ajouté. Thèse que ne partage pas un autre avocat, également interrogé par Ici Beyrouth, et qui considère que la démission est automatiquement exécutoire.
Vers une reconduction du mandat de M. Salamé?
La problématique liée au départ de M. Salamé ne se limite pas uniquement à son poste de gouverneur de la BDL, comme le précise l’avocat Nasri Diab. Il rappelle que celui qui préside aujourd’hui l’autorité monétaire suprême de l’État est également à la tête du Conseil central de la BDL, de la Commission bancaire supérieure, de la Commission spéciale d’investigation ou Commission d’enquête spéciale, et de l’Autorité des marchés de capitaux. Il a également souligné qu’il va falloir pourvoir simultanément la fonction de président de tous ces organes, une fois la date du 31 juillet dépassée.
Une mission tellement compliquée, que beaucoup d’observateurs misent sur une reconduction du mandat de M. Salamé. Or, une telle reconduction nécessite l’un des deux éléments: une décision du Conseil des ministres à la majorité des deux tiers ou une modification de la durée (de six ans) du mandat du gouverneur de la BDL, dont il est fait mention dans le Code de la monnaie et du crédit.
Étant donné que les réunions du Conseil des ministres sont, depuis la fin du mandat de l’ancien président de la République Michel Aoun, majoritairement boycottées par les ministres du Courant patriotique libre (CPL) qui les jugent «illégales, anticonstitutionnelles et contraires au Pacte national», il est difficile d’imaginer que le Cabinet procèdera à une telle reconduction.
Reste le second cas de figure: celui de l’amendement du Code de la monnaie et du crédit – scénario quasi impossible, puisque le Parlement peine aussi à se réunir.
À supposer aussi, dans le meilleur des cas, qu'un nouveau gouverneur de la BDL est nommé par le gouvernement de Najib Mikati, devant qui prêtera-t-il serment en l'absence d'un chef de l'État?
Alors que le vide au sein de la BDL guette, d’aucuns commencent à s’interroger sur le point de savoir comme se répercutera une éventuelle vacance à la tête de la BDL sur la situation financière, sur le taux de change de la livre et sur la plateforme Sayrafa.
Mais beaucoup estiment qu’on en n’arrivera pas là. Toute la question est de savoir quelle formule magique sera adoptée et comment sera-t-elle concoctée, compte tenu de toutes les complications liées à ce dossier.
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